Les Âmes soeurs
168 pages
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Les Âmes soeurs , livre ebook

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Description

« L'été de nos fiançailles... Je trouvais la mère d'Elsa très pâle, le regard de son père fuyant, même Isabelle me semblait plus distante. Avais-je fait quelque chose qu'on me reprochait sans mot dire ? Elsa, elle, n'avait pas changé. J'étais fou d'elle. Elle m'aimait. Le monde nous appartenait. » À quel moment notre cœur se met-il à battre ? Et pour qui ? Rien n'est déterminé à l'avance, rien n'est jamais sous contrôle, lorsqu'on parle de sentiments ; hasard, chance, coup de foudre, qui dirige nos cœurs ? Le mystère reste entier. Et si parfois le passé remontait en surface, nous donnait une seconde chance ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 mars 2016
Nombre de lectures 8
EAN13 9782342049640
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Âmes soeurs
Astrid Yener-Uldry
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Âmes soeurs
 
 
 
À Ahmed, mon âme sœur
 
 
 
La lettre à Marie
 
 
 
J’essayais de retrouver dans un coin de ma mémoire l’adresse de mon copain Arnaud. C’était bien ce quartier, mais sans doute pas la bonne adresse. Rien d’étonnant, je n’ai jamais eu la mémoire des adresses, ni le sens de l’orientation. Ce pâté de maison me rappelait vaguement quelque chose, mais pas ma seule et unique visite chez Arnaud il y a deux semaines à peine, ça, j’en étais certain.
 
Numéro 54, rez-de-chaussée, l’accès n’était pas protégé par un code, étonnant dans une grande ville comme Genève, une entrée sans code.
 
C’était un immeuble plutôt cossu, banlieue aisée, petit bourgeois, la classe quoi, rien à voir avec mon quartier, ma maison. Comment Arnaud pouvait-il s’offrir le luxe d’habiter un si bel endroit ?
 
54, 45, j’avais dû confondre, une fois de plus. Ma mémoire des chiffres semblait s’envoler sitôt passé le seuil de mon bureau. À l’intérieur, j’étais Monsieur Mémoire à qui rien n’échappait, factures, dates, montants, 15 ans de carrière dans la comptabilité, les chiffres n’avaient aucun secret pour moi. À l’extérieur, je passais mon temps à me perdre. Même les numéros de téléphone me semblaient étrangers, hostiles. Je confondais, mélangeais, brassais, me perdais et je passais ma vie à m’excuser des mille quiproquos dont j’étais sans cesse l’origine.
 
Étrange sensation de déjà-vu, cette entrée claire, nette, ces escaliers, ce tapis bordeaux, ces mains courantes en laiton, ces marches de marbre, ces boîtes aux lettres aux tons pastel, quelques jardinières de fleurs, bien entretenues, un charme discret ; j’étais déjà venu ici, il y a longtemps. Je cherchais dans ma mémoire, sans réussir à me rappeler. Le souvenir me semblait étrangement présent, proche, presque sur le bout de ma langue, au bord de mes lèvres, à portée de mots, de murmures, mais il me restait inaccessible, comme un interdit oublié, scellé dans un coin de mon passé.
 
Je m’étais trompé d’immeuble, j’en étais conscient, mais je n’arrivais pas à m’éloigner. Je cherchais quelque chose. Je sentais grandir en moi un malaise, une angoisse naissante. J’étais déjà venu ici. Je n’ai pas la mémoire des lieux, pas la mémoire des noms, ni des visages, la mémoire de rien du tout, mais je reconnaissais cet endroit ; un parfum d’ambiance, une odeur de propre, de cossu, un calme, une douceur presque familière, cette lumière tamisée, non, je ne me trompais pas. C’était un soir de pluie, un soir d’automne, comme ce soir.
 
Quatre ans plus tôt… L’angoisse en moi monta d’un cran, assourdissante, je savais où j’étais, dans quelle entrée, quel immeuble, la maison de Marie. Et si j’allais la croiser, après ces longues années. Je tentais de me raisonner. Marie n’habitait plus ici, et depuis, longtemps.
 
Je me souvenais de ce soir-là, le soir de la lettre à Marie. J’avais bu, plus que de raison, plus que de saison, plus peut-être que jamais de ma vie, moi qui ne bois pas ou presque. Je ne supporte pas l’alcool, ni son goût, ni ses effets sur moi. Je me laisse parfois aller à un petit verre, celui du jour de l’an, de l’anniversaire, du mariage ou de la promotion, celui qu’on ne peut refuser sans paraître impoli.
 
Je le regrette toujours très vite, maux de tête, mal d’estomac, bouche pâteuse pour une simple, petite et unique goutte d’alcool, un geste de courtoisie sans plus. Je n’aime pas l’alcool, il me le rend bien.
 
Ce soir-là, le soir de la lettre à Marie, je m’étais donné du courage, le courage d’écrire, le courage de venir jusqu’ici, de déposer ma lettre dans sa boîte aux lettres, le courage de m’enfuir, une fois de plus, m’enfuir loin d’ici, loin de Marie, loin de cette passion vive et incontrôlable qui me poussait vers elle, vers la folie de cette lettre d’amour qui n’avait pas de raison d’être, si ce n’est de me rendre à la vie, de me rendre à l’espoir, fol espoir pitoyable, noyé dans des vapeurs d’alcool qu’il m’avait fallu des jours pour évacuer.
 
J’étais amoureux, éperdument amoureux de ma belle, si belle collègue de travail. Je n’arrivais plus à me concentrer, ni même à respirer, j’étouffais, toute la journée, à quelques centimètres d’elle, de ses somptueux cheveux roux, de ses épaules fragiles, de ses hanches fines, si prêt du si joli sourire de Marie, yeux bleus, charme insolent de ses vingt-cinq printemps.
 
