LES NOUVELLES DU CHẬTEAU D’EAU
126 pages
Français

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LES NOUVELLES DU CHẬTEAU D’EAU , livre ebook

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Description

Ce recueil de nouvelles met en lumière les réalités récurrentes socio-politiques de la République du « CHÂTEAU D'EAU » qui se trouve en proie à des manifestations violentes, aux bavures policières et les affrontements inter-ethniques. Une situation qui conduit le pays dont il décrit dans la fragilisation du tissu social et de l'unité nationale. Dans cet ouvrage, l'auteur peint en filigrane, les maux qui maintiennent la République du « CHÂTEAU D'EAU » dans le paupérisme et la misère endémique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2022
Nombre de lectures 21
EAN13 9782492294242
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES NOUVELLES DU CHTEAU D’EAU
Recueil de nouvelles1Les nouvelles du château d’eau
LES NOUVELLES DU CHTEAU D’EAUSILEY KOUROUMA
2Les nouvelles du château d’eau
Les EditionsPlum’1spirées Tous droits réservés Siège social :Dixinn, Camayenne,Conakry, République de GuinéeE-mail : les1sinspirees@gmail.comTel :(224) 621 997 437/661245414 ISBN : 978-2-492294-24-2 Dépôt légal : 2022 3Les nouvelles du château d’eau
A mon oncle Mory Camara (mort en 2008) A mon oncle Solomane Fakouraba Kourouma (mort en 2015) A mon père Lancinè Kourouma (mort en 2015) A ma mère Sarangbè Camara
4Les nouvelles du château d’eau
I-LE DERNIER SABLE DE SIMBO Sous le soleil haut dans le ciel ce matin, Bouna s’était réveillé après une grâce matinée. Il prit un plat de patates grillées et but abondamment de l'eau fraîche comme repas du matin et alla par hasard à la place publique de Gbougoulin, un village réputé exceptionnellement dans la sorcellerie et les fétiches les plus craints et rares qu’on puisse imaginer. Là-bas, il y a un gigantesque baobab au tronc creux datant de plusieurs générations qui est aussi l’arbre sacré du village auquel doit même l’existencede ce village mythique et mystérieux. Le royaume des redoutables sorciers et féticheurs. Et tout près, une case servant d’abri aux fétiches et de lieu d’autel. Depuis la ville de la savane, il avait la curiosité sans nom de porter ses yeux sceptiques de citadin sur ce lieu bien réel où se trouve le gardien des lieux de culte qui reçoit les visiteurs et autres sur une banquette en bambou installée devant la case. Fier de son rôle honorifique, immense et complexe, celui-ci croque les noix de cola et prend lespincées de tabac et il est à vue d'œil, identifiable dans son accoutrement singulier, unique et extraordinaire. En tant que chef coutumier, il est la boussole de la population pour la conservation destraditions ancestrales d’alors.Bouna avait amené avec lui un coq tout blanc et un tas de colas (rouges et blancs) comme d’usage pour la visite de courtoisie aux mânes des lieux afin d’avoir leur grande ombre protectrice de tous les jours. Le jeune homme fut chaleureusement accueilli par le gardien Cekpa-Cekpa. Pas question de décliner le motif de sa venue car ses échos étaient déjà aux quatre coins du village. Toutes les lèvres en parlaient à tous les instants et à toutes les retrouvailles. Et d’ailleurs, son sobriquet «L’Homme de l’eau» n’est pas gratuit pour s’ériger incontestablement au-dessus de tous les féticheurs et sorciers de Gbougoulin et ses environs. Cet homme fait les consultations à l'aide des incantations avec une 5Les nouvelles du château d’eau
calebasse d’eau. Alors, contemple-t-il l’avenir de ses visiteurs dans ce liquide transparent dans la calebasse comme une vidéo en blanc et noir. Tout se passe avec exactitude sous ses yeux. L’année se déroule telle une bande de cassette dans tous les moindres détails des évènements majeurs de la contrée et d'autres d’à côté. L’avenir d’un tel citoyen lambda à l’aide des fétiches a la chancein extremisde varier ou d’atténuer le cours du destin malheureux en un qui est plus sollicité, souhaité. Bouna, lui, était venu lui annoncer sa présence dans le village, seulement. Pas pour se faire consulter à travers le liquide en calebasse ou savoir sa chiromancie. Tout se passe très bien en se faisant la connaissance entre les deux. Il s'apprêta à partir. Le jeune homme avait déjà sa main dans celle du féticheur en signe d’au revoir quand ce dernier lui prédit : « Toi, ta vie prendra un nouvel envol », dans une formule énigmatique. Ni plus ni moins, son hôte lui tourna le dos en marmonnant des invocations magiques. «L'Homme de l’eau» disparut en évoquant des incantations, derrière la case mythique, avec le coq blanc et des colas… Il resta figé comme une statue, perplexe et silencieux. Des questions titanesques passaient et repassaient dans la cervelle du jeune citadin. N'en savait rien, il reprit le chemin de la maison. Chemin faisant, Bouna avait hâte d’aller en parler à son oncle Brahima, son confident, qui était undonzo, un héritage de leurs ancêtres depuis les temps passés inaperçus chez les historiens, qui avaient été les grands chasseurs-féticheurs réputés et craints dans toute la contrée. Plusieurs générations étaient d'ailleurs témoins de cela. Sa mère ne cessait de lui narrer tout ça. C'est ainsi que son oncle avait eu cette place méritée de la présidence de cette confrérie des chasseurs et guérisseurs de nombreuses localités. Soudainement, le jeune homme se heurta à un passant. Chacun s'en s’excusa. Bouna pressentit sa culpabilité davantage parce que l’autre en face était un adulte d’âge mûr qui le dévorait tout d’yeux en lui acquiesçant d'un signe de tête avec un sourire sur le visage. Son interlocuteur partit donc d'une voix imposante : « Tu es le 6Les nouvelles du château d’eau
portrait craché du sergent Kouloufingdjan, mon frère d’arme dans l’armée coloniale française. Le héros parmi les héros d’une époque... L'homme s'est couché à jamais. Plutôt, il a rejoint la terre de nos ancêtres.» Je suis bien son dernier fils, monsieur, et j’avais quatre ans quand mon papa s'en alla. Ainsi, ils se saluèrent tels qu’un fils et son père adoptif. Les bandes du passé de l’un au village et de l’autre en villeavaient été déroulées cordialement, fièrement par les mémoires. Le sergent Safran parla longuement de son défunt compagnon d’arme de fil en aiguille, de leur enfance, de leur circoncision, leur engagement dans l’armée coloniale française dans les années 1950, de leurs différentes mobilisations en Afrique, en Europe et en Asie du Nord et leur retour en héros au pays des ancêtres qui les avaient sauvés dans les différentes opérations de guerre… Répondant à la question sur son arrivée dans son village natal, le jeune homme lança : Hier à minuit…Pardon ? A minuit, reprit-il. Là, Bourna glissait sur une peau de banane parce qu'il n’aurait pas avoué ça à quelqu’un d’autre à part de son oncle Ken Koumah. Ce dernier lui avait fermement défendu de faire « sa bouche comme son menton ». Cela veut dire de ne se confier à personne. Mais, comme un pet insoumis et humiliant, la parole lui avait échappée. Alors, l'odeur était libre d'aller où elle voulait car personne ne pouvait l'arrêter. C’est trop dangereux pour un voyageur nocturne et surtout pour quelqu'un qui est à sa première fois de venir dans ce village, mon fils ! Je ne savais pas, monsieur. Bon... vous voyez donc... Il ne faut pas t'inquiéter, mon fils, ça se gère enfin.
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Je ne devrais pas faire ça...  Tu aurais dû attendre le lendemain au centre-ville de Dougouba. Mais cela sera pour la prochaine fois. Heureusement que ton oncle est un redoutabledonzoayant la voix au chapitre. En outre, tous les sorciers craignent votre famille car ils disent que vos chairs sont amères, simplement ça conduit d'une fraction de seconde au Ciel. Et l'homme est détenteur d’antidotes aussi ! Ne t'en fais pas pour ça. Sergent, vous dites bien des chairs amères! Comment ça? Des personnes que les sorciers ne bouffent pas à cause Oui. des antidotes qui sont dissimulées délicatement, entièrement dans leur corps. À ton avis, qui ose les poisons ? Naturellement, il n'y a pas un candidat suicidaire. C'est une réalité de chez nous, ici. Nos enfants partis à l'école étrangère ou à la ville, actuellement, sont coupés de ces pratiques incontestables. Tu as bien fait de revenir à la source. Ils se donnèrent au revoir et chacun partit sur son chemin. Le sergent Safran lui avait décrit son habitation avec l’indication précise et claire. Grand de taille, l'homme était chauve dans une manière de parler à sa guise sans aucune difficulté, en égrenant une parole après une autre. Brusquement, la fameuse phrase énigmatique vint mettre dans la corbeille l’épisodedu compagnon d’arme de son père qui n’avait connu que par les photos en noir et blanc. «L’Homme de l’eau» avait lu quelque chose en son avenir sans autant éplucher sa formule à lui. «Mon oncle me l’épluchera à la maison », se disait-il avec fierté. Bouna voulait se faire une idée en mettant de l’ordre dans sa pensée en parcourant du berceau jusqu'à la tombe tous ses desseins. « Est-ce que le résultat des concours à l’intégration à la Fonction publique me sera favorable ? Ça encore avec la corruption, le clientélisme et le favoritisme dans la République du Château d'Eau, le jeune homme désespéré comme la plupart
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d'ailleurs de ses compatriotes s’attribuait à une chance égale à une goutte d’eau prise dans l’Océan Atlantique. Cela est ma chance de réussite. Est-ce un mal ou un bonheur va s’abattre impitoyablement sur ma pauvre tête ?» Gbougoulin, un village verrouillé hermétiquement aux éléments venus d’ailleurs, s’enracine à tout prix aux respects sans faillite de ses fétiches, de ses mœurs, de ses traditions, de ses us et de ses masques hérités des Anciens depuis les temps immémoriaux. Ces temps très lointains au cours desquels les enfants heureux jouaient au clair de lune les nuits ou encerclaient les vieillards autour des feux de bois pour écouter des contes. Ces fervents conservateurs purs et durs ne badinent jamais à la métamorphose de l’individu et celle de la société à cause de la destruction complète ainsi des structures primitives et mœurs des ancêtres. Toujours des cases, à la mode, sont les principales habitations. Les femmes pillent hors du village où mortiers et pilons sont soigneusement gardés. Ils ne tolèrent aucune autre maison de culte. Pas une mosquée. Pas une église… Mais plutôt des cases saturées des myriades de grigris pour le bon et le mauvais. Un village propre. Tout se passait dans sa tête ainsi de celui qui foulait la terre des siens après l'avoir quittée depuis vingt-cinq ans. Après la disparition de son père, en compagnie de sa mère, ils étaient allés à la ville où cette brave femme d’une grande prohibée morale avait modifié le cours de leur vie. Sur cette entrefaite, la prédiction de Cekpa-Cekpa « toi, ta vie prendra un nouvel envol » assomma sa mémoire dare-dare. Pas possible de décoder une formule comme telle. Pour lui, l’envol dontCekpa-Cekpa serait une parlait ascendante ou une descendante. Vert ou rouge. Démocrate ou Républicain. Bien ou mal. Gauche ou droite. Bonheur ou malheur. Le jour ou la nuit. La mort ou la vie. Finalement, il s’était rendu compte d’avoir parcouru tout le village de long en large. Le fils du village rencontrait ses confrères et consœurs. Les vieillards, au 9Les nouvelles du château d’eau
crépuscule de leur temps maintenant, se reposaient devant leurs cases. Hommes et femmes revenaient des champs lointains avec des bois morts sur leurs têtes. Ils se saluaient cordialement en prenant tout le temps comme cela est de coutume dans cette société. Les uns et les autres le voyaient comme un simple étranger, un homme venu d'ailleurs, d'une autre planète. Et pourtant, c'est le même sang qui coule dans leurs veines. Tout le monde se connaît au village comme le contenu d’une calebasse.Las, demandant les gens par-ci par-là pour avoir l'indication, ses mocassins tout recouverts de poussière avec l’envie de prendre un bain, il arriva au crépuscule à la maison. Toute la famille l’attendait impatiemment. Sa tante revenue des champs aussi cuisinait maintenant dans une petite case tout près du grenier en face des autres cases servant de logement et la case fétiche. La pauvre femme portait au dos le plus petit des cinq enfants du couple dans une cuisine d’où s’échappait et se dispersait un nuage de fumée. Ses cousins se jetèrent dans ses bras ou s’accrochèrent à lui quand son oncle Brahima sortit de la case et, madame, elle, de sa case tout en fumée. Un seau contenant une décoction fumante l'attendait. Elle avait été préparée par sa tante un peu tôt sous injonction du père de famille ;Simbo, le maître absolu des feuilles, des racines et des écorces. Son oncle avait extrait en revenant des champs plusieurs feuilles de plantes faites en plusieurs petits tas, qui, une fois dans une décoction protège l’homme contre les sorciers et lanceurs de mauvais sorts. Il gardait soigneusement des grigris, des antidotes des fétiches de plusieurs variétés dans une des cases de la concession. Une case spécialement construite et couverte de pailles en tenant compte scrupuleusement des habitudes coutumières. On l’appelait «la case d’homme» parce qu'aucune personne de sexe féminin n’a le droit d'y entrer. Jamais. Aucune femme n'en rêve d'ailleurs. C'est purement et simplement une affaire d'homme.
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