Les vents de la plaine
168 pages
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Les vents de la plaine , livre ebook

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Description

C'est un des romans les plus importants qu'on n'ait jamais écrit sur le Gharb, cette « terre promise » que se sont disputée fellahs et colons jusqu'au déchirement Un roman flamboyant au souffle épique, avec des per sonnages hors du commun. Le narrateur y évoque son grand-père, caïd magnifique qui mourut en 1911, les armes à la main, dans un affrontement avec le corps d'occupation Et puis, il y a son père, personnage tout en nuances, à la lenteur racée, dont il raconte les combats et les secrets, les mois de prison puis la mort, en 1953. En toile de fond, omniprésent, un bled marocain mou. vant et contrasté où sentiments, haines et passions sont portés à incandescence...avec la présence de deux femmes d'exception, venues d'ailleurs. Véritable illumina tion dans la tourmente ! L'amour jusqu'à l'idolâtrie, dépassant les frontières de la mort.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 1
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les vents de La pLaineEditions
© Marsam - 2012
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
6, rue Mohamed Rifaï (Place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / 67 10 29 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Site web : www.marsam-editions.com
Compogravure flashage
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé
Dépôt légal : 0239/2012
I.S.B.N. : 9954-21-267-7Mohammed Laallaoui
Les vents de La pLaineCouverture
abdelhalim Raji
Jeune berbère
Technique mixte sur cartonAVERTISSEMENT
Les personnages de ce roman sont une création de l’auteur.
Quant aux personnages historiques qui traversent toute
la trame du récit, ils ne sont évoqués ici qu’à seule fn de
mieux ancrer celui-ci dans la réalité contextuelle de l’époque
évoquée. Dans les entrailles du mal,
j’ai rencontré la fraternité.7
prologue
Une pluie drue tambourinait sans discontinuer sur les vitres des fenêtres
du chalet. Il pleuvait depuis une heure déjà, avec, par moments, des pans
entiers de déluge qui donnaient au ciel la couleur d’un blanc laiteux. A
l’intérieur, la lumière avait diminué et, autour de moi, tout était devenu
soudain lugubre et vacillant, sauf peut-être les parages de la grande
baie vitrée du salon qui me donnait encore l’assurance de ne pas me
soustraire à la clarté du jour. Le souffe court, j’en fs coulisser les deux
panneaux, et, vent debout, je regardai déferler les vagues sur le rivage
avant qu’elles ne viennent mourir dans un bouillonnement d’écume au
pied du promontoire rocheux sur lequel je me trouvais niché.
Déserte en hiver, la plage de Moulay Bousselham qui borde le
grand Atlantique, à mi-distance entre Tanger et Rabat, était jonchée de
bouteilles en plastique, de morceaux de bois, de cordages et d’autres
déchets apportés par les grandes marées et qu’aucun pêcheur du coin,
aussi désœuvré fût-il en pareille saison, n’était là pour ramasser.
Quelques promeneurs du dimanche, chaudement emmitoufés
dans leur caban et leurs écharpes, chaussés de bottes, arpentaient
maladroitement à grands pas ces sombres rivages hivernaux, poussés
par les vents dans un sens, contrariés dans l’autre.
J’ai enflé mon anorak, chaussé mes espadrilles et je suis sorti,
résolu à marcher le long de l’esplanade surplombant l’océan pour
respirer un peu d’air frais. Mais le temps était vraiment maussade :
des tourbillons de sable soulevés par de violentes bourrasques de vent
obscurcissaient l’horizon. La mer se confondait avec le gris du ciel ;
elle n’invitait guère à la rêverie. 8 Les vents de la plaine
Pourtant, tout à mes pensées, une fois descendu sur le rivage, je me
tins adossé à la paroi creuse d’une falaise, abrité des vents, sans me
soucier du ressac qui venait de temps à autre éclabousser le bas de
mon pantalon. Au loin, dans les embruns, se dressait la coupole du
sanctuaire du village, dont la silhouette domine les lagunes, déversoirs
de l’océan, où viennent se réfugier du froid des milliers de famants
roses avant de poursuivre leur voyage plus au sud, vers les pays chauds ;
un spectacle saisissant, féerique, rare. Le saint homme enterré là, à la
baraka avérée, faisait des miracles. Il y a bien longtemps, à ce que l’on
disait, il était entré dans les fots de l’Atlantique, jusqu’à ce que ces
derniers eussent effeurés les pans de son burnous. L’océan perplexe,
qui s’apprêtait à engloutir le Gharb, s’était alors retiré, là même où
ce marabout repose aujourd’hui. D’où son nom : Moulay Bousselham
(l’homme au burnous).
À ma droite, non loin de là où je me trouvais, la silhouette rectiligne
du Poséidon s’abîmait dans la grisaille du ciel. On raconte que ce
bar-dancing est l’une des vieilles gloires de Moulay, vestige du siècle
dernier, où les flles de colons venaient jadis chalouper des paso
doble les samedis soir d’été. Mais aujourd’hui le Poséidon ne fait plus
rêver, et depuis déjà bien longtemps ; il a changé de style ; il ne fait
plus « saloon », image d’une époque révolue. C’est devenu un lieu
sans mémoire, sans charme, qui a cédé la place à un café maure, fort
modeste, à la façade défraîchie. Un café halal en quelque sorte, où l’on
boit force thé à la menthe, mais où il n’est pas rare, toutefois, que le
dieu marin, chaussé des sandales de Bacchus, tienne table ouverte en
l’honneur de touristes étrangers, avec quelque alcool dissimulé dans
une grosse théière ventrue.
Ce village de pêcheurs baigne dans une tranquillité toute terrienne
que je n’ai trouvée dans aucune autre cité balnéaire du Gharb, pays
de mon enfance. C’est ici que je me suis retiré, après avoir longtemps
boudé ces lieux, pour me rapprocher le plus possible de mon « bled »
et de mes cultures de maïs. Une reconversion presque contrainte qu’il
m’a fallu opérer, au lendemain de la faillite retentissante que connut
ma banque lors d’un scandale fnancier.
Les gens du village, eux, sont toujours les mêmes ; toujours aussi Les vents de la plaine 9
attachants, toujours aussi accueillants. Toujours aussi curieux. Ils
m’appellent tous par mon prénom. Ils ont une manière assez subtile
pour s’inviter par effraction dans votre univers intérieur. Ils tiennent à
tout savoir de vous. Ils veulent vous voir vivre tel un roi nu, dans une
maison sans murs, sans cloisons, et n’ayant pour seul toit que le bleu
du ciel.
Loin de leur jeter la pierre, j’avais fni par devenir leur complice et
leur confdent, jusqu’au jour où mon poissonnier, qui faisait aussi offce
d’agent immobilier, me demanda, à brûle-pourpoint, si je ne voulais
pas vendre l’Eden-Roc, nom du chalet que j’occupais. Sa proposition
me souleva le cœur. Joignant le geste à la parole, j’ai répondu avec
véhémence: « Que nenni ! Ce chalet n’est pas à vendre !»
Il a pris ma réponse pour une insolence, pour ne pas dire un casus
belli, d’autant que, l’ayant payé, je suis parti sans avoir épuisé le
chapelet de formules creuses de politesse que d’habitude nous nous
échangions avant de nous quitter. Depuis lors, il ne m’en a jamais
plus reparlé. De l’Eden, que pouvait-il savoir en effet, sinon qu’il avait
d’abord appartenu, de source cadastrale, au comte d’Harcourt, puis
à Dona Aïda Casarès, comtesse de Castille, domiciliée au Domaine
des Pantalacci, famille d’origine corse installée dans la région de Sidi
Kacem, et notoirement connue. Il ignorait tout, bien évidemment, du
lien quasi-charnel qui m’unissait à ce chalet, mais au nom de quel
droit osait-il utiliser, à mes dépens, les ressources de sa curiosité et de
ses combines d’« affairiste détective »?
