Mami Wata
334 pages
Français

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Description

Portée par ses rêves, Julia fuit sa dérive urbaine et part vers le grand Sud. Son voyage d’émigrante à contre-courant se révèle une épreuve et un bouleversement total. Entre dangers et rencontres, la découverte de la réalité africaine l'amène à sortir de son enfermement et à trouver un sens à sa vie.

Au fil des soirées sous les étoiles, un griot fait le récit d’une aventure humaine universelle au cœur de l’Afrique.

" Tous les habitants du quartier avaient sorti les tabourets et les bancs sur la place, pour écouter le griot raconter cette histoire : l’histoire de Julia, Antoine, Marc, Ricky, Basile, Peggy, Gilles, Fatou, du capitaine Le Rouge et de Mami Wata, la déesse vaudou de la mer. La nuit était douce, éclairée par la lumière vacillante des lanternes. "

Illustration de couverture réalisée par Pascal Rabaté.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 novembre 2015
Nombre de lectures 5
EAN13 9782334011303
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-01128-0

© Edilivre, 2022
A Sonia et Arthur A Benoit
Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche.
Michel Eyquem de Montaigne


Tous les habitants du quartier avaient sorti les tabourets et les bancs sur la place, pour écouter le griot raconter cette histoire : L’histoire de Julia, Antoine, Marc, Ricky, Basile, Peggy, Gilles, Fatou, du Capitaine Le Rouge et de Mami Wata la déesse vaudou de la mer. La nuit était douce, éclairée par la lumière vacillante des lanternes.
Dérive
1
Julia ouvrit les yeux et resta immobile sous la couette. Un coup d’œil au réveil qui affichait neuf heures. Seulement neuf heures !
Une nouvelle journée commençait, aussi vide sans doute que les précédentes, morose et glaciale journée d’hiver à Paris. Rien ne l’obligeait à se lever mais le sommeil, évasion et refuge, l’abandonnait lâchement chaque matin. Maintenant elle détestait les matins. Elle se leva, enfila à même la peau un gros pull de laine grise couleur de sa déprime et sangla un jean délavé qui flottait autour de sa taille fine.
Elle alla ouvrir la fenêtre en grand et se servit une tasse de lait froid qu’elle but en regardant les toits de Paris. La température était basse et elle frissonna mais le soleil brillait dans un ciel bleu dur. Elle avait hâte de sortir. Cette chambre étroite et vide lui donnait trop le cafard. Impossible d’y rester. Vite, elle fit un brin de toilette au lavabo, se brossa rapidement les dents, considéra à peine son joli visage triste dans le miroir en peignant ses cheveux bruns. Elle attrapa son sac, son vieux manteau, ferma la porte derrière elle sans faire de bruit et se jeta dans l’escalier vers l’animation de la rue.
Depuis deux mois, et pour combien de temps… elle habitait une rue commerçante conduisant au parc des Buttes Chaumont. C’était un quartier agréable. Au bout, on apercevait le métro aérien. Des passants marchaient d’un air pressé, mais d’autres entamaient tranquillement leur journée par quelques courses dans le quartier. Julia s’arrêta pour regarder une vitrine. Parmi d’autres vêtements annonçant le printemps avec beaucoup d’avance, on y avait exposé un petit manteau de laine bleu, du bleu du ciel ce matin-là. Ce manteau lui irait bien, pensa-t-elle. Alors brusquement le découragement l’envahit comme une eau glacée.
A la porte du magasin, la vendeuse l’invita aimablement à entrer. Julia murmura un refus et s’éloigna d’un air pressé.
La vendeuse regarda s’éloigner cette jeune fille brune dont elle envia la sveltesse, cette fille libre de son temps qui allait sans doute continuer machinalement à lécher les vitrines avant de retrouver ses copines ou son amoureux.
Plusieurs panneaux publicitaires vantaient des voitures, des parfums, des vacances au soleil. Julia, sans y prendre garde arriva devant la station de métro.
Assise sur le trottoir une femme enveloppée de châles faisait la manche et la salua en l’implorant. Julia se figea et détourna le regard. Un homme, en parka sur son boubou, lui glissa dans la main la carte de visite d’un marabout.
– Julia ! cria une voix derrière elle, une voix qu’elle connaissait trop bien.
Elle sursauta et sentit monter la panique. Un grand type en tenue de sport arriva en courant. Il la prit par les épaules, la serra fort, l’embrassa.
– Julia ! s’exclama-t-il. Tu ne veux plus me voir ? Cela fait des semaines que je te cherche. Pourquoi as-tu disparu sans laisser d’adresse ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Ils étaient plantés là devant l’entrée du métro et le garçon ne voulait pas la lâcher. Il attendait une réponse. Julia avec un drôle de sourire gêné tenta une explication confuse.
– Antoine. Ne m’en veux pas je t’en prie. J’ai eu des ennuis. Je n’ai pas envie d’en parler. On peut se revoir si tu veux, mais pas aujourd’hui… Excuse-moi.
Antoine la regarda inquiet et attendri, puis il lui proposa un dîner pour le lendemain soir.
– On se retrouve à L’Iguane ? Comme avant ! Dix neuf heures trente d’accord ? Précisa le garçon en embrassant tendrement Julia qui restait silencieuse.
– A demain alors petite cachotière ! Ajouta-t-il en murmurant au creux de son oreille.
– A demain, accepta Julia d’un ton plus léger.
Elle l’embrassa aussi, s’éloigna en lui adressant un petit signe de la main avant de s’engouffrer dans le métro.
