Pierre Jolibois
212 pages
Français

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Description

« En désaccord avec le paysage Pierre décida de l’oublier dans l’espoir d’une cohabitation plus cordiale avec les autochtones. Mais sur le quai, déboussolé, il donnait vraiment l’impression d’habiter ailleurs. Comme il se dirige vers la sortie, un bourgeois évident, descendu des Premières Classes, l’aborde : — Alors, mon brave, on sort de sa campagne ? Pierre entrevoit dans cette interpellation sournoise un casus belli immédiatement exploitable. Mais, soucieux de trouver rapidement un gîte, il n’ouvre le débat que pour le clore. — Campagne, mon cul, cocu ! lui répondit-il. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342005042
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pierre Jolibois
Raymond Jolly
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Pierre Jolibois
 
 
 
À Yvonne
 
 
 
À cul de foyrard toujours abonde merde.
Gargantua
 
 
 
I. L’étoile
 
 
 
Pierre Jolibois naquit à Fourchambault, le 29 juillet 1885, trop avant terme.
La sage-femme lui accorda trois jours à vivre.
Il décédait quatre-vingt-dix-sept ans plus tard en tombant d’une échelle.
Pierre Jolibois ne descendit sur terre que pour surprendre.
 
 
 
II. L’aube
 
 
 
Pierre Jolibois, sorti trop tôt du ventre de sa mère, en fit voir de toutes les couleurs à la pauvre Amandine pendant près de trois ans.
Braillant la nuit, crachant le jour, il refusait le sein comme la bouillie. Au désespoir du docteur Dubs qui soignait d’habitude de solides gaillards, vite guéris ou mourant tôt sans embarras.
Un beau matin, à la surprise générale, à la stupéfaction du bon docteur, Pierre croqua une madeleine et sourit.
Les voisins apprécièrent.
À partir de ce jour s’épanouit une nature généreuse dans un corps bien proportionné qui annonçait la belle humeur, l’équilibre et, déjà, la bonté.
Amandine l’appela « mon ange ».
Ces excellentes dispositions s’épanouirent à la maternelle. Pierre se trouvait à l’aise dans la marmaille, entrait le premier dans les rondes, chantait, mimait les trois petits lapins qui font font font trois petits tours et puis s’en vont, battait tambour et dessinait, avec le même entrain.
Sans jamais tirer leurs cheveux aux filles.
Il les apprécia tôt.
Elles seules bénéficiaient des berlingots dont le lestait chaque matin Amandine.
Il connut alors son premier amour : Yvette Lesure, fille cadette du charcutier de la Place des Moulins, une adorable poupée joufflue aux boucles blondes.
L’idylle naquit toutefois dans la confusion.
Pierre Jolibois, qui avait distingué Yvette depuis la rentrée, choisit pour elle le meilleur berlingot, un rouge, et le lui présenta. Mais la belle, jouant aux bêcheuses, le refusa net.
Pierre tira de ce refus la conclusion qu’il valait mieux offrir ailleurs. Il tournait les talons quand Yvette, soudain, se planta devant lui, yeux dans les yeux, l’illumina d’un beau sourire et se saisit du berlingot.
Ce fut alors la routine du berlingot rouge, l’attendrissement sans faille, le bonheur absolu des non-dits, l’extase.
Les maîtresses se réjouissaient d’une complicité si pure dont elles savaient par expérience qu’elle se répète rarement au-delà de la maternelle.
Pierre et Yvette décidèrent alors de se marier.
Mais les lois de la République contrarièrent leur projet.
Les promis entraient à l’école primaire, et l’école primaire sépare les garçons des filles.
 
 
 
III. La grande école
 
 
 
à « la Grande École » on discute entre hommes. Les anciens du Certif initient tôt les minots du préparatoire au mépris des pisseuses.
Pierre oublia Yvette.
Il passa six années heureuses à la Grande.
Les études lui plaisaient. Il en suivit brillamment le cycle. Son entrée en classe de Certificat d’Études détermina sa vie.
Le directeur d’école consacre sa première heure de cours à la distribution des livres.
Pierre les feuillette.
À la cinquième page de son manuel d’histoire une gravure publie l’humiliation de Jules César par Vercingétorix.
L’empereur, confortablement assis sur son trône, va dicter sa loi au vaincu. Mais le vaincu, debout, domine l’empereur dont il vient d’écraser les orteils avec son épée, sa lance et son bouclier balancés comme trois merdes. Bras haut croisés sur la poitrine, front altier, regard dur, il le foudroie d’une malédiction muette :
— Si la Gaule a perdu une bataille, elle gagnera la guerre.
Les moustaches arrogantes qui tombent d’aplomb sur ses épaules ne sont pas d’un châtré !
Pierre Jolibois se dit :
— Ce mec a des roustons. Il ne calera jamais. Quand j’aurai mon Certif je ferai comme lui.
Il tint parole.
Studieux pendant les cours, il se purgeait du débroussaillage solitaire de l’orthographe et du calcul en se projetant dans la cour à la cloche des récréations.
Ses camarades l’entouraient aussitôt. Il exerçait sur eux un charme durable mais jamais tyrannique. Si bien qu’il commandait naturellement la troupe tandis que les copains acceptaient son autorité sans jamais en avoir débattu.
Leur connivence devint telle que les élèves des autres classes vantaient la Bandajo, alors que les parents commençaient de s’en inquiéter.
Au sein de l’école elle se manifestait pourtant dans le respect de l’ordre et de la discipline, à la satisfaction des instituteurs.
On jouait aux barres, aux osselets, aux billes. Pierre devint le champion de la longue, Jean Dubillard celui de la tapette. En cas de conflit, on avait recours au shérif. Le shérif arbitrait dans la nuance. Ses jugements confortaient l’union.
Hors de l’école c’était une autre affaire.
Dès le cours supérieur première année, la Bandajo avait pris de l’aplomb. Il lui restait à trouver un style.
 
