Pour qu’Allah aime Lou Lou
144 pages
Français

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Pour qu’Allah aime Lou Lou , livre ebook

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Description

Lou Lou, égérie du Continental, un bar que fréquentaient les Américains établis à l'époque à PortLyautey, est invitée par le narrateur, près de quarante ans après l'avoir quitté, à célébrer ses amours perdues, ses noces ajournées, dans ce même lieu qui a vu naître et mourir son idylle avec un soldat yankee. Ce haut lieu de la fête, redevenu banal, va la conduire, d'évocation en évocation, à vivre un bonheur insoupçonné. Cette veillée improvisée est l'occasion pour le narrateur de disséquer les gestes et les paroles des occupants de ce bar éminemment romanesque, et de s'interroger sur le sens de la vie - une vie constamment menacée par les intégristes qui sévissent dans l'arène publique. Plus que le récit, conduit de main de maitre, c'est l'étincelle de beauté qui émane de chaque page qui enchantera le lecteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9789954213780
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pour qu’Allah aime  Lou Lou  roman
© Editions Marsam - 2015 15, avenue des Nations Unies - Rabat Tél : 05 37 67 40 28 - Fax : 05 37 67 40 22 E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Compogravure flashage Quadrichromie
Impression Imprimerie Bouregreg - 2015
Dépôt légal :2015 MO 0115I.S.B.N. :978-9954-21-378-0
 Rachid Khaless
Pour qu’Allah aime  Lou Lou  roman
Du même auteur
Cantiques du désert,poésie, l'Harmattan, Paris, 2004. Dissidences,poésie,l'Harmattan, Paris, 2009. Dans le désir de durersuivide Vols, l'éclat,Maison de la poésie au Maroc, 2014. Quand Adam a décidé de vivre,roman, La Croisée des Chemins, 2014.
Couverture Oeuvre du peintre Abdelhalim Raji Collections Marsam
A la mémoire de ma mère
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J’invitai cette femme qui évoqua avec des accents inhabituels l’époque des Américains, jetant dans ce bar des vagues de nostalgie qui vinrent éclabousser les murs parés de fresques anciennes et enivrer, comme le meilleur des crus, les buveurs déjà à moitié soûls, amers. Tous avaient vécu cette époque-là avec ses fastes et ses désastres et secrètement regrettaient jusqu’à leur présence dans ce bistrot malfamé où nous nous retrouvâmes par un secret hasard. J’avais provoqué, mais sans en être d’abord conscient, des élans mélancoliques et la matière délicate de ce récit. J’étais loin de penser que cette veillée improvisée allait si intensément nous changer. Maquillée par une vendeuse ambulante qui écumait les lieux, Lou Lou, plus belle que jamais, savourait enn le vin de sa virginité consommée, de ses noces ajournées. Mais était-ce cette revanche sur sa vie ou l’euphorie où je l’avais plongée qui donnaient à son regard, à tous ses gestes, cette gravité, ce magnétisme ? Elle illuminait la soirée d’une auréole qu’elle devait puiser dans ses souvenirs de femme adulée par les soldats américains qui, quatre décennies révolues, fréquentèrent l’endroit et dont les peintures murales perpétuaient la présence symbolique. Désignant les murs, Lou Lou nous cona : « Voici l’éclat de ma vie d’antan ». Je regardai ces fresques ternies par les ans et je me dis, l’esprit empressé à accorder à chaque objet une réplique littéraire, que cette couleur marron pâle était le sang gé des Américains qui avaient fait, naguère, la vie de ce bar. « La vie, renchérit mon voisin dans le droit l de ma pensée, nous réserve de drôles de surprises », faisant sans doute allusion à ma présence, moi l’étranger, l’étrange même, parmi la tribu
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Pour qu'Allah aime Lou Lou
