Paul et Rosalie
172 pages
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Description

"...Une communauté où chacun avait été soigneusement sélectionné, affiné, créé à mon image. Ils se reproduisaient à l’identique en suivant mes instructions à la lettre. J’avais une vision claire de ce qu’allait être ma gouvernance, ma domination allait vers sa plénitude. Je serai Rosalie, maître du monde." Rosalie est une petite cellule du rein gauche tout en bas de l’échelle sociale, une ouvrière spécialisée dans le traitement de l’urine affectée au rein gauche de Paul Dead. Le genre "Madame pipi" en quelque sorte. Sa vie terne et laborieuse ne laissait filtrer aucun espoir. Un jour, on lui demande de s’autodétruire au nom du bien-être des milliards de ses semblables qui peuplent l’Univers, c’est à dire l’organisme de Paul. Elle refuse de se sacrifier et décide de suivre son propre destin. Propageant sa nouvelle religion chez ses petites sœurs, elle sème le chaos dans son environnement. Et c’est dans une perpétuelle orgie d’"orgasmes génétiques" qu’elle découvre une nouvelle joie de vivre et la volonté farouche de réorganiser le monde. Pendant ce temps, Paul goûte aux délices de l’attente et de l’angoisse. Entre Paul et Rosalie, un combat à mort commence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748377026
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Paul et Rosalie
Ivan Louis Kehayoff
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Paul et Rosalie
 
 
 
À mon épouse qui m’a tout donné
À mon fils à qui j’aimerais tout donner.
 
 
 
« Tout être humain, pas seulement l’écrivain, invente des histoires – mais contrairement à l’écrivain, il pense qu’il s’agit de sa propre vie. »
 
Max Frisch
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
I. Prologue
 
 
 
1. 11 septembre, 11 h 07
 
 
 
À présent, c’est sûr !
J’ai raté ma vie.
Jamais je n’aurais imaginé cela. J’étais en pleine ascen­sion. De la haute voltige. La Dita von Teese du néphron ! Si ce play-boy de Fuckiroff n’était pas venu me trancher en pleine prospérité, j’y serais encore.
Quel échec ! J’avais tellement d’ambition et de talent, j’étais à un cheveu d’une réussite indiscutable. Les imbéciles disent que l’on n’apprend que de ses échecs, mais là, c’était du définitif. Et pourtant, il ne me fallait plus beaucoup de temps pour que ce territoire, ce corps entier m’appartienne définitivement et obéisse à mes règles.
Finir ainsi à cause d’un « charcuteur » en jeans Dolce et Gabbana, avec des chaussures pointues de maquereau italien. Pour qui se prend-il ?
Savait-il seulement qui j’étais, ce que j’avais fait ? Était-il conscient que je dirigeais un peuple dévoué, obéissant, orga­nisé, soumis et heureux composé de plusieurs milliards d’individus ?
J’avais arrêté de les compter, ils se multipliaient tellement vite. De vrais lapins. Un recensement chassait le précédent.
Une communauté où chacun avait été soigneusement sé­lectionné, affiné, créé à mon image. Ils se reproduisaient à l’identique en suivant mes instructions à la lettre. Chaque individu avait les mêmes gènes que ses ascendants, ce sur plusieurs générations. Les perturbateurs, ceux qui étaient dif­férents, avaient été éliminés à une époque que nous qualifions à présent de préhistorique. Les lois darwiniennes n’étaient plus qu’un cauchemar lointain.
Une réussite totale ! Économique et sociale. Tout marchait comme sur des roulettes. De l’horlogerie. J’étais sur le point d’essaimer, de créer des colonies vers tous les points cardi­naux.
J’avais déjà réussi à envoyer des éclaireurs vers le pou­mon. D’ici quelques jours, j’allais leur envoyer du renfort afin qu’ils puissent s’organiser et monter des structures ana­logues à la mienne par-ci et par-là, dans la colonne vertébrale, dans le foie, dans le cerveau.
Le champ était libre.
Car, à gauche, ils avaient échoué.
D’une taille supérieure à mon organisation, ils avaient été extirpés par ce même boucher six semaines avant.
Cette partie-là était composée d’amateurs, ils étaient plus nombreux que nous, mais sans avoir la même agressivité. Seulement un petit grade I, du pipi de chat, nous, nous étions grade II.
J’étais seule à diriger, en plein dynamisme, j’allais nous différencier encore en portant notre grade nucléaire à III voire IV, IV étant le maximum dans notre classification, baptisée selon son inventeur, le Dr Fuhrmann.
J’avais une vision claire de ce qu’allait être ma gouver­nance, ma domination allait vers sa plénitude. Je serai Rosalie, maître du monde.
Comment ai-je pu en arriver là ?
Me voilà enfermée dans une glacière qui roule à vive allure vers un laboratoire d’analyses. Mon corps avait été donné à la science, sans même que l’on s’inquiète de mon consentement. Certains se croient tout permis. J’allais être découpée en lamelles. On est si peu de chose. On voulait examiner ma morbidité.
Fuck off Fuckiroff.
Me faire ça à moi, Rosalie !
Mais je la connais ma morbidité, j’aurais pu leur dire que j’allais tout détruire !
 