Elle se faufila sous le portillon et dévala les escaliers. Elle pensait à Antoine qu’elle avait souhaité de plus jamais revoir et qui lui manquait pourtant. Elle se sentait heureuse et honteuse en même temps, complètement bouleversée.
Le métro arriva à quai. Julia entra dans le compartiment et trouva une place pour s’asseoir et reprendre son calme.
Elle revoyait le visage interrogateur de son ami. Evidemment, comment aurait-il pu comprendre ? Quelles explications pourrait-elle donner à sa brusque disparition ?
Elle se tourna vers la vitre. Le métro surplombait le Canal Saint-Martin et le Boulevard de la Chapelle. Il entama un grand virage au-dessus de la Place de Stalingrad. Les voyageurs serrés les uns contre les autres résistaient comme ils pouvaient aux cahots de la rame.
En face de Julia, un homme d’une quarantaine d’années, vêtu élégamment la regardait de temps en temps par-dessus son journal. A un moment leurs regards se croisèrent mais Julia détourna aussitôt le sien. L’homme quitta sa place pour descendre et lui tendit le quotidien. Julia le remercia d’un hochement de tête amical et commença à lire les titres. Condamnation de l’Association Droit au logement pour avoir « embarrassé la voie publique ». Attentat suicide à Beyrouth. Le bois de Vincennes refuge et mouroir des sans domicile fixe. Julia leva les yeux en soupirant et vit qu’elle était arrivée à la correspondance pour Saint-Lazare. Elle descendit en emportant le journal.
Chaque semaine elle faisait le tour des agences d’intérim. Même si cela ne donnait aucun résultat puisque malheureusement sa recherche était jugée trop spéciale.
– Décoratrice ? Etalagiste ? Equilibriste ?! Non actuellement aucune offre disponible ne correspond à votre recherche. Au moment des fêtes ou pour l’été il y aura probablement des postes de serveuses, caissières ou vendeuses. Pouvez-vous compléter votre formulaire avec d’autres expériences ou qualifications ?
L’expérience lui manquait dans ce qui l’intéressait. Elle avait fait plusieurs stages et rêvé de réaliser des décors de spectacle. Plus jeune elle avait travaillé un temps dans un cirque malheureusement pas assez pour avoir le statut d’intermittent du spectacle. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’entrainait plus aux équilibres. L’été précédent elle avait été assistante étalagiste aux Galeries et ça lui avait plu, mais après, elle n’avait trouvé que de brefs petits boulots dont sa fierté ne voulait plus. Mais qu’est ce qu’elle imaginait ?
Le chômage augmentait, et les gens n’avaient pas besoin des statistiques pour s’en rendre compte.
Il n’y avait pas de travail pour quelqu’un comme elle qui n’avait pas fait d’études, sans diplôme ni relations. Julia continuait à lutter autant qu’elle le pouvait et s’accrochait à sa recherche, seul rempart avant de se laisser partir à la dérive.
D’agence en agence, elle rejoignit les quais, s’attarda un peu aux étalages des fleuristes et longea la Seine jusqu’au Pont Marie. Dans l’île Saint-Louis, de nombreux groupes de touristes entraient et sortaient des galeries d’art et des salons de thé. L’ambiance du quartier était agréable, légère et raffinée.
Continuant sa marche machinale elle arriva Place Monge. C’était la fin du marché. Les commerçants repliaient leurs étalages, rangeaient les invendus dans leurs camionnettes. Les balayeurs de la voirie commençaient le nettoyage de la place au karcher. Plusieurs personnes ramassaient des légumes et des fruits abandonnés. Après un moment d’hésitation Julia sortit un plastique de son sac et prit discrètement trois pommes rouges et quelques œillets.
Elle repartit aussitôt, et son pas pressé devint peu à peu automatique et sans but le long des rues. Le ciel vide était toujours aussi bleu et le temps magnifique. Elle pouvait marcher ainsi des jours entiers, mécaniquement, jusqu’à l’épuisement. Les muscles de ses jambes devenaient douloureux, mais la fatigue aidait son esprit à trouver un semblant de sérénité. J’ai besoin d’air, se disait-elle souvent, comme s’il se raréfiait.
Ce jour-là, elle ne rentra chez elle qu’à la nuit tombante. Sur la porte de l’étroit palier, le propriétaire avait épinglé un mot à son intention :
« Prière me contacter d’urgence pour les loyers »
– Merde ! Murmura-t-elle en arrachant le papier.
Une envie de pleurer de rage lui nouait la gorge. Elle n’avait même plus de quoi payer le loyer de cette chambre où elle habitait depuis trois mois. Que lui restait-il ? Un matelas, une table de bois blanc, deux chaises, un réchaud électrique. Il n’y avait que son petit téléviseur qu’elle ne s’était pas résignée à vendre. Quelques vêtements s’entassaient sur une chaise et dans un sac à dos près d’un mur, voisinant avec une pile de magazines ramassés au hasard des rues.
Elle alluma la télévision et mit du riz à cuire. Elle disposa les œillets dans un grand verre d’eau qu’elle posa sur la table. C’était l’heure du journal télévisé. Un reportage montrait une manifestation de prostituées parcourant la rue Saint-Denis. Elles portaient des masques de carnaval et des cagoules de terroristes pour scander leurs revendications en restant anonymes. Le présentateur avec un sourire en coin ne semblait pas vraiment les prendre au sérieux.
Julia enleva ses chaussures et

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