Mais le jour naît quand même - Tome 2
522 pages
Français

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Mais le jour naît quand même - Tome 2 , livre ebook

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Description

L’esprit s’affronte à l’opacité du monde. Nos actions, nos réflexions nous dépassent. Toutefois, les tribulations de personnages plus ou moins excentriques marquent la marche de Serge, de Diên Biên Phu aux îles du Pacifique, jusqu’à l’île de Pâques, des Ardennes aux paysages arides du Maghreb, en passant par les Balkans et un phare isolé de l’Atlantique. Au-delà de ce contexte, le narrateur évoque ce combat personnel qui oppose la nature à l’esprit, « cette longue querelle de l’Ordre et de l’Aventure » comme l’affirmait Apollinaire.

Serge se confronte aux drames déclenchés par les circonstances de sa propre vie qui le conduisent, notamment par la rencontre de femmes qui l’entraînent vers les mystères de la vie, par un retour sur les évènements de sa propre enfance, à repartir de son origine tel Ulysse revenu à Ithaque, car le matin naît quand même.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414466788
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-46677-1
 
© Edilivre, 2020
 
Du même auteur :
 
Chez Edilivre :
Mais le jour naît quand même (Tome I)
Chez un autre éditeur  :
La Fibule, Mélibée, 2017.
Gaëlle
Le retour
L’enfant est innocent, cela est vrai, car c’est en toute ingénuité qu’il enregistre sur une plage vierge, cachée, le pas des autres.
Si je tournais en rond dans le phare, voué, comme ceux qui m’avaient précédé, à me heurter sans cesse contre le mur infini de l’océan, c’était pour chasser un passé qui ne m’appartenait pas entièrement. Je prétendais faire le vide. Alors, pensais-je, je serais fort, maître de moi-même, mûr enfin. Pourtant, cette quête, ce désir d’arriver au point de rupture, qui m’avait conduit jusqu’à l’isolement dans cet îlot au milieu de nulle part, n’était en réalité qu’une fuite.
Pourquoi avais-je aussi mal ? Mais non je ne ressentais plus rien !
Aussi, en arrivant dans cette ville anonyme, j’occultais tout ce temps du désert. Je me sentais neuf, guéri, disponible, découvrant un monde nouveau où les étrangers n’étaient rien, que des inconnus à connaître, à aimer peut-être. Néanmoins, je dus me rendre très vite à l’évidence que, tout comme moi, ces mêmes créatures n’oubliaient pas, fréquemment fatiguées d’elles-mêmes, mais survivantes, comme si l’homme, depuis l’origine, était condamné à demeurer un creuset où se dévoile, sans possibilités de tout renverser pour recommencer autrement, une éternité à reconstruire. Anne définitivement morte me rendait à la solitude.
Je n’avais pas suffisamment retenu, que le sérieux est acceptable dans la mesure où on l’entoure de nuances, de compassion, pour compenser le trait grossier de la logique. L’humour, c’est ce qui donne la saveur aux choses, le sel qui rend supportable la froideur de toutes les abstractions. Sinon comment aimer ? Anne sourirait de bonheur. Un régime sans sel peut mener à l’ascétisme, mais, certes pas, à la sainteté, non pas que je prétendisse à la sainteté, seulement à un jugement vrai de soi-même qui me semblait être le but unique et réaliste de chaque vie ; une morale de la conscience, en quelque sorte. Je n’ose trop relire ce que je viens d’écrire. Il est encore trop tôt pour approfondir ces contours bien flous d’une vérité qui s’échappe constamment. De même je serais capable aussi bien d’en rire, pour échapper à cette mystérieuse trilogie du non‑sens, cette trinité chrétienne incompatible avec nos systèmes de valeurs rationnels, même si je ressens trop les méfaits de l’ironie pour l’apprécier. Plus tard, le vieux Charlonze confessera :
– Contrairement aux apparences, je ne prends pas le travail au sérieux, mais je l’accomplis sérieusement.
Toutefois, cela arrangeait bien les affaires !
Dans la cellule de l’île, entre ciel et mer, je souhaitais me déshabiller de l’intérieur, perdre tout ce qui détermine le comportement d’un individu, c’est-à-dire le passé, la connaissance acquise, les souvenirs ; à cause de la souffrance, peut être inutile, cependant bien réelle. C’était insensé d’entreprendre cela. Peut-être. Aujourd’hui encore je ne peux m’empêcher de penser que je n’avais pas entièrement tort. Je flottais alors à la frontière de deux mondes. Je pressentais qu’il me fallait décrypter le réel par une autre logique, orienter l’empreinte des évènements différemment, que rien de ce qui s’était développé auparavant ne serait plus réalisable désormais, me conduisant à me vider du passé, à rejeter tout, jusqu’à l’hérédité ; si cela était possible.
Curieusement, j’ai réussi d’une certaine façon, non pas ainsi que je l’avais imaginé au départ, mais par une approche indirecte. Certes, je ne suis pas parvenu à détruire ce monde qui nous habite, qui constitue notre univers, par contre tous les sentiments éprouvés jusque-là, qui m’avaient plongé alors dans le désarroi le plus total, s’étaient peu à peu éclipsés, leur perception avait perdu toute acuité, littéralement fondue dans la nuit, tandis qu’au contraire les êtres, les événements qui les avaient suscités m’apparaissaient désormais plus réels, surgissant de la mémoire avec un contour plus vif, plus mordant. Ils étaient là, présents. C’était l’échec d’une vaine entreprise et en même temps une victoire, car maintenant, par leurs présences mentales, je découvrais l’apaisement. Les esprits, suggérés par Ramser, m’avaient réellement conquis.
