Mais le jour naît quand même  - Tome 1
584 pages
Français

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Mais le jour naît quand même - Tome 1 , livre ebook

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Description

L’esprit s’affronte à l’opacité du monde. Nos actions, nos réflexions nous dépassent. Toutefois, les tribulations de personnages plus ou moins excentriques marquent la marche de Serge, de Diên Biên Phu aux îles du Pacifique, jusqu’à l’île de Pâques, des Ardennes aux paysages arides du Maghreb, en passant par les Balkans et un phare isolé de l’Atlantique. Au-delà de ce contexte, le narrateur évoque ce combat personnel qui oppose la nature à l’esprit, « cette longue querelle de l’Ordre et de l’Aventure » comme l’affirmait Apollinaire.

Serge se confronte aux drames déclenchés par les circonstances de sa propre vie qui le conduisent, notamment par la rencontre de femmes qui l’entraînent vers les mystères de la vie, par un retour sur les événements de sa propre enfance, à repartir de son origine tel Ulysse revenu à Ithaque, car le matin naît quand même.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414436651
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0127€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-41173-3

© Edilivre, 2020
Du même auteur
Du même auteur :
Chez un autre éditeur :
La Fibule, Mélibée, 2017.
Claire
Le cri de l’oiseau
« Les autres forment l’homme ; je le récite » 1
« … Il faut essayer, dans mes vieilles histoires venues je ne sais d’où, de trouver la sienne, elle doit y être, elle a dû être la mienne avant d’être la sienne, je la reconnaîtrai, je finirai par la reconnaître, l’histoire du silence qu’il n’a jamais quitté, que je n’aurais jamais dû quitter, que je ne retrouverai peut-être jamais, que je retrouverai peut‑être, alors ce sera lui, ce sera moi, ce sera l’endroit, le silence, la fin, le commencement, le recommencement, comment dire, ce sont des mots, je n’ai que cela, et encore, ils se font rares… » 2 .
Et ce fut la nuit, opaque.
Un déclic vient de se faire entendre, brisant l’atmosphère ouatée de la chambre. Le bourdonnement de la ville remplit la mansarde, une respiration profonde, coupée malicieusement par le gazouillis d’un pinson ou le cri d’un enfant provenant du parc tout proche. Ce n’est d’abord qu’une bulle molle qui enfle ; pieuvre de vent lançant des tentacules sonores. Le monde n’existe pas encore ; mais déjà les prémices de sa venue se discernent sous forme de frémissements dissonants, annonçant des évènements incongrus, tyranniques aussi. L’attention n’échappe pas aux vibrations naissantes, malgré l’attirance déraisonnable à replonger parmi cette somnolence informe, adoptant fortuitement l’apparence suprême de la paix. Pourtant, du magma confus, de l’écheveau compliqué de nos cauchemars, naîtra l’aube du premier matin ; même si l’innocence ne dure guère. Car à l’esprit, toujours englué par les brumes nocturnes, retenant néanmoins les nerfs à vif, avant que la raison n’émerge à son tour, s’impose une métaphore voulant révéler une intuition essentielle : les pleurs d’une fillette se métamorphosent en timbre strident d’hirondelle pour fendre aussitôt le firmament ; à moins qu’il ne s’agisse de la sirène d’une usine lançant un appel de gros chalutier sédentaire. Le prodigieux rêve commence où la vie se crée parmi les chocs monstrueux, dérisoires de nos désirs chimériques. Reste le long trait noir de l’oiseau striant le ciel où s’inscrivent les portées de notre musique humaine aux émotions fugitives mais flamboyantes : des visages aimés que déjà le vent estompe, embrassés par la forme tourmentée des nuages.
En se retournant sur les draps froissés, Serge s’allonge sur le dos, étirant violemment les membres jusqu’à la crampe ; la douleur efface instantanément les images émergeant du subconscient, se pressant en permanence au bord d’une conscience encore engourdie de sommeil. Le réveil va sonner dans quelques secondes ; machinalement, le bras s’étend pour atteindre le bouton afin d’empêcher la sonnerie de se déclencher. Maladroite, la main engage par inadvertance le commutateur de la radio ; le chant des étoiles s’est tu, les informations concernant le monde, de leurs voix discordantes, résonnent entre les murs, lancées sur les ondes comme des blocs de basalte en éruption, qui déjà se refroidissent. L’oreille ne retient qu’un message, demeurant en suspens quelques instants, infligeant un climat soudain tendu. Da-Nang . Puis très vite les mots se transforment en un bruissement confus perpétuant l’histoire anonyme des hommes – pourtant, sans y prendre garde, l’opéra bruyant de la planète distillera, malgré lui, par la pointe extrême des neurones, la fureur et la souffrance. L’homme, au balcon, contemple l’abstraction de la terre ; les événements jaillissent partout, inexorablement, tels un torrent de lave impossible à arrêter, transformés par les ondes radio en un feu d’artifice fécondant en étoiles toutes les oreilles du monde. La réalité naît d’une alchimie étrange, personnelle, où néanmoins les éléments convergent sur soi-même ; devenir l’univers, le rétrécir à soi-même pour l’englober tout entier. La mesure du paradoxe préfigure une destruction ou alors une renaissance. Renaître sans cesse ; mais la matière ne transige pas.
