Plurielle
154 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
154 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Donc ça y est, maintenant, toi aussi tu connais Victoire. Elle a débarqué sur ses grands poneys. Elle est toujours comme ça, Victoire. La discrétion, ce n’est pas son fort. Un beau matin, elle a déboulé dans ma vie et y a mis un sacré bordel. Comme elle ne demande jamais l’avis de personne, et encore moins le mien, je n’ai pas vraiment eu d’autre choix que d’accepter de lui faire une place. Depuis, ça chauffe souvent entre nous, parce que moi, je préfère rester invisible, ça cause beaucoup moins de problèmes. Victoire, elle, a toujours besoin d’ouvrir grand sa bouche. Quand je la retiens, elle me traite de froussarde. L’autre jour, elle a même dit que Lucas et moi, on était des cas perdus. Je ne sais pas vraiment ce qu’elle voulait dire, vu qu’on n’est pas perdus du tout, on sait même très bien où on est.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 octobre 2022
Nombre de lectures 3
EAN13 9782895979166
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection Indociles dirigée par Ariane Brun del Re
Mélanie Guillaume
Plurielle
Roman
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Plurielle / Mélanie Guillaume.
Noms : Guillaume, Mélanie, auteur.
Collections : Indociles.
Description : Mention de collection : Indociles
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20220268762 | Canadiana (livre numérique) 20220268932 |
ISBN 9782895978473 (couverture souple) | ISBN 9782895979159 (PDF) | ISBN 9782895979166 (EPUB)
Classification : LCC PS8613.U5 P58 2022 | CDD C843/.6—dc23
Les Éditions David 269, rue Montfort, Ottawa (Ontario) K1L 5P1 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 4 e trimestre 2022
Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.
But then they danced down the street like dingledodies, and I shambled after as I’ve been doing all my life after people who interest me, because the only people for me are the mad ones, the ones who are mad to live, mad to talk, mad to be saved, desirous of everything at the same time, the ones who never yawn or say a commonplace thing, but burn, burn, burn like fabulous yellow roman candles exploding like spiders across the stars and in the middle you see the blue centerlight pop and everybody goes « Awww ! »
Jack Kerouac On the Road ( D’après l’édition Penguin Book, 1976)
Prologue Raphaëlle
À l’entrée du 28 août 2020, Victoire avait écrit :
« J’ai un peu menti hier en soufflant les bougies sur le gâteau. Je n’ai pas vraiment fait de vœu. L’année dernière, j’avais souhaité que rien ne change, que tout reste aussi merveilleux. Et cette année, ben, c’est un peu pareil. Tu vois, moi je crois que la vie est toujours parfaite, ou bien toujours imparfaite, ça dépend juste où tu regardes. Moi, je la trouve parfaite. Enfin, pas toujours, pas à chaque seconde, mais globalement. Parce qu’elle pourrait être tellement pire, tu sais. Je crois que c’est une force de voir la vie avec ces yeux-là. Parce que même les plus fortes tempêtes ne te déracineront pas. »
Lola suçait son pouce avec un air rêveur alors que Raphaëlle pouvait entrevoir un sourire attendri se dessiner sur les lèvres de Sara. C’était un moment d’une rare douceur. En trente-cinq années d’existence, Raphaëlle avait bien du mal à se souvenir si elle avait déjà connu un jour une telle harmonie.
Chapitre 1 Dans la tête de Lola L’abandon
Je ne me rappelle pas très bien. J’ai les images dans la tête, mais ça fait plutôt comme des flashs. Il y avait d’abord les murs bleu pâle de la cuisine qui semblaient un peu malades. Puis, la table en bois clair qui trônait au milieu, avec dessus les restes de poulet du dîner. Les assiettes étaient presque vides. Papa était assis sur la même chaise que d’habitude, en bout de table. Il avait croisé son pied sur son genou. Mon grand frère, Fabien, racontait sa journée d’école à Maman. Il parlait la bouche pleine et, comme Maman ne lui disait rien, je lui ai fait remarquer que ça n’était pas très poli. Il m’a répondu avec une grimace. Maman ne disait toujours rien. Elle était occupée à faire les gros yeux à Papa, comme elle nous fait à nous quand on est en train de faire une bêtise, mais qu’elle ne peut rien dire parce qu’il y a des gens autour et que ça ne se fait pas de crier sur ses enfants devant des gens qu’on ne connaît pas. Mais là, il n’y avait que nous, et c’était Papa qui se faisait gronder. Je ne comprenais plus rien.
Papa s’est raclé la gorge comme si un truc important s’était coincé là, et qu’il n’arriverait pas à le sortir. Il a allumé une cigarette, mais il l’a laissé brûler toute seule. Il tripotait les lacets de la chaussure posée sur son genou. Et puis, il nous a regardés, Fabien et moi, avec des yeux à moitié mouillés, à moitié effrayés, et il a fini par baisser le nez vers la table, comme je fais quand j’ai honte et que je ne veux pas montrer que je vais pleurer. J’ai bien regardé la table, mais à part le reste de poulet qui avait, pour le coup, l’air un peu triste, je n’ai rien trouvé de tellement grave.
Il est beau, mon papa, même quand il a peur des fantômes. Il a les mêmes cheveux que moi, si entortillés qu’on dirait toujours qu’il vient juste de se lever. Il a les joues qui râpent un peu à cause de la barbe, mais comme il n’arrive pas à la faire pousser, ça ne pique pas quand je lui fais un bisou. Maman dit que mon père, c’était un faux mauvais garçon quand il était petit, qu’il avait l’air souvent fâché mais que, en vrai, c’était pour cacher qu’il avait des bleus au cœur. Je ne sais pas si c’est hérédésique , mais je crois bien que, moi aussi, mon cœur ressemble un peu à un Schtroumpf.
