Pour les yeux d’un homme
274 pages
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Pour les yeux d’un homme , livre ebook

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Description

Dans la chaleur pesante d’un mois d’août parisien, seul le canon du revolver sur sa tempe insuffla le froid suffisant dans la tête de Jean-Pierre Vernes pour qu’il retrouve ses esprits. Est-ce sa vie de chercheur, biogénéticien de génie, qui l’a emporté jusqu’à cette minute fatidique où une fois de plus c’est lui qui va décider de la vie? En raison de la confiance qu’il a lue dans les yeux de cet homme, Ted de la CIA, Jean-Pierre vit une aventure hallucinante. Ce "père-éprouvette" tente, à travers le monde, de préserver "ses enfants" d’une organisation mondiale et d’une maladie du sang implacable. Comment pourra-t-il, tout en sauvant le monde, exister pour ces enfants en tant que père et les faire exister eux-mêmes? Ce roman de science-fiction, mais est-il vraiment si improbable, entraîne le lecteur au bord de l’irraisonnable, au bord du précipice où la raison se fond dans le probable de la science pour s’y perdre. Vertigineux développements qui teintés de mysticisme ne manquent pas de solliciter l’interrogation éternelle de Dieu et/ou de la science.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387490
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pour les yeux d’un homme
Fabrice Viné
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Pour les yeux d’un homme
 
 
 
 
 
 
 
La nuit aplatissait la ville comme une galette. Il régnait en ce mois d’août une chaleur un peu étouffante. Les lumières de Paris multiples et dispersées, semblaient se dissoudre dans la clameur orangée du ciel. En cette fin de journée, lourde, dans un vieux quartier chic, le bureau Louis XV trônait près de la fenêtre. Il guettait l’agonie du jour, comme si elle n’était pas immuable. C’était un homme d’environ soixante-quinze ans. Son front bronzé, plissé par de sombres soucis, son menton et son regard bleu vif, lui conféraient une autorité remarquable. De fines lunettes rondes, serties d’or, lui donnaient à la fois un air docte et bourgeois. Il était vêtu d’un costume gris sombre, de grande qualité d’étoffe, comme on n’en portait plus beaucoup en ce début de XXI e  siècle. L’atmosphère, lourde et chargée par les conditions climatiques, était encore aggravée par l’aspect de cette pièce plongée dans une demi-pénombre, entourée de meubles anciens cirés, pour la plupart des vitrines surchargées de livres aux riches reliures. Sur la table, seuls objets en conformité avec l’époque ; un ordinateur à écran couleur interactif et une imprimante laser. Un autre objet semblait apparaître logique, en accord avec la pesante ambiance, un revolver noir à barillet, canon court, de marque Smith et Wesson. L’homme, dans une attitude digne mais effondrée, écrivait d’une belle écriture avec un lourd stylo à plume en or. Plusieurs dizaines de pages étaient posées à gauche, déjà noircies. L’homme écrivait d’une main sûre, appliquée, résolue, son écriture penchée avec pleins et déliés faisait penser à celle enseignée au milieu du XX e  siècle. L’écran de l’ordinateur avec un contraste cinglant, sur un fond de lumière bleu vif, dominée par un en-tête rouge « SANTÉLABO » affichait en caractères blancs : « S.H 11 et 13 leucose 1 aiguë, mort en trois jours ». Il était évident que l’homme ne goûtait pas l’aspect dérisoire de la gaieté des couleurs face à l’horreur de ces nouvelles.
Il ferma les yeux, qu’il couvrit encore de sa main pour échapper à cette sombre lumière de l’écran… Mais là, dans sa mémoire éclataient deux boules de feu d’une luminosité assourdissante : l’explosion des avions. La dissolution explosive des vies qui étaient le plus cher à son cœur.
Dehors, la nuit avait remplacé le crépuscule. Les lumières devenaient plus vives. Le bruit de la circulation, modérée en ce mois d’août était doux, onctueux, traînant, dominé par le ronron des véhicules électriques et parfois haché par le bruit thermique d’un cyclomoteur.
À l’intérieur, comme aucune lampe n’était allumée, seul l’écran de l’ordinateur se chargeait d’éclairer la pièce et semblait l’arroser de plus en plus fort de sa funeste information. Elle devenait éblouissante.
L’homme, faisant jouer la souris de l’ordinateur, changeait l’écran pour un gris clair toujours dominé par « SANTÉLABO » en jaune cette fois, avec en dessous : « Division biogénétique Médicale ». Il y avait une liste comportant « S.H » de 1 à 22 avec en face de chaque numéro un nom propre. Douze de ces « S H » étaient surilluminés avec la mention « OFF » après le nom. Il tapait mécaniquement sur le clavier qui faisait un bruit bête à chaque touche.
L’homme avait fini d’écrire, il signa au bas de la dernière page. Il prit le revolver comme pour le soupeser, le regarder et comme par jeu, il mit le canon froid contre sa tempe droite. Cette sensation de froid parut le ramener un peu dans la réalité. Il était surpris, que par cette atmosphère surchauffée, l’air soit froid. C’est psychologique se dit-il. Pendant un long moment, il resta figé dans cette position. Son regard allait du barillet chargé de balles, noir froid, à son bureau en acajou, à l’écran de l’ordinateur. Le métal, le bois et la lumière ; le passé, le présent, l’avenir. La mort, la souffrance, leurs causes, se disait-il en lui-même. Il se sentait alors profondément inutile, tout lui semblait inutile mais la confrontation de ces trois choses, matières, valeurs ou symboles semblait le tirer d’une léthargie. Il s’était dit : « J’écris tout puis j’en finis avec cette vie catastrophique ».
Et maintenant que tout était bleu sur blanc, sa résolution n’étant pourtant pas entamée, il se mettait à réfléchir sur le froid du canon, la chaleur du bureau, l’éclair de l’écran. C’était comme si ces trois éléments lui apportaient non pas, une solution, mais l’amenaient à se poser une nouvelle question. Il avait pourtant pensé épuiser largement toutes les questions qu’avaient pu susciter la science, la morale, la philosophie, les religions. Néanmoins, il y avait là le concret ; le trou noir du revolver, la chaleur enveloppante du bois, la luminosité colorée et vivante. La mort lui parut bientôt inutile ; elle pouvait bien plus être interprétée comme une lâcheté, une fuite devant la justice des hommes. Mais surtout elle ne réglait rien. Son bras droit retomba doucement sur le bureau, où gisaient toutes ces feuilles écrites, il marmonna : « Cela reste valable… pour plus tard » puis l’écrivit sur l’écran de l’ordinateur. Il reste encore six enfants mais pour combien de temps. Il se leva prestement avec le bloc de feuilles écrites et alla placer le tout dans un coffre-fort mural dissimulé à l’intérieur même d’une des bibliothèques, derrière les livres.
Puis il se dirigea vers un meuble bas, d’où il tira une bouteille de cognac et un verre. Il sortit de sa poche un gros cigare et pensa avec un petit sourire sardonique :
« Marrant, mais le tabac et l’alcool, c’est plutôt avant une exécution ». Il s’assit dans un des deux profonds fauteuils de cuir qu’il affectionnait énormément, et bu un grand verre de cognac.
« Bon, et maintenant que j’ai perdu tout ce que j’avais à perdre, mais je me retrouve finalement encore en possession de ma vie, que vais-je faire ? Que vais-je faire des semaines, voire des mois qui me seront accordés ? La situation est tellement inextricable ; il me faut tout d’abord retrouver un peu de liberté.
Dans quelques heures, les services spéciaux de la police tambourineront à cette porte. Il but un second verre de cognac, puis tira sur son cigare en regardant virevolter la fumée, en espérant y trouver des idées. C’est mon côté romantique, pensa-t-il en souriant. Il ne me reste désormais que quelques heures pour rassembler de l’argent, trouver où aller. Ensuite, je n’aurais certainement que quelques jours, une semaine tout au plus, pour retrouver mes six enfants restants, mais maintenant je sais que cela vaut la peine. Puis il reposa sa tête contre le fauteuil et se mit à rêver un peu, à revoir comment tout cela avait commencé…
 
