Lux perpetua luceat
160 pages
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Lux perpetua luceat , livre ebook

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Description

« Nous nous sommes arrêtés en même temps, brusquement, comme par un court-circuit dans le cerveau. Ou était-ce parce que nous avions senti intuitivement que nous avions atteint le sommet, dépassé la toute dernière borne, franchi l'ultime limite de la normalité humaine ? Nous étions devant l'abîme d'un sentiment tout nouveau et grandiose, inconnu du commun des mortels. Une sensation nouvelle et indéfinissable, indicible, intraduisible en langage humain. Un projet prométhéen qui pouvait soit nous détruire ou bien nous associer au festin divin. Et nous nous sommes regardés comme pour la première fois avec de nouveaux yeux. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342005844
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lux perpetua luceat
Andreas Rosseel
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Lux perpetua luceat
 
 
 
 
1. Viviane R.
 
 
 
Mémoires. Journal intime
Ariel est mort.
 
Je revois la feuille sur mon bureau avec cette phrase lapidaire en plein milieu.
Qui a écrit cela ?
C’est mon écriture. Oui, c’est bien moi. Hier.
Avant-hier il vivait encore.
C’est idiot. Je sais. Une minute avant sa mort, il vivait encore. Tout le monde sait cela. Il savourait un velouté : crème de cresson. Ce que tout le monde ne sait pas, c’est qu’avant-hier, il vivait pleinement. Il bouillonnait de vie. Et moi, moi je bouillonnais autant que lui. Peut-être même plus que lui. Car moi, cela faisait déjà un an que cela durait. Un an que je le savais. Un an que je l’avais reconnu ouvertement, ouvertement à moi-même. Et alors je l’ai dit tout haut, seule dans ma chambre, avec sa photo qui tremblait entre mes doigts. D’une voie enrouée, j’ai dit tout haut : Ariel, je t’aime.
Après avoir prononcé cet aveu, j’ai cru m’évanouir. J’étais ivre de bonheur, de passion, d’amour. Ivre d’avoir osé prononcer cette phrase. D’avoir osé avouer tout haut que je l’aimais. D’un amour fou. Depuis un an, j’aimais Ariel. Ariel, mon frère, d’une heure plus jeune que moi. Je le savais depuis un an, depuis Denise.
Depuis que cette rousse était apparue dans notre vie. Depuis qu’elle s’était glissée comme un serpent entre Ariel et moi.
Avec ses longs cheveux luisants et ses yeux de chat verts aux longs cils recourbés, elle se croyait irrésistible, fatale.
Et quand j’ai vu l’étincelle dans le regard d’Ariel, j’ai été submergée par une immense vague de jalousie. Quand j’ai vu l’intérêt et l’admiration dans le regard d’Ariel pour cette créature, je suffoquais presque de jalousie, de haine, pour cette femme qui risquait de s’approprier mon frère.
Et c’est à ce moment même, que j’ai compris que j’aimais Ariel. Que je l’avais toujours aimé. Mais que maintenant je savais que je l’aimais beaucoup plus qu’une sœur qui aime son frère. Que je l’aimais comme une amante aime son amant. D’un amour passionné, total, absolu.
Ma jalousie et ma haine pour cette Denise, fut tout aussi disproportionnée que la passion pour mon frère qu’elle venait de me révéler. Et je me disais, et dans mon for intérieur je savais, que jamais elle ne me le ravirait. J’étais prête à défendre mon bien bec et ongles et par tous les moyens. TOUS les moyens.
 
Ma jalousie et ma haine féroces me firent voir mon frère avec de nouveaux yeux. Pour la première fois, j’osais avouer ce que j’avais toujours, depuis ma prime enfance, éprouvé pour ce frère d’une heure plus jeune.
Pendant neuf mois, nous avions cohabité dans le ventre étroit de maman. Nous étions nés avec une heure d’intervalle. Moi la première. Et c’est comme si cette petite heure de différence allait me conférer un droit d’aînesse pour le restant de nos jours.
En tant que bambins déjà, je fus la première en tout. J’articulais mon premier son sensé, qui fut « papa » et pas « maman », trois semaines avant Ariel. Je marchais une semaine plus tôt que lui. Je pense qu’on ne peut guère taxer le comportement d’une enfant d’un an ou deux, de féministe ou sexiste. Pourtant, je voulais dépasser Ariel dans tous les domaines. Je courais plus vite que lui et sautais plus haut.
Et nos parents ne firent guère d’efforts pour diriger nos comportements d’une façon plus équitable. Maman déclarait bien haut que c’était normal que les filles soient mûres plus tôt que les garçons. Que la nature était ainsi faite. Et papa était plus enclin à approuver et applaudir les prouesses de la gamine, qu’à encourager les efforts du gamin. Et Ariel s’y faisait avec résignation à jouer le second violon, d’autant plus qu’il avait appris que c’était lui, le plus jeune des deux.
En tant qu’enfants, nous faisions tout ensemble, sans jamais perdre de vue ce rapport de domination, devenu tout doucement un droit de préséance entre mon frère et moi. À table, il n’aimait pas manger ce que moi, je n’aimais pas. Il aimait et détestait les mêmes personnes ou les mêmes jeux que moi.
À l’école aussi, nous formions équipe. Gare à celui qui avait osé faire du mal à mon petit frère. Je parlais toujours de mon « petit » frère, bien qu’entre-temps il était devenu plus grand que moi. De quelques centimètres seulement, mais quand même, je devais l’admettre. Si j’étais la plus rapide et la plus intelligente, c’était lui le plus grand. Le plus grand mais pas le plus fort ! Ariel comptait d’ailleurs sur moi pour le défendre ou le conseiller.
Nous étions de bons élèves. Très bons même. Mais là non plus, il ne parvenait pas à me battre. Je fus souvent la première de la classe, et Ariel était fier de sa sœur qui était plus forte que ses copains, et eux le savaient bien. Même en bande, je n’étais pas qu’une simple fille, j’étais Viviane, le chef, qui décidait et menait, qui osait et qui n’avait jamais peur.
 
