Quand plus rien ne te retient
148 pages
Français

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Description

Confronté à la dureté de la vie, à l’incompréhension des siens et parfois à leur mépris, Mourad jeune étudiant, lutte pour la préservation de sa dignité et de ses rêves... Les jours se succèdent en combats qu’il mène assiégé par une inquiétude atroce : risquer, à tout moment, de céder. L’amour, la passion humaine des choses, parfois si simples et injustement inaccessibles, ravive son espoir. Jusqu’au moment où il a fallu trancher : Partir ou rester ? Je « préfère vivre avec des doutes qui me rapprochent plus de mon être que de certitudes qui m’en éloignent. Je pars sans regrets, sans peur aucune. Surtout quand je regarde derrière moi : Que des chagrins et des douleurs...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 décembre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414502660
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-50358-2

© Edilivre, 2021
Exergue

« Il est des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l’existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose. »
Oscar Wilde
Quand plus rien ne te retient

Le ciel est bas. Le jour décline et s’estompe derrière les vieilles bâtisses peintes à la chaux blanche. La pluie s’interrompt, répand une ambiance triste et liquide. Les enfants quittent leurs abris pour reprendre leurs jeux bruyants. Ils n’ont que la rue et des flaques d’eau sale comme aire de jeux…
Quelques fidèles prennent nonchalamment la direction de la mosquée, entraînés par le chant lancinant du muezzin. Certains y resteront une bonne partie de la nuit. Au moins, jusqu’à la dernière prière du soir.
Un vendeur de pois chiches cuits à l’eau bouillante et au sel s’installe dans un coin. Il s’active, manches retroussées, à allumer sa lampe à gaz. Un groupe d’ouvriers, en bleu de travail, quitte le seul bar encore ouvert dans un grand fracas de rires… Deux chiens errants reniflent les poubelles déchiquetées sur le trottoir.
Je boutonne ma veste en cuir. J’entoure mon cou d’une écharpe en laine colorée achetée aux puces. J’évite de garder l’odeur de la cigarette dans ma bouche en mâchant un bonbon à la menthe.
J’en porte toujours, par précaution, dans ma poche intérieure. Je fume discrètement, je ne veux pas que ma mère et ma famille s’en rendent compte. C’est mal vu ici !
J’entame ma marche d’un air décidé. Une fois de plus. Je sais que je pars quémander quelques billets. Je prostitue mon âme ! Une tâche ingrate que d’aller à la rencontre de mon père, mon géniteur plutôt, et simuler une joie de le voir : fausse et hypocrite. Un oncle éloigné, Haj Smaïn, au courant de tout sur ma vie, me dit que c’est mon père, après tout, et je dois me soumettre. On ne choisit pas ses parents. Ils nous sont donnés par la grâce d’Allah et ce don divin doit être honoré. Toute contestation est vaine et pourrait susciter des malheurs. Il n’y a pas pire que d’être traité de « banni de ses parents », toutes les portes du bien et des bénédictions se ferment, prélude à une longue traversée de mésaventures !
J’ai le cœur crispé, car je vais, inévitablement, croiser ma belle-mère. Elle se met à proférer ses insultes en tous genres dès qu’elle m’aperçoit. Elle me rappelle, à chaque fois qu’elle en a l’occasion, que mes frères et moi sommes indésirables près de chez elle.
La Mercedes noire flambant neuve est là, garée devant l’immeuble à trois étages. Mon père est chez lui à cette heure-ci. Si tout se passe bien, il ne tardera pas à sortir pour aller jouer au rami avec ses habituels amis, tous commerçants comme lui.
Je fais le guet dans un coin de la rue Al Moudjahidines et me rends presque imperceptible aux regards.
Zohra aime ressasser que je n’ai aucune fierté, que je ne vaux rien et que je ne devrais plus me montrer près de chez elle ! Malgré tout, je reste là. J’attends que mon père sorte et me donne les cinq cents dirhams : de quoi payer le loyer de ma chambre et me nourrir pendant un bout de temps.
Je fais semblant de ne pas entendre Zohra quand elle débite ses insultes. Elle aime me rabaisser, m’humilier, savourer particulièrement ces moments : elle jubile en m’écrasant, en maudissant le jour où mon père a fait la rencontre de ma mère.
Je n’ai d’autres choix que de me prêter au jeu. De me faire insulter à chaque fin de mois pour cinq cents dirhams. C’est le prix à payer pour continuer mes études et m’en sortir un jour, me convaincs-je.
Je patiente encore. Le temps se fige. Il devient lourd à supporter, je frotte mes mains pour me réchauffer du froid.
Mon regard suit distraitement le passage des véhicules. Certains avec des inscriptions religieuses sur le pare-brise arrière : « Ceci est une grâce d’Allah », « N’oublie pas de louer Allah le Miséricordieux »… Leurs propriétaires ont une peur bleue du mauvais œil ou d’un imprévu malheur…
Enfin ! Je perçois mon père, en djellaba blanche et tarbouche rouge vif, franchir fièrement le seuil de sa maison. Je me précipite vers lui. Je m’incline et lui baise la main droite ! Puis se bousculent dans ma bouche ces mots habituels de soumission et de complaisance ; j’improvise un discours sur la cherté de la vie à Casablanca. Je fais attention à ce que je dis, car je n’y mets aucune conviction. Je m’efforce à dire ce en quoi je ne crois pas ! Comme beaucoup de choses qu’on fait par complaisance ou pour être bien perçu dans une société d’apparences et de duplicités.
