Nuits blanches - Tome 2
130 pages
Français

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Nuits blanches - Tome 2 , livre ebook

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Description

« La période qui suivit fut trop troublée, trop pleine d'imprévus et d'insécurité pour permettre de s'appesantir sur cette tragédie, un événement en chassait un autre. Le réflexe de conservation dominant chez chacun, on s'efforçait de vivre sans mémoire. Pour ma part je gardais ma douleur enfouie comme une graine au fond de mon jardin secret, je la cultivais en cachette, l'arrosais de mes larmes nocturnes et l'oubliais à l'aube par la force des choses et les lois de la nature. » Une modeste famille d'origine italienne voit sa vie bouleversée par une étonnante trouvaille ; un homme voit défiler cinquante années de sa vie lors d'un saut en parachute ; une jeune femme revient régler ses comptes après quatre ans d'absence chez sa mère et son beau-père ; dans la France occupée, des adolescentes vivent leurs premiers émois et s'efforcent de vivre une jeunesse normale à une époque sans nulle autre pareille ; le voyage d'un phobique de l'avion dérape complètement... Tout en ruptures de ton, les nouvelles de Geneviève Stiker marient les genres et les époques, tout en privilégiant toujours la psychologie et les sentiments.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 juillet 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342154757
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nuits blanches - Tome 2
Geneviève Stiker
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Nuits blanches - Tome 2

