Livre de bord
150 pages
Français

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Livre de bord , livre ebook

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Description

Nous sommes en mai 1968. Hervé, Marie, Patrick et Gudule s'ennuient sur leurs marches d'escalier. L'école est partie en vacances, alors pourquoi pas eux ?
Avec des vélos « empruntés », ils décident de rejoindre Le Havre pour embarquer sur un voilier. Sur leur route, ils vont rencontrer des ouvriers en grève, des lycéens révolutionnaires, une famille de voileux, un méchant marinier et puis, et puis...
Ouvre Livre de bord, jour après jour, Gudule te détaillera leur road-movie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 mars 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332659521
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-65950-7

© Edilivre, 2014
Dédicaces


à Maman Rose & Jean-Paul
Mireille & Denize
Sébastien & Sener
Cindy & Phuc
Vinh & Callie
Livre de bord


R appelle-toi, c’était en mai, en 1968…
Les écoles étaient fermées, les usines occupées et les étudiants se révoltaient.
J’étais dans ma zone, avec mes copains, mes copines. On ne comprenait pas grand-chose : les parents criaient, s’inquiétaient, s’enthousiasmaient…
Nous, on s’organisait. Notre emploi du temps comprenait jeux, rires, patins à roulettes. Les devoirs avaient pris la poudre d’escampette, et nous n’avions pas l’intention de partir à leur recherche.
Douze ans, nous avions encore l’âge de l’innocence, de l’amitié, du rêve !
Nous étions une petite bande de quatre avec les mêmes rires, les mêmes pleurs comme les cinq doigts de la main avec un pouce amputé.
Je vous présente :
Marie, elle avait des parents friqués, enfin sa mère et son beau-père (en général chez nous quand tu as ta mère, tu n’as pas ton père ou inversement).
Ils rageaient parce qu’ils ne pouvaient pas aller travailler, leur avancement il en prenait un sacré coup. Ce n’était pas la joie chez elle avec des parents très conservateurs, les chambardements les perturbaient un maximum. Par chance, nous étions là, nous les paumés qui n’avions pas un sou. Ça ne nous changeait pas beaucoup sauf que l’école était partie en vacances.
Patrick, lui, il avait son père mais plus sa mère. Sa grande sœur s’occupait de tout, du ménage, de la cuisine, des enfants, elle était leur p’tite mère.
Il avait un vélo sans frein qu’il nous prêtait, les gadins que j’ai pris. Il était toujours là pour déconner ou nous protéger, c’était mon pote, mon cop, il avait l’oreillette gauche de mon cœur rien que pour lui et le ventricule avec.
Hervé, il était enfant unique, il avait juste sa mère. Sous des airs un peu bêcheurs, il cachait une tendresse qui ressemblait à la douceur d’un chaton qui vient de naître. On ne savait pas grand-chose de sa vie familiale sauf que sa mère buvait, il était mieux dehors que dans ses quatre murs.
Enfin Gudule (c’est moi), ne commencez pas à rire, c’est mon prénom qui arrive d’on ne sait où mais qui me colle à la peau.
J’avais juste ma mère moi aussi mais elle ne buvait pas. Elle était jeune, belle, combative avec un sacré humour qui m’a permis de regarder la vie pleine d’enthousiasme. Pour sortir dans la journée, pas de problème, du moment que je me débrouillais, j’étais libre, c’était vraiment l’essentiel.
Il y avait parfois Rodolphe, le beau ténébreux (L.B.T.), il avait plein de « louises » qui étaient dingues de lui. Le mec avec de la classe. Il venait de temps en temps avec nous mais il était toujours assez distant, fallait pas qu’il perde sa réputation… Il avait père et mère, sans histoire.
Mardi
Un jour, Marie, Patrick, Hervé et moi, nous en avions assez de jouer à cache-cache dans les caves, attendant que la concierge vienne nous poursuivre, avec son balai, ses sabots, et son chiffon autour du cou. Nous sommes partis à rêver d’une autre vie : sans argent, sans parents, sans école.
Marie, la première rêva éveillée :
« Imaginez, si nous partions tous les quatre au bord de la mer. On se choisirait un super voilier tout en bois verni, avec des voiles blanches immenses qui ressembleraient à des grandes ailes d’oiseau. Ce serait un bateau sans peur qui nous emmènerait très loin d’ici.
Pour manger, nous pêcherions des poissons aux couleurs multicolores. On traverserait la mer, et nous irions sur une île pleine de fleurs, de fruits et d’animaux gentils.
– Sur le bateau, dit Patrick, je m’occuperais de la mécanique, du moteur. La nuit, je resterais sur le pont pour voir et écouter les étoiles. Je donnerais un nom à chacune d’elles. Je noterais leur position, combien de kilomètres elles ont parcourus, si elles ont embelli, si elles ont grossi. Tous les matins, je vous raconterais leur transformation. »
Ne me demandez pas comment il allait faire, je n’en sais toujours rien. Patrick avait des secrets, des lectures que seule une petite souris très fouineuse aurait pu connaître.
« Moi, dit Hervé, je m’occuperais de l’eau. Parce que sur un bateau, si on n’a pas d’eau douce, on ne risque pas d’aller loin. Parfois, on resterait des jours et des nuits en pleine mer, je prévoirais la quantité d’eau à emporter. Je fabriquerais de grandes cuves que je mettrais autour du bateau quand la pluie viendrait nous apporter ses trombes d’eau. Nous pourrions rester encore plus longtemps loin de la terre. En grandissant, j’étudierais des livres techniques, j’inventerais un système pour dessaler l’eau de la mer, nous n’aurions plus besoin de rejoindre la terre. »