 
 
 
2. Réveils
 
 
 
Les réveils après les anesthésies générales sont délicats à décrire.
Cela dépend beaucoup de ce pour quoi l’on s’est fait opé­rer. Rien à voir avec la durée de l’anesthésie ni avec la gravité de la pathologie chirurgicale. Plutôt un sentiment mêlé de soulagement d’être à nouveau éveillé et de la crainte qu’inspire la maladie. Suis-je guéri, ai-je été bien opéré ?
Si l’on s’est fait poser des implants mammaires, on s’inquiète surtout de savoir si l’on sera plus bandante ou ban­dant qu’avant.
Cela me rappelle l’histoire d’un gars qui avait profité du voyage de sa femme en Thaïlande pour se faire faire des ni­chons. Des nichons made in Nancy, à deux pas de la place Stanislas.
Certaines explications ont dû être laborieuses au retour de vacances. Mais, quel plaisir de changer de sexe !
Pour Paul Dead, ce n’était pas la même chose, on lui avait plutôt retiré des organes qu’ajouté du silicone.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
II. Initiation
 
 
 
3. Baby blues
 
 
 
C’est quand même drôle la vie !
Je ne me souviens plus très bien comment tout cela a commencé. Mais la Rosalie que je suis devenue n’était pas la même il y a cinq ans.
J’étais encore une enfant, une femme sage, faisant mon travail de femme sage. Oh ce n’était pas un boulot presti­gieux, et nous étions des millions à le faire.
Je travaillais dans un rein, plutôt dans un néphron, enfin plutôt dans une partie d’une partie d’un néphron pour ne rien vous cacher, dans un tube contourné proximal. Un endroit complètement paumé, au milieu de nulle part comme le sont ces ruches hongkongaises de Kowloon où travaillent des mil­lions de tailleurs chinois payés au lance-pierre pour habiller les touristes d’un jour de copies de costards de Dior, Chanel ou Armani, dont ils ont découpé les photos dans « Vanity Fair ».
J’ai été formée à la filtration rénale. Je fabriquais de la pisse, enfin une partie de l’urine dont cet homme, Paul, se vidait chaque fois qu’une envie pressante le prenait.
Car il ne manquait pas d’envies pressantes Paul. Il faut dire qu’il buvait beaucoup et pas que de l’eau.
Vu de l’intérieur, c’était un drôle d’homme, mais je n’ai jamais vu d’homme de l’extérieur, à part le play-boy Fuckiroff, et encore, très furtivement.
Un jour, j’en ai eu franchement marre de faire de l’urine pour Paul. C’était comme si ma vie n’avait plus de sens, il me fallait autre chose. J’ai aussi compris une chose, c’est que l’âge venant, l’apoptose me guettait, et ça, ce n’était fran­chement pas marrant du tout. Mais il fallait une petite stratégie pour changer d’orientation, une espèce de Pôle emploi organique, bref, une conseillère d’orientation. Et cette Marie-Antoinette, elle en avait du métier !
Elle m’a dit en deux mots, madame, il faut faire trois choses :
- First , oublier que vous êtes mortelle, ça marche dans un cas sur cinq, mais c’est une condition de réussite.
- Secundo , prendre de la distance avec vos semblables. Vous savez, les autres fabricantes de pisse, le mieux, c’est de les ignorer en prenant au besoin leur place, en un mot, perdre toute inhibition de contact.
- Drittens , adapter de petites « dysrégulations » qui fe­ront de vous quelqu’un d’autre. Je ne sais pas, comportez-vous par exemple comme si vous habitiez sur Rodeo Drive.
 