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Le four à pain
 
Après un interminable voyage, la carriole arrivait enfin au village. La fatigue des enfants se dissipa comme par enchantement, et ils trouvèrent un intérêt subit à découvrir les maisons qui bordaient la route.
— Je parie que c’est là, dit Emma en pointant son index vers une grosse bâtisse blanche.
— Non, moi je crois que c’est celle-là !
Louis jubilait, tressautait sur le siège pris d’une frénésie contagieuse.
Louise silencieuse, la petite Claire sur ses genoux, partageait l’exaltation de ses enfants mais d’une manière moins évidente. Édouard avait été si peu loquace quant à la description de leur nouvelle demeure. Il leur réservait l’effet de la surprise.
Assis à côté du cocher, Édouard participait à la joie délirante de ses enfants. Cependant il constatait avec une pointe d’amertume que leur choix se portait sur les maisons les plus belles, flanquées d’un jardin clôturé.
— Papa, c’est là, hein ? C’est celle-là, dit encore Emma en secouant l’épaule de son père au risque de tomber du chariot.
— Reste tranquille, Emma, dit Édouard. De toute façon, cessez ce jeu de devinettes, nous ne sommes pas encore arrivés.
La joie des enfants s’éteignit comme une bougie dans un courant d’air.
— Mais Papa, tu nous avais dit que c’était ce pays.
Ils étaient devenus subitement graves et tristes.
— Édouard, dit Louise avec dans la voix une pointe d’inquiétude, qu’est-ce que cela signifie ?
— Mais tout simplement, ma bonne Louise, que notre maison ne se trouve pas au centre du village, il faut encore un peu attendre.
— Mais l’école alors ? demanda tristement Louis. L’école, je serai loin pour y aller ?
— Ne te fais pas de souci, mon bonhomme, j’y ai pensé, et nous ne sommes pas les seuls à vivre hors du village, une école il y en a une là-haut.
«  Là-haut ? pensa Louise. Là-haut ?  » répéta-t-elle comme un écho.
Et pour la première fois depuis le début du voyage, elle pensa avec tristesse à la petite maison qu’ils venaient de quitter, aux amis qu’ils avaient laissés là-bas, à Saint-Blaise, à la petite école où, en un an, Louis avait appris à lire. Elle se demanda si son mari avait eu raison de répondre à cette offre d’emploi. N’était-ce pas le miroir aux alouettes… ?
Les maisons se faisaient plus rares au fur et à mesure que la voiture avançait, ils découvraient la prairie qui était belle à cette saison de l’année, les genêts en fleurs mettaient des taches de soleil sur beaucoup de verdure. Des vaches broutaient dans les prés. Ici et là des fermes offraient leurs façades ventrues.
— Les maisons ont des bosses, remarqua Emma avec à-propos.
— C’est le four à pain, dit son père. Les paysans font leur pain.
— Notre maison aura aussi son four ? demanda Louis.
— Bien sûr, dit Édouard, et nous le ferons remarcher.
— Mais je n’ai jamais fait de pain ! s’alarma Louise.
Édouard pour toute réponse eut un gros éclat de rire.
— Ce n’est peut-être pas plus difficile que de faire la polenta, tu sais, Maman.
Louis essayait de rassurer sa mère.
Édouard fit soudain stopper la voiture.
— Avant d’attaquer la montée je vous offre un verre.
— C’n’est pas de refus, dit le cocher, qui était du genre silencieux.
Ou était-ce son passager qui l’impressionnait un tantinet ? Il faut dire qu’il avait fière allure, Édouard. Lorsqu’il eut sauté à terre, il passa les doigts dans l’entournure de son gilet, fit quelques pas en respirant, tira la montre de son gousset.
— Nous avons bien roulé, constata-t-il.
Il était svelte dans son costume bien taillé, et son nœud Lavallière sous son col cassé ajoutait à son charme exotique, un soupçon de moustache, les cheveux noirs partagés en une raie au milieu frisottaient sur les tempes, il portait des petites guêtres à bouton sous son pantalon, il avait une certaine classe, mais on le devinait orgueilleux, imbu de sa personne.
— C’est là, dis, Papa ? C’est là ? questionnait Emma.
— Non, dit son frère, ici c’est un café.
— Ah ! s’étonnait la fillette qui n’avait pas encore six ans.
Elle jouait avec une boucle de ses cheveux qu’elle portait longs retenus au sommet de la tête par un ruban. Elle avait de grands yeux noirs expressifs et une collerette de dentelle blanche agrémentait sa petite robe de serge marine. Elle portait des bottines vernies à boutons, neuves apparemment.
— É-pi-ce-rie-café-ta-bac-Gehin-frè-res.
Louis lisait presque couramment et était fier de son savoir tout neuf.
Sa petite sœur le regardait avec admiration, Louis avait sept ans, il portait comme son père une petite Lavallière, avec un petit costume, dont le pantalon s’arrêtait aux genoux comme l’exigeait la mode de cette époque 1908.
Un petit garçon qui avait l’air très intelligent et doux avec sa petite sœur et sa maman.
— Édouard, dit Louise doucement pour ne pas réveiller la petite Claire qui dormait sur ses genoux, il faudrait penser à prendre quelques provisions pour ce soir.
— Mais ma douce Louise, tu as tout le temps… Ici tu trouveras absolument tout ce dont tu as besoin.
— Je ne voudrais pas la réveiller.
— En ce cas, les enfants, venez avec moi, ça vous dégourdira les jambes et vous ne serez pas trop de deux pour porter le panier.
Ravis, ils sautèrent du chariot. Édouard avait décroché du chargement un panier en osier qu’il tendit à Louis.
Le cocher avait terminé de donner de l’avoine aux chevaux.
— Allez boire un coup, mon brave, dit Édouard d’un air protecteur. Venez les enfants.
La boutique effectivement regorgeait de tout ce que peut désirer une ménagère. Sur les rayons s’alignaient des pots blancs de différentes tailles sur lesquelles se détachait en lettres noires le contenu. Des sacs éventrés offraient du riz, du café, des lentilles, des haricots secs, des graines de toutes sortes. Du plafond pendaient des ustensiles de cuisine, des pièges à souris, et même des bottines de femme et d’enfant en cuir souple.
Le nez en l’air Louis déchiffrait mentalement le contenu des pots de faïence. Il aimait beaucoup lire et toute inscription attirait son attention.
Emma n’avait pu résister à l’envie de plonger la main dans le sac de haricots et de les faire couler entre ses doigts.
À ce moment l’épicière qui s’occupait aussi de la salle de café entra, elle jeta un regard réprobateur vers Emma, Louis retira le bras de sa petite sœur.
Édouard commanda une miche de pain, du saucisson sec, du fromage, des pommes, une bouteille de vin et du tabac pour la pipe. Au moment de faire l’addition il dit de mettre sur son compte le verre que buvait « son cocher ».
Édouard parlait un français très correct avec une pointe d’accent qui ajoutait à son élégance et ses manières distinguées.
— Vous êtes étranger ? s’enquit l’épicière le crayon en l’air.
— Je suis italien, madame, et fier de l’être.
Le sourire se crispa sur le visage de l’épicière. Elle n’aimait pas les Italiens, ils venaient manger le pain des Français ! Pourtant elle devait reconnaître que celui-ci n’avait rien de commun avec les émigrés arrivés ces derniers temps pour travailler à la carrière. Il était d’une rare élégance, les enfants étaient propres, bien vêtus, la petite avait même des bottines toutes neuves. Rien n’échappait à l’œil perspicace de madame Géhin. Pourtant elle ne put s’empêcher de poser la question rituelle avec une certaine méfiance dans le regard.
— Vous avez de l’argent ou je vous ouvre un crédit ?
Ce fut au tour d’Édouard de la toiser de toute sa hauteur, blessé dans son amour-propre, son orgueil à fleur de peau. Il fut sur le point d’abandonner là ses provisions et quitter le magasin. Il eut pourtant assez de présence d’esprit et de sang-froid pour réprimer son mouvement d’humeur, il pensa à Louise, elle n’avait pas d’autre possibilité de faire son marché dans ce coin perdu, c’était l’unique boutique. C’est bien dommage, pensa Édouard, cette femme aurait mérité une bonne leçon de savoir-vivre… Pour qui le prenait-elle !
— Je n’ai pas pour habitude de faire crédit, madame, dit-il d’un ton sec.
— Ce que je disais, monsieur, c’était à titre de renseignement… Ici c’est l’habitude, les ouvriers de la carrière ont un carnet d’achats, et en fin de mois c’est le patron qui règle. Ce sont des arrangements ainsi passés avec le chef de chantier.
— Jusqu’alors c’est moi qui fais vivre ma famille, dit encore Édouard.
— Oh mais monsieur, ne vous méprenez pas, ce n’est pas une charité, c’est retenu sur leurs paies. Pour nous c’est une garantie, vous comprenez… ? Il y en a qui buvaient toute leur paie… Et nous, on en faisait les frais.
— Je comprends, dit Édouard en rangeant les marchandises dans le panier, mais tous les Italiens ne sont pas des ivrognes, Dieu merci.
— Les enfants accepteront bien un bonbon, dit l’épicière pour détendre un peu l’atmosphère. (Elle plongea la main dans un des bocaux en verre qui jalonnaient le comptoir.) Tu aimes les bonbons ?
Emma tendit ses deux mains ouvertes vers le comptoir, Louis plus discret se tenait à l’écart. Il avait compris que son père avait été blessé et, bien qu’il en mourût d’envie, il sentait qu’il devait par solidarité filiale refuser les bonbons, il devinait que c’était l’attitude que tacitement son père souhaitait, aussi il dit :
— Merci madame, je n’aime pas les b

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