Les Chrysanthèmes de Milan
172 pages
Français

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Les Chrysanthèmes de Milan , livre ebook

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Description

Quand elle retrouve le journal de Mattia, la narratrice plonge dans les brouillards des émotions de deuil, de doute et de délivrance. Au cœur des sentiments humains, elle découvre la vie secrète de sa sœur, une femme à l'histoire peu commune.



Dans Les Chrysanthèmes de Milan, un récit entrelacé et révélateur, nous assistons au basculement du destin de deux familles, les livrant, à tour de rôle, à un chemin parsemé de séparations, de douleurs mais aussi d’espoirs.



Un drame qui porte un regard subjectif sur les liens et secrets de famille, les vies rêvées, l’aventure maternelle et la paternité irréprochable, celle qui, même ne donnant pas la vie, offre inconditionnellement de l’amour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414493692
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-49368-5
 
© Edilivre, 2020
Partie I
1
Ma sœur agonisait.
Elle agonisait déjà quand je retournai à l’hôpital et fus saisie de la curieuse sensation que la mort accordant ses pas aux miens me devançait en course.
Cette impression fut en même temps étrange, à moi qui encore des heures plus tôt ne percevais rien d’alarmant, et paralysante, qu’une fois devant la porte de sa chambre, je me retins de l’ouvrir aussitôt et m’enquérir de sa santé.
Mon père vint me retrouver devant les portes de l’ascenseur qui se désaimantèrent. Cherchant à me rassurer par un geste affectueux ou à cacher les frissons de ses mains, la bouche en huître, il me prit par le bras et me guida vers l’assemblée familiale. Le couloir bourdonnait de chuchotements de mes proches qui dans l’agitation, l’inquiétude et l’impatience enfiévraient l’air.
Mon regard à ce moment fut des plus transparent. J’aperçus des silhouettes et aucune d’elles ne fut nette. Je vis ma mère et allai m’accroupir devant sa chaise. Elle semblait sortir d’un songe quand j’enveloppai de mes mains les siennes, moites et tremblantes.
A la vue de la figure défaite d’Eros, je laissai venir à la mienne l’expression naturelle d’anxiété qui dût la décolorait. A l’écart, son aspect paraissait moins soigné que d’habitude et seyait à l’inquiétude générale. Il me frappa surtout par sa pâleur et mes yeux que je voulus culpabilisants en le cherchant ne l’atteignirent pas : Il n’eut aucun œil pour moi. Le visage blanc et hagard, il n’avait d’yeux pour personne.
2
La chambre plongeait encore dans le noir quand Mattia sentit l’eau lui coulait abondamment d’entre les jambes. Son cœur commença à se contracter dans le sein et elle eut à peine la force de toucher le bras de son époux abandonné sur l’oreiller. Eros n’eut besoin que de cet effleurement pour ouvrir les yeux, alertes, allumer l’abat-jour et comprendre que c’était l’heure.
Elle suivit silencieusement ses mouvements tremblants dissimulées dans la lumière diaphane de ce faux petit matin. Au moment où il souleva le drap, l’aidant à se relever lentement, le souffle sembla leur manquer à tous les deux et il sentit perceptiblement un frisson parcourir ses bras.
Sa couche était maculée de sang cramoisi.
Mattia n’avait ressenti aucune contraction. D’ailleurs, ce n’était pas chose sur laquelle se tromperait une femme à son terme, et la vue de cette tache allant grandissant la fit tressaillir. Pour elle, c’était un lugubre signe. Son mari, désemparé, chercha à l’apaiser sans savoir comment y procéder.
Il lui donna à boire et pendant ce temps qui semblait se suspendre, recala en gestes automates ses mèches collées sur un front perlé de sueur froide.
Ma sœur demeura tétanisée sur ce bout de lit et l’esprit engourdi, le laissa faire. Elle se laissa envelopper dans son peignoir, glisser les pieds dans ses pantoufles, et ne sembla pas écouter les paroles rassurantes qu’il répétait sans conviction.
A ce moment, il n’eut pas souhaité qu’elle quitta la léthargie dans laquelle elle se noyait, la rendant insensible à ce qui l’entourait, pour ne pas remarquer que les expressions peintes sur son visage s’accordèrent mal à celles dites par la langue.
3
A l’hôpital, il fallut attendre que les portes se fermèrent derrière la ruche bourdonnante de blouses blanches pour voir comment le visage de mon beau-frère, tenu difficilement ferme jusque-là, se rembrunit en moins d’un battement de cil.
Il téléphona pour annoncer la nouvelle et tomba après dans son triste silence ininterrompu, rongé par les supplices de l’attente et de l’incertitude.
Mes parents répondirent promptement à l’appel. Ma mère inquiète et agitée, mon père soucieux mais serein faisaient contraste. L’anxiété de ma mère l’habitait, son anxiété à lui le trahissait rarement. Cependant, les deux futurs grands parents appréhendaient au même degré ce moment depuis des mois, sans en parler explicitement.
Personne ne serait indifférent face à une vie qui nait maculée de sang, à la joie qui s’accompagne de cris et de pleurs. Encore moins un parent.
Or, plus que l’émotion, mes parents s’en troublèrent différemment.
J’appris à lire sur les fines rides de leurs visages le doute lorsqu’elles se creusèrent légèrement, et la félicité lorsqu’elles disparurent presque sous un éclat rajeunissant.