des ivrognes dont je cherchais le voisinage, attestant que le cours des événements, je le saurai plus tard, allait nous apporter bien des tourments. Mais était-ce par pur hasard que nous nous réunîmes ici ? À vrai dire, j’avais succombé à une irrépressible curiosité pour convier cette femme éponyme, fasciné à la fois par le personnage transformé en une légende ancrée dans la mémoire collective de cette cité ou du moins chez la frange des buveurs – ils sont nombreux et dèles à ces lieux de leur orgie de sang – et par les locaux où je célébrais d’étranges rites : mes morts et mes résurrections au monde. Peut-être avais-je été plus ensorcelé par ces peintures murales, épiques celles-là, détonnant avec le lyrisme vil et la misère où inéluctablement sombraient ces ivrognes, mes non-frères. C’était là, contrairement aux buveurs bruyants et vulgaires, abattant bière après bière dans une concurrence morbide, riant de leur exploit ou raillant un client trop vite rassasié, que je m’appliquais à lire et à écrire. On me tint longtemps à l’écart à cause de cette manie de scribe, acte dangereux dans ce haut lieu de la conspiration, mais on nit par sonder ma folie, m’ayant fait espionner par le serveur, puis on m’adopta. Je cessai alors d’être la fausse note dans cette partition perde et m’alignai à cet ordre solennel du monde du bar. Toutefois, n’était-ce pas pire perdie de la part des vétérans que de m’affubler du titre de fqih dans un lieu sacrilège ? J’attribuai ce sobriquet à la langue dialectale qui veut désigner tout lettré par cette qualité. J’appris plus tard, ayant côtoyé ce peuple d’intempérants, que ce surnom portait une charge d’ironie qui me collerait irrémédiablement à la peau, m’accompagnerait pour toujours. Car la première impression que l’on a de vous dans un bar ne vous quitte plus, à la manière du nom qui est donné à la naissance et scellé par le sang du sacrice.
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Ce fut mon cas, car lesang du chienà ots la coula première fois que je mis les pieds dans ce lieu. J’avais partagé ce sang commun avec les clients présents, têtes habituelles que je reconnus toutes les autres fois que mes pas me conduisirent dans ce coin étrange. C’était le conseil des patriarches, les buveurs les plus illustres, ceux qui ne tombaient jamais. Ce dernier mot désignait, dans le vocabulaire du bar, les consommateurs insatiables qui se mettaient sur un seul pied sans perdre l’équilibre après une consommation pantagruélique du sang du chien, un rouge local portant la prestigieuse appellation deGuerrouane.
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Je pourrai parfaitement dater ces événements. En revanche, je suis incapable de dire dans quelle circonstance j’avais été amené à pénétrer dans ce bar infâme. Et autant que ma mémoire me permettrait de restituer les sensations essentielles que j’y ai vécues, ce serait une impression de vacarme qui s’imposerait à moi. Le lieu était plein à craquer et je fus assourdi par le bruit continuel des buveurs. Et m’éblouirent si intensément leurs gestes exubérants – ces gestes qui, éphémères, vous marquent pourtant à jamais. C’était sans doute cette manifestation libre de la vie, ce tumulte intense qui me décida la semaine suivante à m’engouffrer dans cette grotte moite peuplée de toute sorte d’individus. À mon insu, le désir de consigner l’attitude des buveurs, d’écouter leur dialogue exalté, de me délecter de leurs monologues interminables, se formait en moi. J’ai vite adopté certains d’entre eux, les plus sympathiques ou les plus extravagants : ils me fascinaient tous. J’étais loin de penser qu’à mon tour j’allais hanter ce lieu sordide et me transformer progressivement en un client habituel ; celui qu’on désignait du doigt dès qu’il en franchissait le seuil, dont on analysait la conduite, dont on examinait le moindre geste. Non que je sois devenu à la longue un buveur notoire mais à cause de mon activité étrange, l’écriture, qui attirait le regard des curieux. Dans ce lieu, j’éprouvais un sentiment d’exaltation à écouter les rires francs de ces drôles de locataires débitant des insanités à longueur de journée, défaisant et refaisant avec la même facilité le monde ! Avec eux et loin d’eux, je dégustais les mets les plus variés et buvais les vins les plus succulents. Et chaque fois que je me
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