Pour exister encore - Gagnant prix Femme Actuelle 2021
191 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Pour exister encore - Gagnant prix Femme Actuelle 2021 , livre ebook

-

191 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Martine Duchesne Pour exister encore Roman Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com Copyright © PRISMA MÉDIA / 2021 Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-06508 À mon mari À Philippe, Ganaëlle À Nolwenn, Clément, Alexandre, Maxence Ne sacrifiez personne à votre bonheur ; on ne peut être heureux par le malheur d’autrui. Pierre-Claude-Victor BOISTE Dictionnaire universel (1843) Prologue La porte s’ouvre. Elle n’est jamais verrouillée. Un souffle près de mon visage. Un chuchotement s’insinue dans le silence de ce matin glacial. Je me lève précipitamment, le corps encore ensommeillé. Je me suis préparée à cette éventualité. Je savais que cela pouvait arriver, mais au fil du temps cette possibilité s’est effacée. Je jette un dernier regard sur mon refuge. Je m’échappe aux souvenirs. Je m’engouffre dans un couloir inconnu. Il a la résonance d’une caverne. Une voix devant moi me guide. Une porte se matérialise. Des marches de pierre descendent dans les ténèbres. J’entends des murmures, des cliquetis. Je me retourne. La porte se referme. Des pas s’éloignent. La peur me submerge soudain et glace mon sang. J’ai la tête qui bourdonne. Elle résonne d’acouphènes incessants. EMMA 1 Février 2008   Une nouvelle nuit venait de s’achever. Elle le quittait dès les premières lueurs de l’aube. Il y était habitué.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mai 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9782819506508
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Martine Duchesne
Pour exister encore
Roman
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com

Copyright © PRISMA MÉDIA / 2021 Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-06508
À mon mari
À Philippe, Ganaëlle
À Nolwenn, Clément, Alexandre, Maxence
Ne sacrifiez personne à votre bonheur ; on ne peut être heureux par le malheur d’autrui.
Pierre-Claude-Victor BOISTE Dictionnaire universel (1843)
Prologue

La porte s’ouvre. Elle n’est jamais verrouillée. Un souffle près de mon visage. Un chuchotement s’insinue dans le silence de ce matin glacial. Je me lève précipitamment, le corps encore ensommeillé. Je me suis préparée à cette éventualité. Je savais que cela pouvait arriver, mais au fil du temps cette possibilité s’est effacée. Je jette un dernier regard sur mon refuge. Je m’échappe aux souvenirs. Je m’engouffre dans un couloir inconnu. Il a la résonance d’une caverne. Une voix devant moi me guide. Une porte se matérialise. Des marches de pierre descendent dans les ténèbres. J’entends des murmures, des cliquetis. Je me retourne. La porte se referme. Des pas s’éloignent. La peur me submerge soudain et glace mon sang. J’ai la tête qui bourdonne. Elle résonne d’acouphènes incessants.
EMMA
1

