Mes chaussettes ont une âme
184 pages
Français

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Mes chaussettes ont une âme , livre ebook

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Description

Le récit drôle, touchant et parfois insolite d'une femme avide de liberté, de nature et de beauté, partie marcher sur le chemin de Compostelle sans savoir vraiment les raisons de ce choix...

Toujours nimbé de poésie et d'interrogations autour de cet invisible qui nous entoure et nous protège, ce cheminement magique, de plus en plus spirituel, la portera loin dans la rencontre vers les autres, la fera se dépouiller, se dépasser, se transcender et l’amènera à vivre un amour merveilleux...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334182614
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-18259-1

© Edilivre, 2016
Dédicaces

For you Steve, my
True Love…
Pour toi Jean-Mi, dont le souvenir restera sur ce Chemin…
Et pour vous,
Gabriel,
Pierre,
et Delphine,
mes beaux chéris,
Capitaines de vos âmes.
Citation

« Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie. »
Sénèque
Citation

« Le voyageur, alors seulement qu’il arrive sur une éminence, embrasse d’un coup d’œil et reconnaît l’ensemble du chemin parcouru, avec ses détours et ses courbes ; de même aussi, ce n’est qu’au terme d’une période de notre existence, parfois de la vie entière, que nous reconnaissons la véritable connexion de nos actions, de nos œuvres et de nos rencontres, leur liaison précise, leur enchaînement et leur valeur. »
Schopenhauer
Mes chaussettes ont une âme

Une fois de plus, j’ai baissé ma culotte et me suis accroupie au milieu du passage. Une fois de plus, le vent violent a rabattu le long de mes mollets ce qui m’appartenait, mais cette fois-ci en plus dense et plus odorant. J’étais franchement dans une mauvaise passe.
Humiliée dans cette posture sur un sentier heureusement peu fréquenté, avec ce qui me dégoulinait de verdâtre le long des chaussettes, je pivotais pour tenter de corriger la trajectoire des rafales et donc des dégâts occasionnés sur mon anatomie. Ce n’était pas du plus bel effet, mais par chance j’avais les poches remplies de mouchoirs en papier. Il resterait tout de même quelques traces résistantes, témoins que je liquiderai ce soir sous la douche.
Le pantalon remonté, ce qui ressemblait à un avant-goût de la Meseta, sorte de steppe jaune ou verte selon la saison, sans rien d’autre que d’immenses champs de céréales à l’infini, s’imposa. Long et lassant, le combat commença.
Devant moi, un horizon à perte de vue de tiges de blé, tordues par les bourrasques rythmées et régulières comme une chorégraphie parfaite. Je me battais avec ce que le vent charriait dans mes yeux, mes oreilles, mon nez, ces cailloux aussi qui rendaient instable cette marche qui n’en finissait plus de s’étirer. Il n’y avait rien. Pas un toit, pas une fontaine, pas un virage, pas un chat. De la ligne droite et du sec. Les mèches de mes cheveux me fouettaient les joues. Mais j’avançais.
La niaque au bout du bâton, la larme à l’œil, la goutte au nez, les oreilles en braise, je ne relâchais pas l’effort. J’en voulais. J’avais la volonté d’un scout, la solitude du coureur de fond et le courage des premiers marins ; Christophe Colomb de la piste blanche, je voulais découvrir ce qu’il y avait au bout de cette poussière.
Mon corps peinait. Je rageais. L’encourageais. Le traînais parfois. J’avais un but à atteindre avant la nuit. J’osais crier des mots sales au vent. Je gueulais ma colère contre la tempête et ses rafales. Comme Don Quichotte, je me battais contre ces moulins à vent, le bâton brandi à la figure du ciel ennemi.
La hargne au ventre, je n’avais pas le choix : tenir jusqu’au bout. Je me souviens avoir chanté à tue-tête n’importe quoi. Avoir apostrophé les éléments ligués contre moi. Les avoir insultés, en bavant des naseaux et des lèvres comme une jument furieuse, à cause du vent dans ma bouche.
Mais je tenais bon. Une bête sauvage. Je ne devais pas être belle à voir.
J’avais une idée en tête et je voulais qu’elle soit vraie. Il ne pouvait en être autrement. C’est elle qui me donnait le courage de pousser toujours plus loin mon corps. D’oublier mes pieds qui saignaient dans mes chaussettes usées. Ma jambe douloureuse qui hurlait et ces lanières sur les épaules qui me cuisaient la peau jusqu’à la moelle.
Mais rien au monde ne m’aurait fait capituler. Ce Chemin me dressait. C’était vraiment mon maître. Impitoyable. À chaque pas poussé plus en avant, je pilonnais mon esprit de mots vainqueurs. Comme un mantra, je me récitais toujours plus fort : « Avance, avance, avance… »
Et je finis par arriver.
 