Donc, Papa était là, avec la tête tellement penchée vers l’avant que je me suis demandé s’il s’était endormi. Il a toussé un peu, comme pour enlever le chat qui le chatouillait dedans, et il a fini par dire :
— Les enfants, je pars.
Puis, il a recommencé à jouer avec ses lacets. Dans son autre main, la cigarette était à moitié terminée et il a fini par en aspirer une grande bouffée. Je l’ai regardé un moment et puis j’ai tourné la tête vers Maman. J’ai vu qu’elle pleurait un peu, doucement. Ses yeux étaient rouges comme un crabe et ils avaient l’air beaucoup plus gros que d’habitude. Fabien, lui, n’avait pas bougé d’un orteil. Il avait encore la fourchette pleine de poulet, et elle pendait entre son assiette et sa bouche. D’habitude, à l’heure du dîner, mon grand frère parle sans arrêt. La plupart du temps, je trouve ça vraiment énervant mais là, j’avais drôlement envie qu’il dise quelque chose. Papa continuait de fumer sa cigarette en plissant un peu les yeux à cause de la fumée. Le pied sur son genou se balançait de haut en bas. Je les ai regardés tour à tour, Fabien, puis Maman et enfin Papa en me concentrant très fort pour essayer de lire dans leurs pensées. Mais même en fronçant les sourcils : rien. Je me suis dit que Papa partait peut-être au travail mais bon, ça, on avait un peu l’habitude, et il n’y avait pas vraiment de quoi en faire tout un camembert . Vu qu’ils avaient tous l’air très sérieux, c’était sûrement plus grave que ça. Tout le monde semblait avoir compris de quoi on parlait, sauf moi. C’est toujours comme ça. Étant donné que je suis la plus petite, personne ne m’explique jamais rien.
Du coup, après un moment qui a semblé durer plus longtemps que le cours de maths de M me Martin, j’ai osé demander :
— Tu vas où ?
Il m’a regardée comme s’il venait de se réveiller d’une longue sieste et qu’il ne savait pas ce que je faisais là, ni par quel miracle je savais parler. Puis, il a fini par dire :
— Je vais aller vivre dans une autre maison.
Maman pleurait un peu plus fort maintenant. Fabien n’avait toujours pas bougé. Le poulet sur la fourchette avait fini par retomber dans l’assiette, il devait en avoir assez de traîner comme ça, dans le vide. Ça a rebondi dans ma tête (pas le poulet, mais ce que venait de dire Papa). Je ne comprenais pas pourquoi ni comment. En fait, je ne comprenais rien du tout, mais comme tout le monde pleurait — à part Fabien —, j’ai commencé à pleurer aussi. Et là, j’ai fait la seule chose qui me semblait normale : je me suis mise à genoux devant Papa et je l’ai supplié. J’avais de la morve qui me coulait sur la bouche, mais je m’en fichais pas mal. Si Fabien ne s’était pas mis sur pause, il aurait dit que j’étais dégueu, mais là, il n’a même pas ricané.
C’est que je ne voulais pas que mon Papa s’en aille, moi. C’est vrai que Maman et lui, ils n’avaient pas l’air super heureux la plupart du temps. Maman criait souvent, et plus elle criait, plus Papa partait longtemps. Il revenait ronchon avec le nez rouge et une haleine dégoûtante. Quand il était là, c’était juste son corps qui traînait dans le canapé, parce que, faut pas croire, même si je suis petite, je ne suis pas née de la dernière boule de neige , et je voyais bien qu’il n’était pas vraiment avec nous.
Un jour, j’avais demandé à Maman pourquoi, tous les deux, ils ne souriaient presque plus jamais. Elle m’avait dit de ne pas m’inquiéter, que c’étaient des histoires de grands. Du coup, depuis, j’ai beaucoup moins envie de devenir grande.
C’est peut-être pour ça que Raphaëlle dit que, depuis, je suis restée bloquée à quatre ans. Je crois qu’elle ment parce que, quand même, je parle vachement bien pour une petite fille de quatre ans, non ? J’ai grandi un peu depuis, surtout grâce à Lucas. Mais chut ! Lucas, c’est un secret et il ne faut pas en parler, surtout pas à Maman, parce qu’elle aurait trop peur et elle me regarderait avec ses yeux qu’elle a parfois, qui ont l’air si tristes qu’on dirait qu’ils débordent.
Bref, j’en étais là avec ma morve qui coulait et mes yeux tellement inondés que je ne voyais plus rien, quand j’ai compris que toutes les supplications de l’univers n’y changeraient rien. Le soir même, j’ai fait pipi au lit alors que ça ne m’arrivait plus jamais (je le jure, croix de bois, croix de fer, si je mens…). Ça n’allait pas être la dernière fois.
Chapitre 2 Dans la tête de Lola Le grenier
Dans les semaines qui ont suivi, ma vie a beaucoup changé. Papa a fait ses valises et les yeux de Maman sont restés rouges. Elle faisait comme si de rien n’était, mais je voyais bien qu’elle en avait gros sur la pomme de terre . Comme je ne voulais pas la rendre encore plus triste, je faisais de mon mieux pour ne pas pleurer, ou alors seulement quand les lumières étaient éteintes. Je me disais que, si j’étais bien sage, peut-être que Papa reviendrait. Mais ça ne s’est pas passé comme ça, et finalement, nous aussi, on a dû aller vivre dans une autre maison.
Pendant quelques mois, Fabien, Maman et moi, on a habité avec Papi et Mamie. J’aimais bien parce que j’avais le droit de dormir avec Maman. Ça me rassurait un peu. Et puis, il y avait mon Papi

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents