Les rêves perdus de Leyla
227 pages
Français

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Les rêves perdus de Leyla , livre ebook

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Description

Mais en réalité, il n’y avait pas de bout. Ça ne finissait jamais. Achaque fois, on avait l’impression que ça ne faisait que commencer.C’est pas du tout des conneries du genre ” Guide-nous vers la lumière” ou encore ” que la lumière soit ! “, C’est juste un jeu d’ombres et delumières. Une ombre a drapé le monde suite à toute cette conneriede rêves brisés, et depuis, les lueurs constituent pour nous autres,rêveurs survivants, une sorte de jeu de piste, qui, peut-être, ne mènenulle part, mais au moins, donne un avatar de sens à ce quis’accroche encore dans ce monde fêlé._ Mohamed Harmel, Les Rêves Perdus de Leyla

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2020
Nombre de lectures 3
EAN13 9789938074345
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ROMAN
ARABESQUES
Deuxième édition 2020
1Livre: Les rêves perdus de Leyla
Auteur: Mohamed Harmel
Conception graphique et illustrations: Bader Klidi
Mise en page: Leyla Bennani
Première édition : Arabesques 2016
Deuxième édition: Arabesques 2020
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation
réservés à l’éditeur: ARABESQUES EDITIONS
ISBN: 978-9938-07-434-5
33, rue Lénine-Tunis 1000
www.editions-arabesques.tn
editionsarabesques.tunis@gmail.com
2À tous les êtres disparus qui continuent à nous
hanter tendrement.
34I
FOOTING NOCTURNE
« Tout cela c’était hier, et hier est un rêve qui ne
revient jamais  ; quant à aujourd’hui, la femme dont
s’est épris mon cœur est partie pour une terre lointaine,
déserte, abandonnée et glacée appelée pays du vide et de
l’oubli. »
Gibran Khalil Gibran, extrait de Avant le suicide –
recueil : « Les tempêtes »
561- King
Stephen King reprenait souvent ce slogan dans sa
saga de la Tour Sombre : Le monde avait changé. Il ne nous
disait pas vraiment pour quelle raison le monde avait
fchtrement changé, mais on avait l’impression qu’un équilibre
avait soudain été rompu, et que les choses se précipitaient
de manière irréversible vers un état de désolation.
Cette rengaine sonne vraiment bien. Fichtrement
bien, d’ailleurs. Elle colle à la perfection à ce que je suis
en train de vivre. Peut-être à ce que nous sommes en train
de vivre. Le monde dans lequel je vis a fchtrement
changé ces derniers temps. Le monde s’est fêlé. Quelque chose
s’est fêlé dans ce monde. Cette fêlure sourdait déjà dans
l’atmosphère depuis un moment, elle se préparait sans
bruit, certains indices avant-coureurs l’annonçaient déjà.
Mais c’est seulement à partir de cette nuit que j’ai
réellement senti cette fêlure. C’est à partir de cette nuit que
j’ai commencé à ressentir l’impact de la fameuse phrase
de King. La voix s’est mise à la chuchoter dans ma tête,
et elle résonnait, en caractères italiques, de toute sa
puissance, tandis que je visualisais, en frissonnant, le Pistolero
7qui errait avec son couvre-chef de cow-boy de la fn des
temps et son visage mal rasé, à travers les landes désertes.
Le monde avait changé.
82- Too much love will kill you
Cette nuit-là, j’étais sorti faire un footing à neuf
heures et demie du soir. Il était un peu tard. J’avais
traîné un peu après la sortie du bureau. J’avais fni à huit
heures. Deux heures plus tard que l’heure réglementaire.
Mais en architecture, quand on respecte les horaires
« réglementaires », c’est comme arriver très tard le matin
et s’arranger pour fnir plus tôt le soir, ce qui équivaut
à manquer de sérieux au travail, d’engagement pour la
