Les nuits et les soleils de Lisette
212 pages
Français

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Les nuits et les soleils de Lisette , livre ebook

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Description

... « Triste et seule, la petite Lisette Pfiffer, avec ses yeux de ciel gris.


Triste à mourir et égarée mais bien décidée à en finir avec cette famille où elle avait été placée par l’Assistance publique. Elle ignore ce que sera son avenir, mais elle a la ferme conviction que toutes les routes la mèneront à un meilleur demain... »


Une histoire qui a débuté quelque part dans le département de l’Ain, au siècle dernier. Ce témoignage a été enrichi de fiction. L’auteure, avec lucidité et empathie pour l’héroïne révèle un personnage complexe, en quête de l’impossible. Une analyse réaliste qui n’est pas sans émouvoir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414447671
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-41171-9

© Edilivre, 2020
Exergue
J’ai fini par comprendre exactement ce que je ressens. Ce n’est pas que je désire disparaître. C’est plutôt que mon âme aspire à rejoindre sa non-existence antérieure. Je suis nostalgique du temps où je n’étais pas encore là.
L’état paisible du « non-être » plutôt que le confus « cesser d’être ».
D’après Joumana Haddad (Le livre des reines)
I
J’ai l’impression de m’raconter une histoire quand j’regarde derrière moi.
Elle est presque invraisemblable tant elle est chargée.
Il en aurait fallu moins pour produire ce que je suis.
Mes pensées sont tellement lourdes que j’ai du mal à les soulever.
On a beau m’arracher à mes parents et m’faire élever par des mères-secours, moi je les appelle comme ça, on me purgera pas du sang que la vie m’a transmis. Je resterai la fille de mon père et de ma mère ! J’ai la tête bourrée de pensées qui se heurtent aux parois de mon crâne dans une confusion… Impossible d’y mettre de l’ordre.
Est-ce que les autres enfants savent ce qu’ils veulent, où ils vont ? Moi, j’ai perdu le nord parce que j’me sens tellement seule et quand on est seul, on est encore plus seul !
Entre le vide du présent et le trop plein du passé, mon cœur balance.
Mais au moment où j’vous parle, il m’faut soit choisir ma route, soit m’laisser projeter dessus.
C’était la force de gravité qui attachait Lisette au monde, elle avait perdu l’horizon, elle avait juste un rêve, plus tard, je voudrais porter un manteau de fourrure et marcher au bras d’un Américain.
La lune échancrée jetait sur la route qui conduisait au centre du village une lumière pâlotte.
Sur les marches en bois d’une vieille grange oubliée, branlante, était assise une fillette menue, aux cheveux longs et blonds en bataille, une robe à fleurs un peu juste pour elle, des socquettes rayées dans des sandales de couleur indéfinie et un cartable posé contre une jambe.
Elle pleurait. En silence, en boule.
Puis, pour quelle raison, ses larmes sont devenues si abondantes qu’elles coulaient jusqu’aux coudes. Comment peut-on avoir autant de sanglots dans le corps ?
Pleurer. Impulsion irrésistible. Instinct de survie. Réaction momentanée contre tout ce que son corps avait absorbé de nauséeux qui l’avait poussée vers la liberté !
Elle s’essuyait avec le bord de sa robe qu’elle tordait nerveusement d’une main, elle reniflait, inspirait bruyamment en serrant le torse contre ses genoux.
Triste et seule, la petite Lisette Pfiffer avec ses yeux de ciel gris !
Triste à mourir et égarée, mais bien décidée à en finir avec cette famille où elle avait été placée par l’Assistance publique. Elle ignore ce que sera son avenir. Mais elle a la ferme conviction que toutes les routes la mèneront à un meilleur demain.
Depuis un certain temps, solitaire dans la cour de récréation, elle cherchait dans le feuillage des marronniers des idées pour s’échapper de ces jours qui respiraient son souffle et buvaient sa vie. Ce qu’elle cherchait ? Le temps d’avant peut-être, celui où tout lui semblait encore possible. Un lieu où il n’y aurait que le présent dans une famille, manger, dormir, jouer, ce que veulent tous les enfants…
Elle a fugué.
Elle l’avait convenu avec elle-même hier, sur le chemin de l’école.
Elle n’a que 10 ans, Lisette.
Cet après-midi, elle a quitté la maison, comme d’habitude pour se rendre à l’école qui n’est pas très loin. Au lieu de franchir le portail, d’un pas tranquille, naturel en apparence, elle a continué son chemin sans un regard pour tout ce qui se passait autour, tirée par une force nouvelle.
Elle savait parfaitement qu’on serait bientôt à ses trousses.
Mais il lui fallait marcher, marcher, avec courage, patience et entêtement, avancer, jusqu’au dernier souffle, puisqu’aller de l’avant c’était vivre et sa situation qu’elle considérait misérable ne pouvait que s’améliorer.
II
J’appartiens pas à ces gens. J’veux rien, j’ai pas besoin d’eux. J’ai rien à faire chez eux, il fallait que je me tire, les coups, à d’autres, j’en ai assez, assez ! J’sais pas ce que je vais chercher, ce que j’attends, où je veux aboutir exactement, mais j’veux plus les voir, ils sont pas gentils avec moi, le père Machin, un vrai rapiat, m’a même frappée parce que j’avais peur des vaches et que j’refusais d’aller leur donner le foin. On m’a appris qu’à obéir !