À l’adolescence, nos rapports commençaient à changer lentement, mais sûrement. C’était comme si à la fois nous nous éloignions l’un de l’autre, tout en nous rapprochant.
C’était bien fini, les batailles navales tout nus dans la baignoire, sous l’œil attendri de Brigitte, la gouvernante, ou de maman quand elle n’était pas trop occupée ailleurs.
Comme enfants, nous avions partagé la même chambre, mais vers l’âge de sept ans, maman avait estimé qu’il valait mieux que nous ayons chacun sa propre chambre, ses propres affaires, bureau, garde-robe, etc.
Ce qui ne nous empêchait aucunement de dormir encore souvent ensemble, surtout en hiver et pendant les nuits d’orage. Quand, après le premier grand coup de tonnerre, Ariel venait se glisser dans mon lit, tout contre moi, je ne me moquais pas de lui, je le serrais très fort contre moi et j’étais reconnaissante envers Jupiter et toute sa colère.
Cela aussi était fini avec l’adolescence. Et quand il y avait des orages et qu’il tonnait fort, je regrettais que mon petit frère était devenu plus courageux.
Ce n’est pas que nous étions gênés l’un envers l’autre. Au contraire, je crois qu’avec la découverte de notre spécificité génitale, nos sentiments réciproques se sont encore approfondis.
 
Nous jouions encore ensemble, comme des gosses même. Mais le plus souvent, nous nous promenions. Nous parlions de tout. Des autres élèves, des profs, des cours, de nos lectures, de nos projets d’avenir.
Comme papa était professeur de droit à l’U.L.B., il aurait bien voulu qu’au moins un de ses rejetons fasse son droit. Mais comme nous aimions beaucoup la littérature, nous voulions plutôt étudier la philologie.
Nous lisions énormément, et pas seulement les auteurs français, mais également les grands romanciers russes, anglais, allemands. D’un commun accord, nous décidions de faire la philologie germanique et de commencer à lire les grands romantiques et poètes anglais et allemands dans la langue originale.
En rhétorique, nous nous efforcions parfois de parler anglais ou allemand, pendant une heure entière, lors de nos promenades. Ce fut à la fois instructif et amusant, et parfois nous éclations de rire en même temps.
Je me souviens du jour où Ariel, ne connaissant pas le mot allemand pour endive (1), parlait de « weiss Lauf ». Nous avons pleuré de rire.
Dans mon journal intime, j’avais noté ce jour-là :
23 avril
Il a fait beau toute la journée. Nous nous sommes promenés dans le parc comme d’habitude.
De 14 à 15 heures, c’était l’heure allemande. Au fond, je préfère notre heure anglaise, et Ariel aussi, bien sûr.
À un moment donné, entraîné par son discours sur ses préférences culinaires, il s’est exclamé : « Ich liebe… », il s’est interrompu un instant en me regardant d’un air de détresse, avant de reprendre « Ich liebe weiss Lauf ».
Il m’a regardé, étonné de sa propre audace, et nous avons éclaté de rire en même temps, d’un rire qui n’en finissait pas. Nous avions les larmes aux yeux. Je riais tellement fort que je me suis écrié « Oh Ariel, arrête, je vais faire pipi dans ma culotte ».
J’aurais voulu prendre sa tête entre mes mains et la serrer contre la mienne. Pendant un instant, il avait cessé d’être mon frère. Il était Ariel, et je l’aimais, et j’aurais tellement voulu l’embrasser, dans ses cheveux blonds… sur sa bouche.
Notre fou rire s’est éteint finalement et Ariel était redevenu mon frère, mon frère bien-aimé.
 
Nous lisions assez souvent, pas toujours, les mêmes livres et Ariel aimait bien les livres que j’avais bien aimés.
J’avais lu le Journal d’An Franck, cette jeune fille juive restée recluse dans une arrière-chambre à Amsterdam. Elle sera finalement arrêtée avec toute sa famille, déportée, et mourra dans un camp de concentration. Ce qui m’intéressait, c’était ses sentiments mêlés, contradictoires, envers son cousin. Quand Ariel l’avait lu à son tour, je lui demandais
— Alors, penses-tu qu’elle aimait son cousin ?
— Oui, d’une certaine façon, bien sûr, elle l’aimait.
— D’un amour véritable ?
— C’est quoi, un amour véritable ?
— C’est vouloir rester ensemble pour toujours. Ne jamais vouloir se quitter. Être prêt à se sacrifier, à donner sa vie l’un pour l’autre.
— Si c’est comme ça, alors certainement pas.
— Pourquoi pas ?
— Pour commencer, c’était son cousin. Ils étaient de la même famille.
— Et quand on est de la même famille, on ne peut pas s’aimer d’un véritable amour ? Nous sommes frère et sœur, et nous nous aimons bien. Et en Égypte, du temps des pharaons, frère et sœur se mariaient parfois.
— Oui, mais nous n’allons pas rest

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