Je les observai ces dernières semaines et sus que les vieux fantômes ne les eurent pas complètement abandonnés.
Quant à moi, connaissant son état de santé fragilisé par une grossesse pénible, je souhaitai plus être à ses côtés et la soutenir, que d’assister à une arrivée miraculeuse après des années de mésaventures successives.
Le médecin vint nous annoncer la naissance ardue d’un petit garçon. Il avoua les difficultés rencontrées lors de l’accouchement, les sérieux saignements continus auxquels Mattia fut sujette et qui les mirent tous deux en péril au moment de l’accouchement.
4
Les nuages gris semblaient se dissiper et joyeux nous désirâmes ne plus revenir sur de sinistres détails tant que la maman et son enfant se portèrent bien.
Mon père serra Eros dans ses bras et celui-ci confia dans cette affectueuse étreinte tous ses tourments. Dans celle de sa mère, il recueillit en silence ses chaleureuses félicitations.
On installa Mattia dans une chambre éclatante de blancheur. Lit au centre, sofa et fauteuil écrus en furent le simple ameublement. Tout paraissait calme et paisible, à l’exception des fils reliés au corps de la maman qui rappelaient le tumulte qui avait accompagné cette venue au monde.
Affaiblie dans sa couche, ma sœur revenait progressivement à elle et ne répondit que par sourires aux affections qui l’entouraient. Mais son regard exprima plus qu’une muette joie lorsqu’il fondit dans celui de son mari. Quand l’infirmière apporta le bébé dans son berceau, leurs yeux changèrent d’expression. Ceux de l’un scintillèrent et de l’autre se remplirent de larmes.
Ma mère, envahie par tant d’émotions et dont la mémoire fut extrêmement avivée par les derniers évènements, remarqua malgré elle, au moment où Eros approcha lentement le bébé endormi de sa femme, qu’il fallait immortaliser cette authentique félicité en prenant une photo. Une remarque qui lui valut le coup d’œil sévère que lui décocha mon père qu’elle se mordilla aussitôt les lèvres, perplexe.
S’ils ne répliquèrent pas, les jeunes parents n’en furent pas moins touchés. Mattia, l’air parti, ne dit rien. Elle couvait son fils des yeux et de son index lui caressait en lignes infinies le doux visage surmonté d’un fin duvet. Teint de pêche, paupières fermées, cheveux noirs dépassant de son bonnet beige en coton, le pouce déjà dans la bouche, regarder ce bébé leur fondit le cœur.
L’air sentit l’enjouement et ne souffrit plus qu’on l’interrompe de paroles moins expressives. Personne n’en revenait qu’interminable attente et douloureuses épreuves furent ce jour récompensées joliment.
Leur réalité ressembla plutôt à un rêve, et le rêve fut excessivement berçant pour y croire. On refuse de vivre certains bonheurs de peur qu’ils ne soient mirages, et ce fut dans l’une de ces illusions d’esprit que le spectre de ce presque bonheur s’éloignât aussi vite qu’il apparut.
Le bras tremblant, Mattia nous supplia soudainement de l’aider avant que sa langue ne s’appesantit laissant mourir sa phrase. Comme frappée d’une crise d’épilepsie, tout en sueur, elle blêmit et ses membres convulsèrent.
Eros me tendit le bébé et mon père appuya sur la sonnette d’appel.
5
Réveillée de son attaque première, Mattia ouvrit lentement les yeux, aperçut le vide et comprit qu’elle était en réanimation.
Elle ne se sentit plus reliée à son corps en entier ; aucune sensation dans la partie gauche et sa langue se paralysa par moments.
Les médecins n’eurent plus grand-chose à nous dire. Comme s’ils attendirent à tout moment le coup fatal ou l’épargne miraculeuse du destin.
L’hémorragie sévère est la première cause de mortalité maternelle.
Prêtant mon ouïe aux diagnostics qu’on nous faisait, je notai dans ma tête ces mots qui échappèrent vaguement à ma compréhension. Je ne pus m’empêcher de penser, égoïstement, malgré moi, que tout cela pourrait être reproduit ultérieurement dans une prochaine publication. Car ce que j’appris âprement, donnerait une copieuse matière à exploiter, développer et par laquelle prétendre éclairer d’autres femmes. Pour échapper peut-être à l’ambiance dominante, je cherchai dans ma tête un titre et me vis annoncer dans le mensuel féminin le sujet : « Complications d’après accouchement, nous en parlons… » , ou moins brutalement : « Départ pour la maternité, Tout savoir » .
Pourtant, comment laisser voir que je profitai mentalement d’une situation qui fut le moindrement profitable, alors que dans le vacarme des mots qui nous martelèrent les esprits, nos cœurs ne durent éprouver que de la peine.
Les êtres peuvent être des guitares aux cordages fins, faiblissant et s’affermissant selon les changements d’humeurs et de tons ; dans les malheurs, plus tendus et plus graves, cèdent devant la première tentative d’accordage. Contre la vitre, nous défilâmes avec des visages sans couleur, dans une impression presque funèbre, tantôt dissimulant tantôt révélant notre désespoir.
L’agonie faisait régner un silence de cimetière, si l’on ne prêtait pas attention, volontiers d’ailleurs, aux gémissements des machines connectées à la malade.
Son nez, creusant davantage ses joues pâles, parut plus droit. Son sourire timide et gracieux d’habitude et plus tendre depuis son réveil ne la quitta pas.
Je remarquai combien elle désirait dédier à chacun de nous une pensée, mais

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