Hervé avait perdu l’amour des hommes, ils étaient pour lui plus féroces qu’un berger allemand dressé pour tuer.
« Et toi, Gudule, tu t’occuperais de quoi sur le bateau ? »
J’étais déjà partie, je nous voyais près du soleil, entourés d’eau, avec plein de poissons qui nous mimeraient leur langage. J’avais même pensé aux dauphins pour nous tirer quand le vent serait parti se reposer. Mais qu’est-ce que je pouvais faire sur ce bateau avec ces ailes d’oiseaux, ces cuves autour de la coque, ces dauphins pour le tracter ?
Soudain, la lumière, l’éléphant rose, l’idée qui fait clic :
« Je m’occuperais du livre de bord. J’écrirais les bêtises que vous avez faites pendant la journée, les fous rires qui nous auraient pliés en deux, les angoisses qui auraient bousculé nos tripes, les émerveillements qui nous auraient chavirés. »
Nous étions loin de mai 68… On ne comprenait pas ces histoires de grandes personnes. Pourquoi les adultes portaient des pancartes en défilant dans les rues à travers toutes les villes, pourquoi dans les rayons des magasins nous avions des difficultés à emprunter une pomme ou un bonbon ?
Marie restait sur son rêve :
« Tu sais les parents en ce moment, ils râlent tout le temps, en plus ma frangine n’arrête pas d’être derrière mes baskets. Si on partait, avec tous les événements, personne ne s’apercevrait de notre absence. »
Elle était butée Marie, quand elle avait une idée, il n’était plus question de jouer à la balle aux prisonniers, aux osselets ou à la sarbacane. Obnubilée par son idée, elle nous faisait un trouble obsessionnel de la croisière, voir-la-mer-ou-mourir. Elle avait vraiment décidé de partir, elle allait étaler le grand jeu pour arriver à ses fins.
Patrick et moi, nous n’avions jamais pensé à dépasser notre banlieue. Nos parents n’étaient pas des boulets, ou des castrateurs. La journée, nous étions libres, le soir c’est autour du repas que la famille se retrouvait pour manger, discuter un peu. Nous étions habitués à vivre avec les copains, mais quitter la zone pour voir du nouveau, là notre imagination avait un blocage, un trou noir sans aucune étoile à l’horizon. Au-delà des cinquante kilomètres de Paris, nous étions « à l’étranger ». Sans voiture, nous n’avons jamais franchi la frontière, les autobus à plate-forme n’allaient pas plus loin…
Nos vacances se cantonnaient à notre terrain vague, à nos collines de sable noir. La piscine du coin ou les grandes mares après une pluie torrentielle faisaient office d’océan bleu.
Nous n’avions pas la télévision, notre imaginaire se limitait à notre univers fabriqué où la nature s’est mise au vert. Nous étions semblables aux indigènes du film Les dieux sont tombés sur la tête sauf que nous ne recevions pas une bouteille de Coca sur notre crâne mais Marie avec ses fixations, ses obstinations, sa révolte.
Marie connaissait « l’étranger », elle avait voyagé à travers toute la France. Elle partait régulièrement en vacances. Elle allait à la campagne pendant que nous courions dans la poussière de Gennevilliers. En hiver, nous n’avions que les flocons blancs et la gadoue des fontes des neiges pendant que Marie descendait la piste bleue des Houches. En été, les bords de mer n’avaient plus de secrets pour elle tandis que nous barbotions dans des eaux troubles certes mais pas très salées.
En bref, notre domaine c’était la ceinture parisienne alors que Marie c’était le tailleur, chapeau en prime, de l’Hexagone.
Un autre élément important expliquait les rêves aventureux de Marie, ses parents avaient investi dans une télévision. Cet appareil remplace amis, famille, causeries, il crée des tas d’envies, Marie voulait les concrétiser.
Hervé lui aussi avait cet écran cathodique, mais il n’allait pas en vacances, il ne faut pas exagérer. L’idée de partir l’interpellait quelque part :
« Tu sais en ce moment, tout le monde cherche à manger, trouver de l’argent. Ma mère, elle est malade, hier elle n’a pas pu trouver " son somnifère ", elle flippe dur. Dormir ailleurs j’aimerais bien, je n’aurais plus à supporter ses angoisses, ses cris et ses cafards. »
Marie avait un avocat de choc qui n’avait aucun problème pour plaider sa cause, les arguments se bousculaient dans son cartable.
Patrick, il ne savait pas. Son père, il l’aimait bien. Tous les matins à cinq heures, il prenait son sac, sa gamelle, son litre et partait pointer à son usine. Sa grande sœur remplaçait leur p’tite mère, la tendresse était sa tasse de thé. Patrick n’envisageait pas de les quitter. Il n’était guère enchanté, il avait même une petite larme qui brillait dans ses yeux rien que d’y penser.
Quoique, il pourrait peut-être trouver de l’argent, vendre le poisson que nous aurions pêché. Une bouche en moins à nourrir, c’était « une œuvre d’utilité publique » dans cette période troublée où les comptes en banque étaient tous en cure d’amaigrissement.
Quant à moi, ma mère, elle était chouette, elle rigolait beaucoup. Bien que l’argent fass

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