Février 2008
 
Une nouvelle nuit venait de s’achever.
Elle le quittait dès les premières lueurs de l’aube. Il y était habitué. Il n’avait pas le choix, il acceptait malgré l’envie douloureuse de rester plongé dans le sommeil pour reposer encore un instant à ses côtés. Pourquoi venait-elle hanter ses nuits ? Il feignait de ne pas comprendre. En fait, il se mentait à lui-même. Il savait que derrière ses apparitions nocturnes se cachaient les cendres de sa vie.
Il se redressa lentement, s’appuya sur un coude. Un fourmillement de douleur comprima sa poitrine. Une brûlure familière. Il respira longuement. Le feu s’estompa.
Grand, mince, athlétique, un charme à la Sean Connery. Une vieillesse vigoureuse portait ses quatre-vingt-huit ans. Le désordre des cheveux, les yeux vifs, les mâchoires rudes, les traits musclés, révélaient encore le jeune homme qu’il avait été. Il était resté beau, d’une beauté aristocratique. Seules les rides ciselées de son visage, pareilles aux coups de burin d’un sculpteur, lui accordaient un passé.
On lui demandait souvent si sa jeunesse avait un secret. Il haussait les épaules, ne répondait pas. Il ne savait pas jouer de mots inutiles. Elle… était son secret. Il l’enveloppait de son silence et puisait sa force dans son souvenir.
Il pressa l’interrupteur de la lampe posée sur la table de chevet. La lumière éclaira faiblement une grande chambre meublée sobrement. Il n’eut pas besoin de regarder sa montre pour savoir qu’il était cinq heures du matin. Chaque jour, il se réveillait invariablement à la même heure. D’un geste sec, il repoussa les couvertures et sortit de son lit. Le bruit du parquet, sous ses pieds nus, craqua dans le silence de l’aube.
Il s’habilla rapidement d’un survêtement posé sur l’édredon, puis se dirigea vers la fenêtre. Les rideaux fermés laissaient filtrer des lignes d’ombre et de lumière. Il les ouvrit et entrebâilla l’un des carreaux. Des gestes mécaniques parmi d’autres gestes quotidiens, que presque quarante ans de solitude avaient greffés à sa vie. Un des nombreux automatismes devenus essentiels.
Un froid glacial le saisit. Malgré l’aube hésitante, la lune brillait encore d’un éclat de glace. Les étoiles s’éteignaient les unes après les autres. Le jour se levait sur un ciel plombé de nuages laiteux. Il va neiger , songea-t-il.
Près du chemin de terre, il entrevoyait les contreforts rocheux du lit du Caïros, affluent de la Roya petit fleuve côtier franco-italien qui se jette dans la Méditerranée au niveau de Vintimille. Il entendait le bouillonnement de l’eau rouler dans les travées sombres des rochers. Sa course avait commencé plus haut, à mille neuf cents mètres en contrebas de la Cime du diable. À peine quatre kilomètres plus bas au pied de la chapelle Sainte-Claire, la perte sèche d’altitude le transformait en un torrent intrépide. Il dévalait alors rapidement les pentes abruptes du vallon, polissant sur son passage le fond de roches et de galets. Ses eaux impétueuses l’entraînaient vers la Roya qu’il rejoignait du côté des villages de Fontan et de Saorge, mille cinq cents mètres plus bas.
C’est là, à Maurion, dans cette vallée du Caïros qu’il s’était installé. Le minuscule hameau peuplé de quelques maisons isolées se plantait sur la rive gauche du vallon. Un versant toujours ensoleillé dominé par le plateau de la Céva. Une merveille.
La ferme de ses parents était devenue une solide construction, accueillante, spacieuse, confortable. Il y avait retrouvé ses racines, planté sa vie, caché ses peurs, greffé son attente.
Il siffla. Ses deux chiens, Stan et Oliver, deux bouviers bernois, vinrent à la rencontre de sa voix. Le choix de ces noms le fit sourire. Ils faisaient référence à un célèbre duo comique du cinéma américain des années quarante : Stan Laurel et Oliver Hardy. Un clin d’œil à sa passion pour le cinéma, notamment celui d’après-guerre. Il avait fait de l’une des chambres de la maison un hymne à la filmographie. Il vivait sa relation avec le septième art de manière viscérale, fusionnelle. Il aimait les films en noir et blanc. Son amour pour le cinéma du clair-obscur, des contrastes, des couleurs effacées, le portait vers celle qu’il avait désespérément aimée…
