Alia et Sophia. Deux femmes que tout oppose, leurs caractères, leurs trains de vie et leurs parcours, mais qu’une amitié va rapprocheren dépit de ces différences. Dans ce roman, la sage et calme Alia narre l’histoire de sa relation avec Sophia. Brillante chef d’entreprise, mariée et mère, cette dernière est aussi une femme fatale, désinvolte et constamment poussée, de façon irrésistible, vers des relations papillonnales, lieu d’exultation de désir libidinal.Sa devise : faire fi du convenu, du convenable et du conventionnel tant que le corps jubile. Juste, pour le plaisir!Sophia, qui se joue des hommes et de leur cœur, finira-t-elle par se jouer d’elle-même ? À force de titiller le diable, brûlera-t-elle à son feu ? Paiera- t-elle le prix de sa désinvolture dans un Maroc conservateur où la liberté sexuelle n’est guère de mise ?L’amour et ses embûches, l’amitié et ses ambiguïtés, le sexe et sa rançon, la trahison et ses abîmes... Autant de sentiments que Mohamed Kohen évoque avec humour et subtilité dans cet ouvrage.
Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
« L’amour d’un seu être est une barbarîe car on e pratîque aux dépens de tous es autres... »
Nietzsche Par-deà e Bîen et e Ma.
L’ami étranger
omme un rîte reîgîeux, chaque dîmanche C nous avons rendez-vous, Kushîm et moî, avec ’aîr marîn de a cornîche de Casabanca. Pour rîen au monde nous ne dérogeons à cette résoutîon prîse, d’aîeurs, depuîs uî. Hormîs orsque e cîe est moîns cément, ce quî est reatîvement rare, ou orsque je suîs obîgée, pour un dépacement împrévu, de e conier au chenî du quartîer. Kushîm est mon anîma de compagnîe, je uî aî donné e nom du premîer homme connu de ’hîstoîre de ’humanîté. Je ’aî adopté non pour ’amour des bêtes, maîs surtout pour comber e vîde que mon amî Yvon a aîssé en partant. Notre reatîon étaît devenue soudaînement înamîcae. De cette rupture înattendue, j’aî ongtemps gardé un goût amer, d’autant pus qu’ee fut nette et brutae. I auraît fau découdre au îeu de déchîrer ain de ne pas însuter ’avenîr. Maîs î étaît déjà tombé dans es iets de Zaya. Les séparatîons toujours possîbes ne devraîent, en prîncîpe, entre des gens de bîen, engager nî ressen-tîments, nî haîne, nî dénîgrement, nî remontrance.
8 — Pour e paîsîr !
C’est pourquoî, après une brève phase vexatoîre, j’aî cessé de uî en vouoîr. Zaya a été pour Yvon ce que Pandore fut pour Épîméthée, une méchante punîtîon dans a peau d’une femme fatae, ornée de dons et porteuse, en même temps, de mystères et de maheur. Ee a réussî à couper son hîstoîre en deux : e Yvon d’avant Zaya et ceuî d’après. Dès qu’îs se sont rencontrés, ee s’est împosée en maïtresse et Yvon a dîsparu de mon monde. I s’est voatîîsé, sans préavîs, dans es vapeurs d’une feînte amourette de cabaret. Éprîs d’un goût soudaîn pour de a chaîr fraïche, î a tout concédé à cette gamîne de vîngt et troîs prîntemps, cœur, corps et bîens. Certes, ee étaît bee et avenante, peîne de maîce et de charme, maîs ce n’étaît assurément pas suffîsant pour construîre une vîe stabe et heureuse. La beauté se fane et a maîce n’est parfoîs qu’un mîroîr aux aouettes ou un eurre haîeutîque pour une pêche au gros. Yvon est né et a grandî en Bretagne. Je ’aî connu î y a un peu pus de troîs ans. Nous nous retrouvîons chaque foîs qu’î revenaît à Casabanca. I vouaît s’înstaer déinîtîvement au Maroc, pour y couer une douce retraîte, et prévoyaît de monter une petîte affaîre ain d’assurer une rente suppémentaîre. Je ’aî croîsé, a premîère foîs, un jeudî soîr, au Centre Cuture Françaîs, à ’occasîon d’une conférence à propos de ’împact de a bombe démographîque sur e réchauffement cîmatîque.
L’amî étranger — 9
J’avaîs déjà prîs conscîence du danger que nous sommes en traîn de fabrîquer pour es génératîons à venîr, es feux de forêts, es înondatîons, es typhons et es cycones, a dîsparîtîon de notre îttora, a modîicatîon de a fore et ’extînctîon des mîîers d’espèces vîvantes. Yvon défendaît ’antîthèse, fervent cîmato-sceptîque, î dîsaît que a Terre a connu des pérîodes chaudes et des pérîodes froîdes, qu’ee saît se maîntenîr, qu’î faut se méier de ceux quî sèment a panîque et e doute. D’aîeurs,avaît-î dît, « a fonte du pôe Nord se faît en même temps que a gacîatîon du pôe Sud ». Puîs î avaît ajouté sur un ton sarcastîque : « Aujourd’huî, nous avons apprîs à avoîr peur de tout. Nous avons peur des avîons, des pestîcîdes, des OGM, des puîes acîdes, des poîtîques, du soeî, de a Chîne, du voîe îsamîque, des moustîques et des sourîs, aors qu’î faut quand même reconnaïtre que es sourîs font beaucoup moîns de morts chaque année que a bêtîse humaîne. »
Bîen que je ne soîs pas tout à faît d’accord, je suîs très sensîbe à son humour. Depuîs, nous nous sommes rencontrés pusîeurs foîs en tout bîen tout honneur et je ’aî aîdé à dénîcher une masure au bord de a mer, à Dar Bouazza. I ’a acquîse pour peu cher, puîs î ’a rénovée doucement, à son rythme et à sa guîse, en faîsant i du pan d’aménagement autorîsé. Et pour cause, ’argent rend possîbe toute chose. De ses grosses maîns caeuses, d’acromégae, Yvon a presque tout refaît. La maçonnerîe, a pomberîe,
10 — Pour e paîsîr !
’éectrîcîté et es peîntures ain de donner à son ogîs une aure convenabe. La rénovatîon uî avaît prîs un peu pus de neuf moîs, e temps d’apprendre queques mots d’arabe et de s’accommoder aux pratîques ocaes. En peu de temps, ’Admînîstratîon n’avaît pus de secrets pour uî, ses préposés non pus. Yvon est un homme subtî et courtoîs. Nous pas-sîons du temps ensembe et partagîons beaucoup de choses. Lorsqu’î venaît au Maroc, j’étaîs son chauf-feur attîtré, son « homme de maîn », sa conseîère bénévoe et sa camarade dévouée. I étaît mon amî, jusqu’au jour où, hameçonné par Zaya et ce qu’ee est supposée apporter à a créduîté du quînquagé-naîre décrépît qu’î est, î m’a quîttée. Sans doute espé-raît-î retrouver, dans e ît de a jeunesse, a vîgueur perdue. Maheureusement, et c’est fort regrettabe, cee-cî n’est pas transmîssîbe par a voîe vénérîenne.