cause de l’architecture : les horaires réglementaires, c’est
juste pour la forme, seulement parce qu’on est obligé de
fxer des limites quantitatives dans une journée censée se
composer de vingt-quatre-heures. En vérité, il n’y en a
pas. On fnit seulement quand on a fni… Donc, en gros :
jamais. Même quand on a fni au bureau, on ramène avec
soi le travail que l’on poursuit indéfniment chez soi…
Bon, j’étais rentré crevé, comme d’habitude. Avec la
sensation d’être un moins que rien dans mon domaine,
comme d’habitude. Mais je ne voulais pas rater mon
footing. Et je m’eforçais d’ailleurs, ces derniers temps, d’être
régulier le plus possible.
9C’était le début de l’hiver. Il commençait à cailler.
Mais, généralement, une fois engagé dans la course,
l’exercice réchaufait mon corps et m’immunisait contre
l’impact du froid. J’avais encore des plans à fnir et à
rendre le lendemain, mais il fallait que je décroche un
peu et que je me vide la tête par une bonne course….
Il paraît que je suis architecte. Du moins si l’on
considère que l’être est la suite logique d’une série d’années
passées à l’école d’archi. En réalité, je ne le suis pas
encore vraiment. C’est que je suis encore étudiant stagiaire
en architecture : cela veut dire que j’ai purgé mes cinq
années ofcielles avec plus ou moins de succès et que
j’entame mes huit mois de stage professionnel dans un
bureau, avec plus ou moins de galère. En gros, cela
revient à dire que je suis exploité et paumé professionnel.
Quand j’ai achevé le mémoire de cinquième année, j’ai
traîné un peu avant d’intégrer un bureau. Le pied ! J’avais
beaucoup de temps libre. Je dormais plutôt bien et j’avais
trouvé le temps de m’inscrire dans une salle de gym pour
pratiquer régulièrement du sport. Mais depuis que je suis
pris en otage au bureau, c’est un tout autre rythme qui
s’est imposé à moi. Ca commence à huit heures et ça
fnit… euh jamais. (Bon, le seul avantage, c’est que ce n’est
pas loin de chez moi) Du coup, je trouve de moins en
moins le temps de faire du sport. (Après m’être rendu
compte que j’avais ofert un mois gratuit tous frais payés
au propriétaire de la salle, je ne me suis plus réinscrit.)
Très souvent, ma journée de travail habituelle se termine
à dix-neuf heures, et quand je rentre chez moi, j’avale
mon dîner, presque machinalement, sans le savourer, les
visages autoritaires et antipathiques de mes supérieurs
hiérarchiques insistant lourdement dans ma tête avec
leurs plaisanteries de mauvais goût en guise de rengaine.
10Du coup, je n’ai plus qu’une seule envie : m’allonger et
regarder un flm, ou lire un bouquin jusqu’à m’endormir…
Mais hélas ! Je dois résister à ces douces tentations pour
fnir les plans entamés au bureau, et dans le cas où je
succombe, programmer mon réveil à onze heures et
entamer de longues veillées architecturales. Mauvais rythme,
mauvaise hygiène, je ne pouvais continuer à me voiler la
face : ces derniers temps, je me suis rendu compte que je
prenais du poids, la graisse commençait à s’accumuler au
niveau du ventre (facteur génétique aggravant) et j’étais
bien parti pour ressembler à mon modèle de cauchemar
physique : le fonctionnaire mal foutu avec un gros bide !
Alors, j’ai décidé de prendre les choses en main ! Bien
en main ! J’ai décidé de me ressaisir : je me suis arrangé,
malgré mon planning chargé, pour me réinscrire en salle,
et je me suis eforcé de faire régulièrement du footing au
rythme de trois fois par semaine, bien que je rentre
complètement claqué du boulot.
Bref, je sortis pour faire mon footing. Je traversai
Marsa Plage en marchant, et commençai à courir au
niveau de l’allée où les Diar Touta et les grillages du