Le car frémit. Enfin ! Une première tentative secoue les passagers. Tous les corps se renversent sur les fauteuils. Des cris, des rires, des paroles aiguës fusent, bondissent comme des balles sur les traces de doigts imprimées le long des vitres.
Ce vieux châssis se décide tout de même à quitter la gare routière de Santiago de Compostelle. Ce n’est pas trop tôt. Je n’en peux plus d’attendre. Tout me paraît glauque subitement et ces adieux m’oppressent. Je voudrais lâcher cette fenêtre où se collent mes yeux vides.
L’engin maugrée, s’ébroue comme une bête. Il tremble si fort, crache et tousse, qu’on l’imaginerait avoir vu le fantôme de Saint Jacques en personne. Un filet noir de fumée sale et il démarre. C’était urgent. La chaleur est intense, les émotions s’enflamment comme un paquet de dynamite. Il est moins une que l’on ne saute dans cette fournaise.
Je me sens tellement faible. Depuis que je sais pleurer, je hais les adieux et ceux-là me tuent. Je regarde mes doigts s’agiter sur la vitre embuée comme s’ils ne m’appartenaient pas… Étrange. On dirait qu’ils pianotent quelque chose de nostalgique. À quoi pensent-ils ?
Fesses cambrées, je tends mon dos vers toutes ces paupières que je ne verrais plus et qui clignent sous le soleil, tous ces pèlerins que j’ai connus, aimés et qui continuent le Chemin sans moi.
Deux trois volubiles s’agitent devant les timides ; j’aperçois les traits tirés des vieux marcheurs si courageux et ceux creusés des amoureux qui vont se quitter là ; mes compagnons de route les fidèles Océan et Denis : vagabonds des étoiles ; le canari dans sa cage qui accompagne toujours de ses trilles sa propriétaire, cette harpie singulière qui hante les auberges, et même ce couple d’Asiatiques père et fils, pourtant si équivoque, venus me dire au revoir. Pourquoi ?
Et puis… Il y a toi qui te détaches de tous. Celui que je regarde avec la rage de vouloir t’imprimer en moi. Toi, le géant venu d’ailleurs.
Je bois ton dernier sourire. Il est faux. Tu essaies de le rendre vrai pour ce car qui te déchire en quittant l’Espagne pour la France. Ta détresse, elle est là, elle transpire, elle vibre. Tu n’en peux plus. Tu voudrais disparaître de ma vue, je le sais. Te laisser aller, remonter ta chaussette trop basse que je vois piteuse et ce détail me gêne pour toi. Je ravale tout ce que j’aimerais te crier à ce millième de seconde. Si je pouvais… Je force, j’ai mal, mais en vain, tout est noué, ma gorge n’émet que des sons rauques.
Et puis lentement, lorsque ta main levée n’est plus qu’un point mouvant qui s’éloigne, je sens mon corps sans vie glisser dans l’arrondi du siège et je dépose là un pauvre regard, hanté déjà par cette image qui ne reviendra plus.
* *       *
J’ai la figure hâlée, roulée en boule, un vrai chiffon aujourd’hui ; les joues mouillées comme la gouttière de mes yeux qui s’écoule goutte après goutte. Je me rappelle ce souvenir de l’urine lâchée là-haut. C’était un jour de tempête. Ça coulait le long de mes mollets jusque dans mes chaussures… J’efface tout ça d’un coup sec en fermant les yeux. J’ai honte.
C’est fini. Après le virage, ton geste de la main aura rejoint les souvenirs. J’essuie machinalement ce filet de sel comme un serpent le long de mon nez. Ces taches blanches et mates qui traduisent là ma tristesse.
Triste, et pourtant pas malheureuse. Malgré les larmes, malgré cette page qui se détache et s’envole déjà loin… Je me sens riche. C’est nouveau. Un trésor vit en moi. Je connais un sentiment que je n’ose appeler joie, comme si prononcer ce mot était stupide. J’ai un secret, un trésor.
Raconter ce Chemin. Ces mille kilomètres d’intensité comme de banalités. Ces petits riens drôles ou troublants. Cette tendresse croisée derrière un arbre ou un mot.
Précieux pas de vie que l’on accumule, le bâton en main, pour construire son château en Espagne.
On n’oublie pas le Chemin.
* *       *
– Ohé les filles, il faut revenir à la vraie vie maintenant !
– Revenir ?
La phrase bondit de la banquette derrière moi. Je me retourne vivement vers celle qui l’a prononcée.
– Le Camino , ce n’était qu’une petite parenthèse !
Parenthèse ? Chose dénuée d’intérêt, vite oubliée. Et si au contraire la véritable tranche de vie était là. Partir ou revenir, on a besoin d’autant de courage.
Dans l’oreille, tous ces minuscules bruits de cailloux qui crissent sous mes pas. Et ceux, petits pointus, logés entre mes doigts de pieds quand je dévalais les sentiers des montagnes pyrénéennes. Des intrus.
Oui, revenir. Joie au ventre, le corps en loque comme les chaussettes déjà mortes le troisième jour. Chemin, je t’ai aimé et détesté quand tu me malmenais dans tes bourrasques glaciales, tes balisages jaunâtres qui me narguaient quand je n’en pouvais plus de tirer sur mon bout de bois.
« Saleté de chemin ! » Pas un bar à l’horizon, pas un toit, pas une église, des pierres ; des pierres et des montées sans fin dans la tourmente de là-haut.
Je t’ai maudit parfois, c’est vrai. Mais qu’est-ce que je t’ai aimé aussi !
Dans ma tête, le tout et le rien se bousculent en grimpant les sentiers rocailleux et puis… Soudain c’est la beauté qui me foudroie, brute. Oubliée la rancune des derniers instants. Un arbre argenté déploie sa robe de prince afghan avec une sobriété telle que j’en retiens mes larmes. Aussi vite la marche devient miraculeuse, la douleur s’échappe pour l’extase, je souris aux oiseaux et chatouille de l’œil les papillons qui caressent mes mollets.
Je sifflote au vent qui chante dans mes cheveux et sautillerais presque, tant les nuages me paraissent espiègles et vifs ! La nature m’a rattrapée, envoûtée, comme ce parfum de miel qui m’enivre les narines, le genêt d’Espagne qui borde les sentiers.
Je suis bien

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