C’était décidé, j’allais m’initier à autre chose. Pendant ce temps, Paul continuait à uriner et à ne pas boire que de l’eau…
 
 
 
 
4. Déni
 
 
 
Les carrières brillantes conduisent au déni.
Et pour ses parents, Paul avait fait une carrière brillante, du moins en ce qui concerne les études. Médecin jeune, ce fut un garçon très bien jusqu’à l’âge de quarante ans.
Il avait même été peintre à l’adolescence avec un certain succès. Certaines de ses œuvres sont dans le catalogue de la Neue Darmstädter Sezession .
Il a merdé après la quarantaine.
Ce n’est pas tellement l’alcoolisme qui l’a fait merder, car si tous les alcooliques merdaient, ce serait vraiment la merde. Et cela, l’humanité ne pourrait pas se le permettre.
Mais c’était une espèce d’ambition proche de celle de Rosalie : vouloir autre chose, continuer une autre initiation.
Paul s’était mis en tête de créer une entreprise. Il avait connu un succès certain en tant que P-DG d’un groupe an­glais fabriquant des implants orthopédiques, mais vous savez ce que l’on dit des Anglais.
Alors en 2000, il inventa un stéthoscope révolutionnaire. Il trouvait que le stéthoscope de Laënnec, remontant à 1816, était ringard et indigne de la médecine moderne. Ce n’était qu’un faire-valoir, porté autour du cou par des acteurs de sé­rie B, George Clooney et compagnie.
Il avait imaginé un système complexe de logiciels reliés à Internet permettant d’ausculter à distance.
Comme toutes les idées géniales, ce ne fut pas un succès, et finalement il acheta une machine Nespresso.
Mais ça l’avait rendu heureux quelque temps, et sa femme continua de l’admirer.
 
 
 
5. Je passe à l’acte
 
 
 
Ça y est.
Je ne suis plus Rosalie la simple pisseuse, baignant dans une espèce d’urinoir.
J’ai appliqué à la lettre les conseils de Marie-Antoinette, j’ai un plan d’avenir : transformer le rein de Paul en autre chose qu’un rein. Cela ne lui fera pas forcément du bien, mais il faut avant tout penser à soi. Charité bien ordonnée com­mence par soi-même. Ou une connerie de ce genre.
J’en ai parlé à quelques copines du même urinoir. Globa­lement, elles sont d’accord avec moi, faut éviter l’apoptose. À quoi ça sert de se tuer à la tâche avec l’avenir qui est le nôtre ? Où sont les perspectives ?
Il y en a bien quelques-unes qui ne trouvent pas cela très éthique, qui se sont prises d’affection pour Paul, mais on les a rapidement convaincues que Rodeo Drive, c’était quand même là qu’étaient toutes les Bentley. Et Marie-Antoinette, elle a des arguments.
Elle a longtemps fréquenté les go

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