palais Essaâda se font face. J’avais pris mon iPod avec
moi. C’était agréable d’écouter de la musique en courant
dans la nuit. D’ailleurs, sans musique, je ne pouvais
jamais tenir très longtemps : n’ayant d’autre choix que de
me focaliser sur la fatigue, celle-ci me submergeait, et je
m’ennuyais rapidement. J’avais téléchargé dans mon iPod
l’album Made In Heaven de Queen et Youthanasia de
Megadeth. Deux styles de musique qui n’avaient rien à
voir l’un avec l’autre, mais je les aimais bien tous les deux.
Chaque groupe était grandiose sur son propre terrain. A
cette période, j’étais plutôt branché Queen. Mes baskets
martelaient le trottoir d’une cadence régulière, tandis
11que la voix mélodieuse et déchirante de Freddy
Mercury scandait avec passion « Tis could be heaven for every
one ». Le paradis pour tout un chacun, ce serait tellement
merveilleux ! Seulement, la vie, ça ne marche jamais de
cette manière… Peu importent les paroles, la musique
était vraiment belle. En écoutant le rock anglais ou
américain, j’avais pris l’habitude d’apprécier la musique en
me dispensant d’en saisir les paroles. Mauvaise habitude
peut-être. Mais ne sommes-nous pas souvent
profondément bouleversés par des chansons sans forcément en
comprendre les paroles ? Il faudrait toutefois envisager
le cas où les paroles sont vraiment de la merda d’artista
en boîtes, alors que l’on est là à les chanter joyeusement,
comme des cons, en appréciant sacrément la musique…
Cela doit nous arriver souvent avec quelques tubes pop.
Mais si la musique est bonne, alors c’est que les paroles
doivent forcément être bonnes, voilà ce que l’on pense
quand on chante bêtement avec la musique. C’est comme
ça qu’on ressent les choses, c’est tout.
*****
Je dépassai le premier rond-point et me dirigeai vers
le second, qui distribuait les routes vers Carthage
Présidence tout droit, et à gauche, à partir d’une bifurcation,
vers Sidi Bou Saïd et Sidi Dhrif. Queen résonnait dans
mes oreilles au rythme mesuré de ma course. Quelques
rares voitures traversaient la route de temps à autre,
encore humide de la pluie du matin. Les pensées se
succédaient dans ma tête sans aucune logique, allant de la
solitude du paysage urbain nocturne, en passant par «
Quelle putain de sacrée bonne musique il compose, ce
Freddy Mercury ! », jusqu’à ma rupture, il y avait un mois
de cela avec mon « ex », et la trajectoire incertaine de
12ma carrière professionnelle. Je venais de dépasser le
deuxième rond-point. Pris entre la musique et le fot de mes
réfexions, je n’avais pas senti la distance parcourue.
Je m’engageai sur la route de Sidi Bou Saïd. J’avais
l’habitude de choisir soit celle de Présidence, qui longe
les champs d’un côté et la grande mosquée de l’autre, ou
celle de Sidi Dhrif, pour accéder à l’entrée principale d’un
parc équipé de ce qui pourrait ressembler à un parcours
de santé. Mais, d’une part, les lumières de celui-ci étaient
éteintes, étant donné l’heure tardive, et d’autre part, du
côté de la mosquée, des chiens errants pouvaient surgir
des fourrés à n’importe quel moment et se mettre à ma
poursuite. Cela m’était déjà arrivé une fois. Mon footing
paisible avait alors basculé en chasse à l’homme. Depuis,
je ne m’y aventurais plus, une fois la nuit tombée. Ce n’est
pas très drôle de courir avec un chien à ses trousses.
*****
En dépassant l’Ipest (Institut Préparatoire aux
Etudes Scientifques, ou ‘prépa’, comme on dit), je jetai
un œil à ma montre. Il était neuf heures cinquante. Cela
faisait à peu près vingt minutes que j’avais commencé la
course. Et je n’

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