Je jure que l’argent qu’il me donne est dépensé scrupuleusement et qu’Allah en est témoin.
Par la grâce du Tout-Puissant, je saurai, un jour, le récompenser pour ses sacrifices ! Quelle fausseté ! Toutes ces menteries pour cinq cents dirhams…
Il m’écoute, l’air agacé, et s’apprête, comme à l’accoutumée, à rappeler les temps durs : son commerce de tissus qui va mal à cause des mauvais payeurs et du fisc… L’endroit d’où il est originaire, Douar Ezzitoune, un bidonville où affluaient les paysans chassés par la sécheresse et la misère, venus gagner leur vie en travaillant dans les mines de phosphates : le « trou » comme le surnomment les gens d’ici !
Mon père était le onzième enfant d’une famille de paysans des Ouled Abdoun… Il avait souffert de la négligence de ses parents, de l’iniquité de ses aînés avant de fuguer et d’ouvrir un commerce de tissus à Kissarayyat Cherradi.
Cette misère et la dureté de la vie sont restées une ligne de conduite pour lui. Une obsession ! Il aurait bien aimé que je gagne cet argent qui « tombe facilement entre mes mains. Et sans le moindre effort ! » conclut-il.
Il sort de sa poche les cinq billets de cent dirhams, comptés à l’avance. Je sens une grande délivrance !
Je lui rebaise la main droite en guise de reconnaissance et implore Allah de lui procurer longue vie ! Il m’ordonne de quitter les lieux et surtout de ne pas le décevoir…
Je m’exécute, surtout pour éviter d’autres insultes de Zohra. Celle-ci supervise notre rencontre depuis sa fenêtre grande ouverte… Rien n’a dû lui échapper.
Je ravale ma honte. Elle gronde en moi, mélangée à un sentiment d’injustice. J’essaie de m’en dévier, de porter mon regard sur la foule épaisse autour de moi, sur ces dizaines de jeunes chômeurs assis aux terrasses des cafés, occupés à fumer du mauvais tabac noir, à fixer les fesses des filles moulées dans de faux jeans américains ou épiloguer sur les derniers modèles de voitures rapatriés par les émigrés d’Italie.
Je sais que durant un mois, je vais vivre en dehors de cette ville. Loin de ces pitoyables spectacles. Je serai ailleurs, le temps d’oublier…
J’arrive à mon quartier, Izdihar. Tous les quartiers populaires ou pauvres portent des noms pompeux ! Il faut bien concéder un semblant de prestige à leurs habitants… Un leurre aux effets anesthésiants qui procure de fausses reconnaissances. Mon ami Walid habite bien au quartier des Roses. Il faut bien faire preuve d’imagination pour discerner les roses au milieu des déchets et des poubelles qui s’amoncellent à chaque coin de rue !
Je vois de loin ma mère plantée devant la porte de notre maison. Toujours inquiète ! Elle me demande si je suis parvenu à obtenir les cinq cents dirhams. Je la rassure par un semblant de sourire. Elle me pose un tas de questions sur ma belle-mère. Comment était-elle habillée ? Portait-elle des bijoux en or ? Comment m’a-t-elle reçue ? Si mon père a demandé après mes frères…
Je suis épuisé par les insultes de ma belle-mère et maintenant par l’interrogatoire de ma mère. Mes oreilles se ferment machinalement. Je n’entends plus rien. L’idée de partir m’obsède encore, plus pressante…
J’ai hâte de partir, de retrouver mon ami Hassan à Casablanca, de fumer une cigarette et de prendre un verre avec lui, de refaire le monde ensemble. Oublier ma condition dans la vulgarité hilarante des racontars et des blagues salées.
Si peu de choses finalement !
Les cinq cents dirhams me reviennent cher considérant toutes ces humiliations ! Je n’ai pas de choix autre pour aller à l’université. Ranimer l’espoir de m’en sortir un jour, peut-être…
Le réveil sonne. Il est 4 h 30 du matin. Je saute du lit sans réellement avoir dormi : pressé de partir… J’ai traversé la nuit comme un voyageur errant !
Je m’asperge le visage d’eau froide dans la salle d’eau. Je tends le bras à la recherche d’une serviette. Je m’essuie avec. J’enfile mes vêtements de la veille et me donne un coup de peigne en ramenant mes cheveux à l’arrière.
La lumière jaillit de la petite chambre d’à côté ! Je devine ma mère se lever pour me saluer et me donner le petit panier de légumes, de café et de sucre qu’elle a l’habitude de me préparer. Le premier autocar pour Casablanca part à 6 heures du matin. J’ai juste le temps, en marchant, d’arriver à l’heure, d’acheter un ticket et de m’installer au fond du véhicule pour trois heures de route. Je pourrai dormir durant le trajet, me laisser bercer par les secousses et les multiples arrêts.
J’entends un bruit sourd derrière moi ! Je me retourne. Ma mère est par terre, le visage défait. Que lui est-il arrivé ? Je panique ! J’essaie de la soulever et de la ramener à elle ! Elle ne réagit plus !
Je demande à mon petit frère Amine de partir à la recherche de ma grand-mère. Elle n’habite pas très loin de chez nous. Troublé de voir ma mère étendue sur le sol, inconsciente, Amine part en sanglots. Dehors, il fait encore sombre et froid. Le muezzin de la mosquée Al Qods entame son chant d’aurore.
Je continue à parler à ma mère et à caresser son visage pour la ramener à

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