Jean-Pierre Vernes naquit à Épinal, dans les Vosges en 1935. C’était à la clinique de la Roseraie. Ses parents, en étaient très fiers ; c’était leur premier et il fut leur unique enfant, sa mère, ayant perdu un autre bébé à la naissance, avait subi une intervention empêchant toute possibilité de grossesses futures. Elle ne se remit jamais vraiment de cette perte et de l’impossibilité d’être mère à nouveau ; elle en conçut une amertume profonde qui, paradoxalement, brida quelque peu ses sentiments vis-à-vis de son fils.
Son père, bien qu’il ne l’exprimât jamais, souffrit beaucoup lui aussi de cette situation ; il y avait chez lui un tel désir d’enfant mais cela, il n’osa plus, devant la souffrance de son épouse, en faire état. Il se dit que la frustration allait disparaître avec le temps.
Il était médecin généraliste. En ce temps-là, il était l’un des seuls à posséder une automobile pour faire ses visites. Leur situation était aisée. Les Vernes possédaient une grande demeure sur les hauts de la ville, près du parc du château. Madame Vernes était documentaliste et travaillait à mi-temps à la bibliothèque municipale. Sa profession lui permettait d’avoir accès à toutes sortes d’ouvrages littéraires, romanesques, de fiction ou scientifiques. Le père quant à lui, ne lisait jamais que ses revues de médecine et encore, quand il lui restait un peu de temps ; en effet parti dès 7 heures du matin, il rentrait le soir vers 21 ou 22 heures. Il était en outre fréquemment rappelé la nuit pour des urgences, véritables ou « ressenties ».
L’enfance de Jean-Pierre fut en fait banale. Dans un milieu de petite bourgeoisie de province, il existe de fait une sorte de carcan éducatif et culturel avec « les choses qui se font et les choses qui ne se font pas ». Ses parents, bien que catholiques, n’étaient pas très pratiquants.
Jean-Pierre ne manqua de rien, l’aisance matérielle, l’accès à la culture, aux sports divers. Il ne manqua de rien… et pourtant, quand, il pense à ce temps passé, il sait bien qu’au fond de lui-même, l’essentiel de son mal-être postérieur vient de cette période, de sa difficulté à avoir confiance en lui, de son angoisse permanente de ne pas être assez aimé. Il sait maintenant que malgré toutes les apparences, il n’était pas un enfant désiré, ni très aimé par la suite par chacun de ses parents qui pourtant, se gardèrent bien de lui dire ou de lui faire sentir. Mais il y a des choses imperméables à l’intellect que seul le cœur comprend. Le non-dit transperce la carapace du raisonnable pour atteindre celle de la sensibilité et du ressenti.
 
Il ne voyait que peu son père, mais il était imbibé de son rayonnement, de ce qu’il avait dit, de ce qu’on disait de lui. Et comme c’était un bon médecin, et par ailleurs

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