Suite à cet incident, j’avais décidé de revoir les rapports que
j’entretenais avec les gens du village ; je me fs alors plus distant, plus
discret dans leur vécu quotidien. Toutefois, je dois reconnaître que ma
réaction à l’égard du poissonnier avait été quelque peu intempestive,
voire exagérée, et je compris pourquoi : il avait mis le doigt sur la
blessure qui sommeillait en moi ; il avait incidemment soulevé le
couvercle de la marmite sur laquelle j’avais tenté de mettre une chape
de plomb, alors qu’en me réfugiant en ce lieu, accroché entre ciel et
mer, je n’étais attentif qu’à l’oubli.
Témoins abolis dans les méandres du Sebou. « Souviens-toi de ces
vents d’Est qui balayaient la plaine dans la fournaise de l’été ;
souvienstoi de cette année-là, où tu as enseveli Aïda, Michèle, et ton père, 10 Les vents de la plaine
dans le même linceul. Sont-ce les seules reliques qui te restent d’une
mémoire effritée et que le temps n’a pas encore écrasées dans l’étau
implacable de sa meule ? »
Ce soir, pluie et vents, et cette mer ténébreuse qui s’apprête,
diraiton, à vouloir submerger le rivage. Je n’arrive pas à fermer l’œil. Par
la fenêtre dénuée de rideaux, je vois des images de ma vie défler
devant moi, en vrac, à la vitesse de fugaces éclairs, avec ses titans et
ses fantômes, ses zones d’ombre et de lumière.
Au cœur de cette nuit sans sommeil, j’ai laissé, en souvenir de ces
deux femmes de l’autre rive, leur doux parfum s’insinuer en moi
comme le vent du large, pour me raconter, à leur manière…11
1
Grand-père n’était pas ce que l’on appelle communément un notable
rangé. Nulle existence ne fut plus libre et plus extravagante que celle
de cet homme à la fois téméraire et brouillon, sage et trublion. Il
était, à ce que l’on raconte, une légende vivante. Bien entendu, le
sens poétique de nos conteurs ne s’embarrassait pas des scrupules
de l’historien. Car ils étaient poètes avant tout et déclamaient l’histoire
de leur tribu à leur façon, la magnifant telle une légende dorée. Quoi
qu’il en soit, qu’il eût été, dans sa jeunesse, pillard de grands chemins
ou preux chevalier, peu importe, puisque de toute cette vie de cape et
d’épée, l’imaginaire populaire n’a retenu de lui que le versant ubac
de son personnage, là où vagabonde le rêve, où jaillit l’émotion, où
transperce le suggestif au versant érotique, à l’exemple des mille et une
nuits, une histoire d’amour qui n’en fnit pas.
Épris d’aventures et d’une vie au galop, le hasard d’une randonnée
le ft camper, dit-on, au puits des deux mulets, chez les Mokhtar du
bas-Sebou. Accompagné de son jeune page, il faisait boire sa noble
monture dans le bassin attenant à la fontaine. Et il n’aurait sans doute
pas posé les yeux sur elle, ni ne l’aurait caressée de son regard soyeux
si elle ne l’avait pas provoqué de son rire mutin. Elle se trouvait parmi
une escouade de jeunes flles, agglutinées autour de la margelle, avec
leurs cruches déjà remplies. Elle était qamar, aussi belle que l’astre
des nuits ; Vénus en majesté. « Sacrebleu ! », jura-t-il, pétrifé.
De ce visage dessiné dans le halo de la lumière pure du matin, se
dégageait un charme insolite. Infortune des infortunes ! Elle était, en 12 Les vents de la plaine
plus, parée de tous les atouts : un tempérament de feu, l’esprit acéré,
la répartie vive, à damer le pion aux plus grands humoristes du Gharb.
Il se crut prêt à s’offrir une passade, mais il se vit,

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