Paradoxalement, c’est le phare lui-même qui m’avait conduit à cela. Vivez seul, très longtemps, en compagnie d’une pierre, et la pierre réfléchira votre projection sur elle. C’est ce qui s’était produit sur ce caillou, à la pointe de la terre, émergeant à peine de l’Atlantique. Ce n’avait pas toujours été facile. Surtout dans ces nuits de brume où la sirène beuglait à la mort, à la façon d’un animal blessé. Toute la structure de pierres et de métal retentissait de cet appel sinistre. Cette tour à œil de cyclope s’était imposée à moi comme un être vivant, qui souffrait sous les coups de boutoir des déferlantes autant que sous l’effet de la chaleur torride d’un beau jour d’été. À la fin, la lanterne reflétait, en l’évacuant, mes chimères et ma mémoire perdue, après m’avoir pris en charge, en me dépouillant du trop-plein d’angoisse, ne me laissant que l’essentiel, débrouillant l’écheveau compliqué, clarifiant les contours. Ainsi, j’étais devenu apte à revoir son visage, sans haine et sans amour. La mort ne me concernait plus. Une image d’Anne était là, qui éternellement, désormais, demeurerait. C’était une autre, dans un sens pourtant, plus tangible que la vraie. Non, l’esprit ne joue pas avec les images du passé, gravées irrévocablement dans les méandres cérébraux ; aucun rideau d’aucune sorte ne peut être abaissé devant elles. Cette voie-là avait été mauvaise, cependant elle avait eu le mérite de m’en ouvrir une autre : parvenir à épuiser la mémoire, la pressurer jusqu’à ce qu’elle rende tout le contenu, l’assumer en quelque sorte, elle qui se comporte, finalement, comme un facteur de conscience. Cela paraissait envisageable, toutefois je n’osais encore aller jusqu’à l’extrême limite. Plus d’une année d’isolement m’avait appris la patience, face à la ténacité des tempêtes, la constance des eaux lisses, la persistance d’un ciel vide ou même les mouettes restaient suspendues indéfiniment. Le temps n’avait plus de consistance, que celui de la paix.
Le dernier jour, lorsque la vedette m’a déposé sur le quai, après tant de silence, je me suis trouvé désorienté parmi les cliquetis des chaînes, les grincements des grues, les cris des dockers. J’étais l’étranger.
Bien entendu, je n’avais pas été bouclé dans cette balise du bout du monde de longs mois durant. Néanmoins pendant cette période, mes sorties se situaient en marge ; l’esprit restait rivé sur le rocher, avec, comme uniques compagnons, les cargos, les chalutiers et les sternes. Ce jour-là, c’était différent. L’île était derrière moi, définitivement. Si je reconnaissais ce vacarme sur le quai, je l’écoutais vraiment pour la première fois, comme faisant partie désormais de cette clameur de la vie quotidienne qui devait être la mienne dorénavant. Toute créature qui a supporté un long séjour au fond d’un gouffre est éblouie par la lumière du soleil lorsqu’elle remonte à la surface. Ayant vécu longtemps dans le silence, j’éprouvais la même impression vis-à-vis du bruit.
Le père Lorec m’avait aidé à décharger tout le barda. Nous nous étions serré la main, comme chaque fois, tout en ne trouvant pas, cette fois-ci, ni les mots, ni les gestes capables de traduire notre émotion. J’ai largué les amarres ; le vieux est reparti vers sa maison sauvage, au-delà des dunes, entourée de granits et de chênes rabougris. J’ai lancé le bras en l’air, désespérément, ressentant une fois encore cette déchirure soudaine au milieu du cœur, incompréhensible, qui laisse sans force, vidé. Le marin, assis à l’arrière du canot, agita sa casquette. D’autres scènes se reconstituaient dans le cerveau. D’autres, encore, toujours. Cela recommençait. J’ai jeté le sac sur l’épaule pour quitter le port, sans plus me retourner.
La ville s’éveillait. Aux terrasses des cafés, les serveurs descendaient les chaises des tables. Les buralistes pendaient les journaux aux devantures, qui allaient répandre la manne au verbe profus d’informations objectives néanmoins tronquées. Des hommes et des femmes couraient vers leurs activités. Des enfants jouaient sur le chemin de l’école. Je fus pris dans le tourbillon. Il me fallait maintenant pénétrer à l’intérieur de la cité, vivre de nouveau avec mes congénères. Je n’avais pas le choix. La réaction initiale fut de foutre le camp, n’importe où, avant de me ressaisir en me résignant à trouver un travail.
Grâce à des études poursuivies quelques années auparavant, une relation m’avait proposé une place de professeur ; toutefois cela m’avait paru trop sérieux. On ne devient pas enseignant par indifférence, mais par vocation – du moins je le supposais. Et puis éduquer équivaut à former, c’est-à-dire contraindre, contrainte nécessaire probablement. Cependant, je tenais trop à la liberté pour orienter celle des autres. Il convient, pour enseigner, d’avoir une colonne vertébrale. La mort d’Anne m’avait laissé totalement invertébré. J’avais placé toute mon énergie dans la lutte contre ma propre souffrance en refusant l’amour qui m’était offert comme un cadeau à la fois trop riche et empoisonné. J’ai souvent admiré les gens qui administraient les sentiments à la façon d’un patrimoine immobilier, avec précaution et calcul. Ma nature me porte plutôt à réagir contre les élans spontanés, après m’y être livré sans retenue, ce qui, a priori, s

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