Je me mourrais d’amour. Je devenais stupide à force d’épier ses moindres gestes, d’attendre un mot, un regard. Et Marie qui ne me voyait jamais. J’étais transparent, fade, insipide. Pour Marie, je n’existais pas.
 
Alors un soir, dans un bar, après avoir rencontré un ancien copain de régiment, échangé quelques banalités, après quelques verres, je m’étais confié, j’avais ouvert mon cœur à cet ami de passage. De verre en verre, l’évidence m’était apparue comme une certitude ; Marie, je devais lui écrire mon amour, ma folle passion et rompre à n’importe quel prix ce miroir d’indifférence qui nous séparait jour après jour.
 
Sur le coin du bar, un papier emprunté au barman, une enveloppe, un mauvais stylo qui crachait son encre au mépris de tous mes efforts pour rendre mes lettres harmonieusement calligraphiées, sensuelles, envoûtantes.
 
J’avais tout déballé dans ma lettre ; mes attentes, mes espoirs, mes envies, mon amour inavoué qui éclatait soudain comme une bulle à la surface de cette eau trop tranquille qui reflétait si bien ma vie, banale à pleurer, accablante.
 
Moi, Marie… Marie, moi, deux mondes que tout semblait opposer.
 
J’avais glissé tous mes espoirs dans sa boîte aux lettres et je m’étais enfui.
 
Marie n’avait jamais mentionné la lettre, pas la moindre allusion, pas la peine, sans doute. Je m’en sentais d’autant plus meurtri. Aucune réponse comme si tout dans ma démarche avait été ridicule, vain, inepte, inadéquat. Voilà le mot exact, ma tentative de délivrance était inadéquate, mon amour, ma tendresse étaient inadéquats, j’étais inadéquat, indigne de son amour, indigne du moindre signe d’intérêt. J’aurai voulu mourir de son silence, de son indifférence.
 
Mais très vite, Marie est sortie de ma vie. Elle a quitté son travail, son appartement. Elle est partie à l’étranger pour se marier. J’avais tout faux. Elle ne m’avait jamais aimé. Je n’avais été qu’un collègue, un ami de travail à qui on se confie un peu les jours de fatigue, les jours de cafard parce qu’on n’a personne d’autre sous la main.
 
Jusqu’au dernier jour, Marie n’avait pas une seule fois évoqué la lettre, ma lettre. J’étais blessé, meurtri, mutilé de ce semblant de dignité qui, je le croyais, m’appartenait encore. Marie avait tout emporté en partant.
 
Les années avaient passé. Je travaillais toujours à la même place. J’avais compris, avec le temps que mon amour pour Marie avait été sans conséquence, sans importance, un amour de grand timide, un peu simple, un peu facile, désuet, inutile. J’avais pris le temps de l’oublier, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. J’avais surmonté mon chagrin, mes angoisses, mon intarissable mal-être, jusqu’à ce soir-là.
 
Je restais là, devant ces boîtes aux lettres, les bras ballants. Non, Marie n’allait pas surgir de l’ascenseur, me sourire, me faire la bise, me prendre dans ses bras en éclatant de rire. Je n’avais pas à trembler de ridicule. Marie n’était plus là.
 
Le malaise pourtant persistait en moi. Quelque chose continuait de me troubler, une sensation, un détail que je ne parvenais pas à retrouver ; « la lettre à Marie, la lettre à Marie ». La tête me tournait.
 
Le regard dans le vide, je n’arrivais pas à me détacher des boîtes aux lettres devant moi, bien alignées, soignées ; par un grain de poussière, pas une tache, pas une étiquette en papier de travers, maintenue par un morceau de papier collant, un nom gribouillé, griffé à même la boîte aux lettres. Non, juste une rangée de noms, de prénoms, de numéros d’appartements, d’étages, sur des plaquettes impeccables, identiques, gravées d’une main experte d’artisan, aucun défaut, aucune fantaisie, le concierge devait y veiller avec grand soin. Tout était trop net, trop propre, trop parfait. Partir, je devais partir, mais je n’y parvenais pas, incapable de faire un pas vers la porte de l’immeuble.
 
J’ai entendu cette même porte s’ouvrir en douceur derrière moi, sans grincer, parfaitement huilée. J’ai senti une présence à mes côtés. Je n’étais pas à ma place dans cette entrée, hébété devant ces boîtes aux lettres, hypnotisé par je ne sais quel sortilège. La personne derrière moi devait déjà tenir en mains son portable, prête au moindre mouvement à appeler de l’aide, le concierge, son mari, une voisine.
 
J’ai tourné la tête. Je l’ai vu, une jeune femme, un sourire radieux sur les lèvres. J’ai pensé ; elle est belle, elle me sourit. Je l’ai trouvée un peu ronde, mais cela lui allait bien, quelques kilos de trop, agréable à regarder malgré tout. J’aime les femmes rondes, là, tout d’un coup, ça me semblait une évidence. Celle-ci avait un regard si doux, tout bleu, presque gris. Quelque chose de serein, de tranquille se dégageait d’elle. Elle m’a salué, d’un « bonsoir » du bout des lèvres. Elle m’a souri à nouveau et s’est dirigée vers sa boîte aux lettres.
 
Elle ne semblait pas étonnée de me trouver songeur, indécis, intimidé comme un petit garçon pris au piège. Elle ne m’a pas paru ni mal à l’aise, ni inquiète de cette présence

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