Pour parfaire son éducation de cinéphile, il s’était inscrit dans une cinémathèque de Menton où il se rendait régulièrement. Il en profitait pour se faire un film dans une salle obscure de l’un des cinémas de la ville – il mettait un point d’honneur à être au top de l’information cinématographique – puis il terminait son escapade par un passage obligé au supermarché pour faire le plein de victuailles et de DVD récents.
Aujourd’hui, descendre la vallée était devenu trop périlleux pour sa vieille carcasse, alors il avait fait l’acquisition d’un ordinateur, pris quelques cours d’informatique. Naviguer sur le Net était devenu l’un des réflexes fondamentaux à son quotidien même s’il savait que la Toile n’était qu’un leurre au vide de ses journées, un écran ouvert sur sa solitude.
Il referma la fenêtre. Sur le palier, il retrouva l’escalier dominant une immense pièce où salle à manger, salon, cuisine se regroupaient. Il descendit lentement. Dans la cheminée, les braises rougeoyaient encore jetant de faibles lueurs incandescentes dans le demi-jour. Il jeta une bûche dans l’âtre. Aussitôt, le bois se mit à crépiter.
Il remonta le bouton du thermostat sur vingt et un degrés.
Une nouvelle journée allait commencer, identique aux précédentes. Un café puis un second, ses premiers gestes du matin. D’autres gestes familiers suivraient, des rituels, des automatismes, nécessaires à sa vie.
Après sa douche, il prit un petit déjeuner en suivant les informations sur BFMTV puis il se prépara pour la longue balade qu’il faisait chaque matin avec ses chiens, dans les montagnes alentour. Il s’habilla chaudement, enfila ses chaussures de marche et se couvrit d’une parka. Il consulta sa montre. Sept heures. Avant de partir, il fourra dans son sac à dos, bouteille d’eau, sandwich, matériel de premier secours et téléphone portable. Il était prêt pour ses trois heures de marche quotidienne. L’exercice physique comblait son attente, chassait ses angoisses.
Dehors, il scruta le ciel. La neige était là, latente.
Il siffla ses chiens. Aussitôt, ils s’engagèrent sur le chemin de droite s’éclipsant jusqu’au pont du Diable, quatre-vingts mètres plus hauts. Ils s’étaient eux aussi formatés dans la mouvance d’une journée sans cesse répétée.
Il referma le portail et suivit la foulée des chiens. La terre était dure sous ses pieds. Les eaux glacées du Caïros roulaient à ses côtés dans les anfractuosités sombres des roches. Les forêts de sapins, d’épicéas se disputaient les trouées ouvertes de brume ceinturant les montagnes. Il devinait, bien au-delà de ces morsures, la splendeur des mélèzes décharnés s’aventurer dans l’isolement des sommets enneigés. Veilleurs noirs disséminés en cortège de branches sombres dans l’environnement orgueilleux des hauts sommets.
La brûlure du froid irradiait déjà son visage.
Arrivé à la hauteur de la chapelle Notre-Dame-des-Grâces, il s’arrêta. L’édifice construit en 1631, après une épidémie de peste qui avait ravagé le pays niçois, s’érigeait à la sortie du hameau. Il franchit le porche clocher. Il aimait se recueillir dans l’humidité froide de ces pierres séculaires. Dans le délabrement des lieux, il unissait sa solitude à celle de la Vierge Marie. Unique sculpture de bois accrochée au salpêtre des murs, dernière gardienne d’un sanctuaire déserté.
Il resta un instant immobile, le regard perdu.
D’autres pierres avaient abrité celle qu’il aimait. Elles avaient caché la clandestinité de leur amour, elles avaient protégé leurs étreintes, elles avaient enflammé leurs corps de folles espérances, avant de sceller son chemin de croix. Celui du vide glacé de l’absence.
Dehors, il scruta de nouveau le ciel, devenu un énorme cataplasme crayeux. Il reprit sa marche.
L’ascension devenait difficile. Son corps se chargeait de sueur. Il aimait cette sensation d’effort. Une volonté de purification. Ses chiens revenaient vers lui pour s’assurer de sa présence puis reprenaient leur course en avant. Instant de bonheur.
Une heure plus tard, à regret il décida de rebrousser chemin. La neige se profilait dans la blancheur du ciel. Elle asphyxiait déjà le sommet des montagnes. Le vieux montagnard qu’il était ne voulait prendre aucun risque.
De retour à la bergerie, il jeta un coup d’œil à l’horloge dans le vestibule. Neuf heures. Il se déshabilla rapidement et monta dans son bureau. Il se situait près de sa chambre, à l’étage. Il se connecta à Internet, consulta ses e-mails, s

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents