Les histoires de Gabriel
110 pages
Français

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Les histoires de Gabriel , livre ebook

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Description

Gabriel nous raconte par petites anecdotes ses racines andalouses et sa jeunesse sur les routes de l’Afrique du Nord. Il nous entraîne dans une équipée rocambolesque, nous parle de l’âpreté de la vie, des relations au père mais aussi des joies parfois éphémères de ces pionniers oubliés par l’histoire. Ils n’étaient dans le fonds fils de rien, seulement des hommes et des femmes, en quête d’une vie meilleure.



Les histoires de Gabriel sont la somme de petits moments, de souvenirs, entre réalité et fiction, racontés sous la forme d’un récit d’aventure, où le rêve de réussite le dispute à l’amertume de la vie qui passe

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 décembre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414435463
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-43541-8

© Edilivre, 2021
Exergue
A Gaby,
Mon oncle, mon frère, mon ami.
Dédicaces
A mon enfance et à ceux qui l’ont partagée :
Gisèle, Raymonde, Yvette, Gaby, Marie-Hélène, Françoise, Michèle, Mado, Hélène, Nadine, Alain, Olivier, Agnès, Bénédicte.
Fake
Je pense à une terre qui s’étend depuis la mer jusqu’au désert, comme à une ile criante de soleil et des bruits de l’orage qui couve. Le ciel de ma naissance assombrit d’un feu brûlant, allumé aux cœurs des hommes, ce carrefour d’islam et d’Hispanie, aux pieds nus, aux pieds noirs et aux cœurs désunis.
Je pense à quelques uns qui ont fait mon histoire, à celui-là surtout qui me mémoire au fond de l’âme, comme un air de guitare venu d’Andalousie, un cri émergeant du ventre de la terre désolée, un chant qui remonte du fond des âges.
Et puis, il y a les émotions qui reviennent, les parfums qui enveloppent la lumière et se mêlent à l’ombre douce de mon arbre de famille, dressé, exubérant, dans la cour des jeux d’enfants. Ses racines, plantées à flanc d’une colline nommée mamelon , puisent la sève de la terre nourricière. Gorgés de soleil, ses fruits dissimulent sous le vert flamboyant de l’espoir, le rouge sanguinolent des chagrins à venir. Je suis né là, entre l’oued Mékerra et un quartier de soldats, entre un monde nostalgique et un peuple en recherche d’identité. Je suis même né deux fois, dans ma vie naissante, de part et d’autre d’une mer, berceau du monde antique et nouveau, comme un bras d’océan aux allures de lac intérieur.
Pourtant ! Pourtant, tout avait commencé bien avant que je sois, sur un cap jetant ses falaises dans la mer Méditerranée. Tout avait commencé quand la terre s’endormit aux portes d’ Almeria , quand les arbres se turent et les huertas s’abandonnèrent au chiendent et au sable stérile. Il vint alors le temps où les fils s’expatrièrent, où les hommes s’en allèrent vers ces terres promises, vers ces terres soumises, plus loin que l’horizon, au-delà de la mer, plus loin au sud. Spectateurs et acteurs d’un moment de l’histoire, sans penser qu’ils seraient comptables un jour d’une tragédie. Le besoin de survivre les a guidés, la nécessité d’un monde nouveau. Mais, c’est de l’histoire que je n’ai pas vécue.
Ce sont les histoires de Gabriel.
Et les histoires racontées ne sont fidèles qu’à ceux qui les racontent, qu’à ceux qui les reçoivent. En vérité, il n’y a pas de vérité. Seulement des instants vécus hors du temps des historiens, des moments retenus par la mémoire aux sens atteints de myopies. Où que tu puisses être, où que tu sois, braque sur mes souvenirs un regard indulgent. J’ai comblé les manques pour te revivre encore un peu.
*****
A un jet de guitare du pays andalou,
Ils vinrent brûler leurs âmes au soleil de l’Afrique.
Refusant de l’hier la famine et le joug,
Ils arrachèrent au sable des accents nostalgiques.
La fierté d’être un homme portée en bandoulière,
Ils étaient fils de rien mais pères de quelque chose,
Avec au coin de l’œil un éclat de lumière
Et au fond de leur cœur une épine de rose.
Qui ? Qui se souvient de vous, fils et hommes d’Espagne,
Partis le cœur ouvert vers des terres promises ?
Qui ? Qui se rappelle encore le nom de vos compagnes ?
Le vent, quand il s’essouffle et sur la mer se brise…
*****
El Cabo de Gata
Le chemin pierreux s’enfonçait dans le sous-bois, la pente s’accentuait, le cheval avançait d’un pas lourd, glissant par moment sur la roche qui affleurait par endroit. Il tirait un tombereau vide qui cahotait dans un bruit de cerclage métallique écrasant la caillasse. Il n’y avait pas d’ombre, seulement un manteau laiteux qui enveloppait l’air vif d’une journée qui débutait bien avant le levé du soleil. La silhouette d’un homme précédait le convoi. A l’orée du bois, une clairière s’ouvrait embrumée par des fumeroles échappées d’un amas enseveli sous une épaisse couche de terre brune. L’homme arrêta sa progression et le cheval ralentit puis s’immobilisa le naseau frémissant. Il sentit à l’odeur de fumée presque froide que le labeur allait bientôt commencer.
L’homme se dirigea vers le tas fumant et chercha du regard. Puis il s’écria : « Manuel, tu t’es encore endormi ! » Un corps s’agitait sous une couverture, une forme sans visage se redressa. En contrebas dans la vallée, une lueur étirait l’horizon. Le soleil perçait le silence. La torpeur s’effaçait peu à peu et le pépiement des oiseaux éveilla la forêt. Un nouveau jour venait de naître pour Manuel. L’homme poursuivit : « Quand pourra-t-on te faire confiance ? »
Manuel ne répondit pas. Il n’y avait rien à répondre. Il s’était endormi la tête pleine de rêves comme toujours. Pourtant, il avait lutté contre le sommeil qui s’immisçait traîtreusement, en s’efforçant de fixer un point brillant dans le ciel, une étoile plus lumineuse que les autres. Mais l’éclat de l’astre nocturne avait fini par l’envelopper dans un doux cocon de brume et il avait glissé, sans le vouloir, dans une contrée imaginaire. Il savait qu’il ne passerait pas sa vie à élever des tas de bois, les couvrir de terre, allumer un feu continu et contenu pour faire le charbon. Il n’envisageait pas sa vie à se geler des nuits durant en auscultant le silence de la nuit, ses frémissements, ses craquements parfois lugubres, seul, à veiller plusieurs nuits d’affilées sur un monceau de bois fumant, le visage noirci de sueur et de suie, les mains écorchées, pègueuses de résine. Non, il savait qu’une autre vie l’attendait, ailleurs, plus tard, peut-être.
« Tiens, mange ! Après on s’y mettra », l’homme lui tendit un morceau de pain et une croute de fromage que Manuel s’empressa d’avaler. C’était son petit déjeuner habituel quand il veillait la nuit sur el Monte . Ah ! Il aurait bien aimé une soupe, de celle qui chauffait le ventre, avec un bon morceau de lard et des judias pour l’épaissir. Mais, il y avait longtemps qu’il n’y goûtait plus. Le lard avait ranci, les racines et les herbes sauvages remplaçaient les légumes, depuis des mois et des mois.
La lumière croissante redonnait peu à peu des contours nets à toute chose. La pâleur des gris s’estompait pour laisser place à la couleur, d’abord la sépia puis l’oranger se distinguaient. Les nuances de vert jaillissaient du sombre et, enfin, le rouge et le bleu surgissaient. L’air, maintenant tiédi, s’enhardissait de senteurs. Manuel aimait ce moment juste avant l’agitation, comme une renaissance à la vie. Il suivait du regard, depuis le ciel, un rai de lumière effleurant le sommet des collines, dévalant vers la frondaison des arbres puis roulant sur les coteaux pour se perdre dans la plaine. El Monte était, à cet instant, le plus beau lieu du monde. Enfin du monde qu’il connaissait, serti dans la presqu’ile du Cabo de Gata, aux limites du pays andalous. Ce cap, dominé par la Sierra Alhamilla , avançait dans la mer Méditerranée entre Almeria et Mazarron. Parcouru par une arête rocheuse volcanique, le cap, qui abritait des gisements d’agate et d’or au temps de sa gloire passée, n’était plus qu’une terre balayée par le vent et des myriades d’oiseaux, une terre où le sable gagnait inexorablement, et dont, bientôt, il ne resterait plus assez d’arbres pour nourrir le travail. Cela, Manuel le savait. Son père le savait aussi. Mais pour ce dernier, rien ne changerait jamais. «  Carbonero  », il était, charbonnier, il mourrait.
Le Cabo aussi se mourrait. Les mines avaient fermées, les hameaux s’étaient vidés des ouvriers. Seuls subsistaient quelques familles de pêcheurs qui ne ramenaient dans leurs filets qu’une maigre pitance. La terre, gorgée de sable, étouffait les plantations, l’eau du ciel avait cessé de déborder les sources qui s’enfonçaient plus loin dans les entrailles de la sierra en ruisseaux fantômes. L’Andalousie se mourrait depuis le début du dix-neuvième siècle de l’absence de perspectives, de révoltes vaines, de guerres de passage dont elle avait payé le prix. Que de promesses non tenues ! De républiques dévoyées ! De despotes lointains ! Et l’emprise des hidalgos sur la terre ! La province était demeurée en marge de la modernisation, avec une mécanisation avortée, pressant son peuple, le maintenant dans l’illettrisme. Une Andalousie, pétrie de traditions et de croyances mêlées dans un amalgame rétrograde, avait inauguré le siècle. Le déclin était en marche.
Mais Manuel ne savait rien de tout cela. Son univers s’articulait autour d’un concept simple : il y avait les pauvres qui trimaient, c’était sa condition, celle de son père, celle des siens et des autres du Cabo . Et puis, il y avait les riches, les Don , les seigneurs, qui paradaient pendant les férias dans Almeria , revêtus de leurs beaux atours, fiers et droits, sur leurs chevaux à la crinière peignée en nattes et enrubannée, arborant leur blason, offrant au peuple les miettes de leur généreuse attention. La terre et les taureaux, les forêts et les montagnes, les plaines et les rivages, leur appartenaient. Cela avait toujours été et le père le lui avait dit. Il fallait s’en accommoder. Mais, Manuel n’acceptait pas cet arrangement. Il ne pouvait s’empêcher de rêver qu’un autre univers était possible, un autre ordre du monde, ici peut-être pas, mais ailleurs… Cependant, par obéissance, par respect, il n’en disait rien à son père.
Muni d’une pelle, Manuel cassa la croûte de terre brulée pour en extraire le bois carbonisé qu’il versait dans de grands sacs de toile de jute. Fermés par des brins d’alfa tressé, les sacs étaient chargés sur la charrette. La poussière, composée de mille paillettes de cendre, soulevée à chaque pelletée, s’insinuait partout et rendait l’air irrespirable. Mais le c

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