 
 
IV. Les Joyeux sans souci
 
 
 
Elle ne pouvait que s’inspirer des « Joyeux sans souci », une mascarade de forgerons qui réjouissait l’arrondissement.
Le forgeron de Fourchambault trime dix heures par jour, du lundi au samedi, dans un atelier noir, le vacarme des enclumes et la poussière du charbon, mais reste fier de son métier.
Il le proclame en reprenant un vieil adage.
À c’t’heure, j’chons d’Fourchambault.
J’chons frappeur de père en fils.
J’connaissons la grosse tôle.
La mince tôle.
Et le tuyau.
« Fi de poussier », le juron favori, rappelle sa condition.
Heureux de vivre, s’il aime la forge en semaine parce qu’on n’échappe pas à la fatalité de gagner sa vie, il l’oublie le dimanche pour la rigolade et la dérision.
Le Nivernais possède un sens aigu des ridicules et le génie de les singer ; les jeunes forgerons chambrent gaillardement leurs tortionnaires : maîtres de forges, chefs d’atelier, contrôleurs des pointages, mais surtout les édiles qui leur cirent les bottes : le maire, ses adjoints et quelques conseillers municipaux.
Leurs truculences réjouissent le Bistrot de la Haumuche, haut lieu de la jeunesse active.
Elles y furent appréciées par Isidore Baluchard, son animateur.
La hardiesse des grouillots et leur stupéfiante efficacité dans la caricature lui inspirèrent l’idée d’une chienlit institutionnelle.
Forgeron comme eux Isidore emporta sans peine leur adhésion.
L’affaire fut habilement conduite !
Ils baptisèrent leur troupe « Les Joyeux sans Souci » en écho à l’humeur nivernaise et créèrent son hymne dans le même esprit :
Nous sommes les joyeux sans souci
Nous sommes les joyeux sans souci.
– La première phrase informe joyeusement dans les aigus ; sa répétition confirme en basse taille –
Car des soucis nous n’en avons guère,
Trop heureux de vivre pour déclarer la guerre,
Sans dessus dessous et sans devant derrière,
Sans devant derrière et sans dessus dessous.
À l’unanimité ils décident de ne pas déclarer la guerre aux maîtres de forges, par souci du lendemain plus que par sympathie.
On se libérera de la prudence sur les sous-fifres et les édiles qui les encensent, tous ces faux jetons qu’on connaît trop bien pour les avoir élus.
Une gaillardise méticuleusement ordonnée publiera leurs gesticulations, leurs faiblesses et leurs tics.
L’Assemblée municipale devenue cible favorite, Isidore érigea sa chienlit en Commune libre de Fourchambault. Et, puisqu’une harmonie chante la gloire du maire élu, la Commune libre aura sa fanfare.
À l’exception de Jo Biraque dont le père, clairon solo au Troisième de ligne, lui enseigna son art, les forgerons ignorent l’instrument de musique.
Isidore Baluchard décida donc, qu’ayant du souffle, ils joueront tous du bigophone.
Biraque leur en apprendra la technique.
Quarante-cinq jours plus tard, la fanfare bigophoniste pouvait bigophoner.
On constitua un répertoire qui répondît aux attentes de la Cité :
- la Marseillaise en ouverture,
- l’Hymne des Joyeux,
- J’ai deux grands bœufs dans mon étable, La chanson des blés d’or, Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine et Viens Poupoule, pour le classique,
- quelques rengaines des jours anciens selon les circonstances ou la demande.
 
Le défilé n’étant que le prétexte des caricatures, il importait de bien choisir la doublure des victimes.
Le rôle du maire ne pouvait échoir qu’au père Baudenon propriétaire du café du Port, qu’on appelle Charlemagne dans le quartier, ou aubergine.
Son nez violacé impressionne, comme sa barbe fleuve, sa bedaine radicale-socialiste et son impassibilité sans fissure.
Il saluera le peuple en soulevant son haut-de-forme, comme cette andouille de maire élu.
Thomas Rivière imitera le premier adjoint qui projette son nez sur la joue droite en accusant les rides de son front toutes les fois qu’il pense.
Tandis que Duglandart, mimera le second adjoint qui fléchit les jambes pour remettre commodément de l’ordre dans ses babaoloches.
Ainsi pour d’autres.
Quatre aboyeurs, pendant les pauses du défilé intéresseront les citoyens massés sur les trottoirs aux problèmes de la cité en rapportant les aphorismes de ceux qui en ont la charge :
— Qui c’est qui t’donnera du boulot, feignant, si tu bousilles tous les patrons ?
— J’en parle savamment et intelligemment.
— Vous avez raison vis-à-vis du pourquoi de la chose.
— Si t’es plus marle que moi, prends donc ma place.
— Ou, Peau d’zébi, le « non » de l’adjoint aux finances.
Le maire ouvre la marche, en redingote et haut de forme, ceint de l’écharpe tricolore.
Sa secrétaire suit, tenant dans la m

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