Les mains croisées derrière la nuque, les yeux maintenant grands ouverts, la luminosité du jour, diffusant entre les interstices des doubles rideaux, pénètre en lui, dévoilant sur toutes les structures alentour la forme des apparences ainsi qu’un bain photographique fait apparaître sur le papier blanc l’image provisoire d’une réalité. Le plafond, zone incertaine, laiteuse, tout d’abord ondulante, précise un aspect d’étendue plane écrasée de blancheur tandis que le regard s’ouvre à la clarté accusant les contours, donnant du relief aux objets, une certitude à la pièce, en inventant des couleurs aux formes ; puis se manifestent les lignes sinueuses, pointillées à cause de la peinture écaillée, longues théories de fourmis suivant invariablement le même chemin au tracé brisé par des causes inconnues. Chaque matin, la raison se heurte à ce rêve inorganisé ; à moins que le chaos ne soit que la simple expression de notre ignorance. Déjà l’esprit s’enroule autour d’une réflexion ancienne, à la façon d’un papillon gravitant au pourtour des capitules d’une fleur de buddleia. Pourrait-il demeurer une journée entière, immobile, à jongler avec ces pensées fulgurantes et saugrenues, s’exaltant elles-mêmes sans cohésion apparente, jaillissant à l’intérieur du crâne ainsi que ces fusées éclairantes violant la nuit, aussitôt emportées par le vent ? Du phare, les faisceaux rectilignes du projecteur se perdaient au-delà des ténèbres. Anne . Ne pas penser ; être sa pensée, aux franges du rêve inaccessible. Une tension à être.
Les anneaux concentriques d’une tache d’humidité, dont le nombre augmente à chaque pluie, fixent l’attention ; l’imagination se projette en signes sur les surfaces environnantes ou bien, à rebours, Serge ne conserve des images ambiantes que celles le concernant, encore embrumées par une demi-conscience, au réveil, aux confins de sa propre opacité, avant que la nécessité du quotidien ne le fasse basculer dans la distraction souveraine du temps qui s’écoule, réduisant l’espace à une surface plane où se lovent avec paresse la pesanteur des habitudes, les caricatures de la vie, une survie approximative.
D’autres plafonds surgissent de la mémoire, révélant les matins blêmes du phare où, à cause du brouillard, il s’imaginait toucher la lumière ainsi que les doigts s’enfoncent dans un paquet de coton mou, ou encore réveillé par le brouhaha soudain, au lever du couvre-feu à Alger, dans un hôtel proche de la casbah avant d’aller fumer une pipe en découvrant devant soi les reflets scintillants de la mer, assis sur un banc du Jardin d’Essai, à Belcourt où les arbres tropicaux lui parlaient de Ramser, de même qu’au retour du bled, lorsque le chant des cigales se mêlait au youyou des femmes, ou encore plus tard, anéanti par la chaleur déjà lourde de ces aubes estivales d’Europe Centrale, à Cerevic, entre la Save et le Danube, où Ramser l’avait envoyé régler le solde de leurs ultimes batailles. Qu’importe le lieu ; c’est toujours le même personnage qui s’éveille, prisonnier entre le linceul immaculé du drap et le désert blanc du plafond, trouble à la façon d’un miroir au tain usé où tous les rêves projetés s’évanouissent en illusions blafardes. Tempêtes aux vains combats où se glisse cependant un rai lumineux tel un phare effaçant les ténèbres. Enfin réveillé, semi-dressé, coudes sur l’oreiller, Serge sourit ; lucide et seul car c’est à lui-même que l’homme assiste. Alors le monde se manifeste, sachant pourtant qu’il s’agit d’un leurre.
D’abord, éteindre la radio. Le bruit du monde, s’effondrant soudain en un bruit de fond, ne suffit plus à donner une consistance à l’univers. Se distraire pour échapper ; pas vraiment – la lucidité n’amplifie pas fatalement la souffrance. Devenir absent à soi-même. Vouloir être rien ; pas seulement pour se protéger, aussi et surtout garder en soi la conviction d’un exil. Imposer un regard, uniquement son regard. Ne plus bouger pour ne pas provoquer de nouvelles catastrophes.
Déjà les résolutions s’effilochent ; « Organise tes pensées ! » se plaisait à répéter son père. Régler avec précision, comme à l’usine la productivité exclusive à rendement maximum, structurer ou déstructurer la société comme le père de Ramser la cellule du Parti, affirmer comme Charlonze une ambition à vocation d’ascension sociale ! Gaëlle . Et toi qui es-tu ? « Je pense, donc je suis. ». Je ne pense rien du tout ! Serge reconnaissait tout de même à Descartes la conscience d’exister par l’affirmation d’un doute viscéral. Restaient ces terribles sensations, impossibles à fuir, puis qui vous abandonnent, brisé. Il préférait le « Je est un autre » de ce gamin des Ardennes n’hésitant pas à marcher fermement sur des semelles de vent ; l’aventure, fut-elle illusoire, affirme l’homme. Agnès . Quelle aventure ? Ne pas bouger ; la plus terrible de toute.
1 . Michel de Montaigne, Les essais.
2 . Samuel Beckett, L’Innommable.
Les êtres brisés
Ce fut l’aube.
Ce n’est plus une clarté vague, opalescente, mais bien un bloc compact, dense, qui imprime sur le plancher aux lattes disjointes des segments réguliers, bâtonnets lumineux, bacilles se suivant, grossis des milliards de fois, scintillante chaîne de streptocoques. Du rayonnement brisé naît un univers particulier, le sien.
Les vibrations de lumière s’écrasent sur le linoléum en une multitude de taches dorées. Cela s’impose, malgré lui ─ streptocoques ─ se contentant d’en sourire, il se moque de lui-même, du labeur quotidien au laboratoire. Le dessin représenté sur le sol se suffit en existant. Au réveil, l’esprit veut se saisir au

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