Personne à qui me plaindre, alors il m’restait qu’à m’tirer de cet enfer !
C’est le bruit des bombes et tous ces gens qui se sont mêlés de nos affaires avec trop de mots, y a toujours trop de mots dans le monde des adultes, marginalisation, inadaptation sociale, protection de l’enfance, vagabondage, délinquance… C’est tout ça qui a creusé un trou dans la tête de ma mère par lequel s’est envolée toute sa raison !
Incapable de nous élever , qu’ils ont dit.
Une méchante conviction de qui cherche davantage à se convaincre qu’à convaincre ?
Ils avaient quand même pas complètement tort, j’reconnais, avec la vache enragée que j’ai bouffée, j’étais souvent dans le rouge, j’ai accumulé les conneries avec mon frère, sauf quand j’étais à l’école, parce que j’aime bien l’école, moi.
Eternellement sur la défensive, je riposte avec violence avec des mots grossiers. C’est à force de comprimer des sentiments en moi que je suis devenue une fille étrange, tantôt douce, tantôt rebelle et dure. Il me semble que j’ai pas toujours été comme ça, peut-être que les gens changent selon qu’ils sont avec la chance ou la malchance.
J’fais les cornes au grand chamboulement qu’a connu ma famille !
Mais regardez les adultes qui m’entourent, ils valent mieux ? Ceux qui balancent des bombes et mettent les gens dans la rue, ou font vivre des familles dans des taudis, sans chauffage, sans avoir de quoi manger et les pères qui se disent chefs de famille mais qui, en fait, pensent juste à leur plaisir en faisant des gosses qu’ils abandonnent ensuite comme des restes de repas qu’on fout à la poubelle !
C’est François qui parlait comme ça.
Alors où elle est la morale de tous ces alcooliques, ces violents, ces idiots qui n’en ont rien à faire des gamins.
Autour de moi, à l’Assistance, c’étaient que des jeunes à problèmes ; mais moi, j’ai du courage, le courage de pas leur ressembler, les crachats, les mots qui t’abîment et qui s’effacent plus jamais, les enfants des gens comme il faut qui t’évitent, plus jamais !
J’porte en moi des malheurs que les fillettes de mon âge ne devraient pas connaître, mais aussi des envies de cinéma, le goûts des esquimaux piqués au Casino, suçotés au bord de la rivière à côté de mon frère, le goût de la première cigarette sous le porche de l’église… Humm, y avait que ça, qui valait vraiment le coup, dans ma vie de merde.
Oh là, là, j’gamberge tellement que j’arrive même plus à m’entendre penser. J’ai juste envie de prendre par la main la petite que je suis, abîmée par l’abandon de ses parents et lui dire qu’elle a toute la vie devant elle, qu’elle doit y croire. Qu’elle va se débrouiller toute seule, qu’elle va bien trouver quelqu’un qui sera à la fois son père, sa mère, ses frères, ça doit bien exister quelque part !
Je dois avouer qu’en ce moment précis, j’ai pas de rêve exceptionnel, rien qui me vienne en matière d’avenir, aucune ambition, là où j’me trouve, juste me tirer de la prison où on m’a mise !
C’est l’heure où chacun rentre chez soi, dans sa maison. Moi j’en ai pas. J’ai plus ni père, ni mère, ni frères, ni sœur, pas de chambre, pas de village, j’suis seulement d’ici, en ce moment, tout à l’heure, demain je serai d’ailleurs, avec le nom qu’on m’a donné, Lisette Pfiffer et le sang de cette famille perdue.
J’voudrais pouvoir me confier à quelqu’un, mais on m’oblige à taire cette dure réalité comme si elle m’était prédestinée, il n’empêche que les faits, effacés juste en surface, demeurent.
Alors, j’divague, je sais que j’parle à personne, ma tête dit ça quand même. Ça m’fait du bien, quand j’pense, j’ai l’impression que ce que j’ai dans la tête va arriver, en plus, je retrouve une liberté qui m’est volée chaque jour par le monde qui m’entoure. Personne, peut m’empêcher de penser ce que je veux, vous entendez ? Personne !
Et puis après ?
Rien.
J’suis assise sur tout ce que j’ai laissé derrière et j’attends qu’une chose, que ça change, vite. J’voudrais pousser les jours, accélérer le temps. Grandir pour gagner la liberté.
La malédiction qui jette les enfants comme moi dans la rue est un passage qu’ils vivent avant d’être morts. Entre ces deux extrêmes, il doit y avoir du bon ! Le temps s’écoule pas pour rien !
En fuite, j’ai marché au milieu des voitures, sur la voie ferrée, sur les rails rouillés, j’ai marché, j’ai couru, j’me suis retournée, j’ai entendu des pas dans mon dos, quelqu’un me suivre. J’ai couru, sauté, en shootant dans tout ce qui dépassait du sol, cachant ma tronche sous le chandail que j’me suis mise dessus, on sait jamais quand j’traverse des zones de lumière.
Une bonne partie de la nuit s’est écoulée, j’marche toujours, sans trop savoir où aller, sans savoir ce que je cherche exactement, un bus, un train, qui m’éloigne de cette ville au plus vite. J’marche pour pas dormir, pour rester en vie.
Mon frère m’attend, quelque part, où est-ce qu’on l’a placé, lui ? Il est quelque part, pas loin, des chances qu’il soit à Solens.
Je suis fatiguée. J’ai trouvé un coin où m’asseoir .
La nuit est claire malgré des nuages lourds qui s’amoncellent, là-bas à droite. Un oiseau de nuit crie. Un froissement de bête nocturne, une souris ?
J’suis comme ces chiens errants en quête de nourriture, ils m’font peur. J’appréhende d’entendre la phrase , mais qui tu es, qu’est-ce que tu

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