Le tour du monde d un gamin de Paris
707 pages
Français

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Le tour du monde d'un gamin de Paris , livre ebook

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Description

Louis Boussenard (1847-1910)



"– À moi !... s’écria d’une voix étouffée le timonier sans lâcher la barre, bien qu’il eût le col furieusement étreint par les deux griffes crochues d’un noir.


« À moi !... » hurla-t-il une seconde fois, les yeux blancs, la face violacée, la bouche tordue.


– Tiens bon... Pierre !... On y va !...


Et le timonier Pierre, défaillant, hors d’haleine, aperçoit, comme dans un brouillard, un petit bonhomme sortant on ne sait d’où, qui d’un bond s’élance vers lui.


Le canon d’un revolver frôle son oreille. Le coup part.


L’étreinte du noir se desserre aussitôt. La tête grimaçante, que Pierre ne peut voir, éclate, fracassée par la balle de onze millimètres. Le féroce ennemi qui s’était hissé par la chaîne du gouvernail dégringole dans le fleuve ; un crocodile le happe au passage, et l’entraîne à travers les herbes.


– Merci tout de même, Friquet, dit Pierre en avalant une vaste lampée d’air.


– Y a pas d’quoi, va, mon vieux... à charge de revanche, pas vrai...


« A pas peur !... Y va faire chaud tout à l’heure. »


Friquet disait vrai.


Il faisait doublement et terriblement chaud, sur le pont de la jolie chaloupe à vapeur qui remontait en ce moment, à grand-peine, le cours de l’Ogôoué."



Friquet, débrouillard comme tous les titis parisiens, décide de faire le tour du monde, après avoir lu le livre de Jules Verne : "Le tour du monde en 80 jours". Arrivé en Afrique, il fait la connaissance de ses futurs amis...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 octobre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384421367
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le tour du monde d’un gamin de Paris


Louis Boussenard


Octobre 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-136-7
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1134
Première partie
Les mangeurs d’hommes
I
Terrible bataille sous l’équateur. – Les blancs et les noirs. – On fait connaissance entre des gueules de crocodiles et des mâchoires de cannibales. – Héroïsme d’un gamin de Paris. – Dévouement inutile. – Échec et mat. – À 1200 lieues du faubourg Saint-Antoine. – L’envers de la Case de l’oncle Tom. – Un compatriote maigre et très peu vêtu.

– À moi !... s’écria d’une voix étouffée le timonier sans lâcher la barre, bien qu’il eût le col furieusement étreint par les deux griffes crochues d’un noir.
« À moi !... » hurla-t-il une seconde fois, les yeux blancs, la face violacée, la bouche tordue.
– Tiens bon... Pierre !... On y va !...
Et le timonier Pierre, défaillant, hors d’haleine, aperçoit, comme dans un brouillard, un petit bonhomme sortant on ne sait d’où, qui d’un bond s’élance vers lui.
Le canon d’un revolver frôle son oreille. Le coup part.
L’étreinte du noir se desserre aussitôt. La tête grimaçante, que Pierre ne peut voir, éclate, fracassée par la balle de onze millimètres. Le féroce ennemi qui s’était hissé par la chaîne du gouvernail dégringole dans le fleuve ; un crocodile le happe au passage, et l’entraîne à travers les herbes.
– Merci tout de même, Friquet, dit Pierre en avalant une vaste lampée d’air.
– Y a pas d’quoi, va, mon vieux... à charge de revanche, pas vrai...
« A pas peur !... Y va faire chaud tout à l’heure. »
Friquet disait vrai.
Il faisait doublement et terriblement chaud, sur le pont de la jolie chaloupe à vapeur qui remontait en ce moment, à grand-peine, le cours de l’Ogôoué.
En dépit de l’excellence de sa machine, dont le piston battait comme le pouls d’un fiévreux, l’embarcation avançait lentement au milieu des rapides. Sa cheminée fumait comme celle d’un steamer, l’hélice faisait rage, la vapeur qui mugissait et hoquetait dans les conduits de métal, sifflait sous les soupapes empanachées de buées blanches.
Par neuf degrés de longitude ouest, sous l’équateur, les vingt hommes de l’équipage eussent pu, sans aucun doute, apprécier vivement les bienfaits d’une carafe frappée et d’un éventail. Nul, parmi eux, ne semblait pourtant se préoccuper de ces raffinements de la vie civilisée, dont il était permis de déplorer la privation, sans être pour cela taxé de sybaritisme.
Tous, le chassepot à la main, le revolver à la ceinture, la hache à portée, épiaient avec une sorte de vigilance inquiète les allures de tout un clan de noirs éparpillés des deux côtés du fleuve.
L’enseigne de vaisseau commandant la chaloupe, chargé d’une mission toute pacifique par l’amiral en station navale au Gabon, avait recommandé de ne faire feu qu’à la dernière extrémité.
Malheureusement, les tentatives de conciliation, opérées antérieurement, ayant toutes complètement échoué, il fallait rétrograder ou avancer par force. Reculer est un terme inconnu en marine. C’est pourquoi l’équipage tout entier se tenait à son poste de combat.
On était en plein pays ennemi, au milieu des Osyébas anthropophages, que le regretté marquis de Compiègne, et son intrépide compagnon, Alfred Marche, ont les premiers visités, au milieu de périls inouïs, au commencement de l’année 1874.
La sauvage agression qui avait failli être fatale au timonier Pierre, prouvait que les moyens pacifiques ne réussiraient pas. L’assaillant, victime du coup de revolver, était arrivé sournoisement à la nage, en nombreuse compagnie, à quelques mètres à peine de la chaloupe.
Voyant que jusqu’alors les hommes blancs ne faisaient pas mine de résister, ils avaient cru, dans leur naïveté anthropophagique, à la réussite complète de leur projet. Aussi leur désillusion se traduisit-elle en clameurs furibondes, accompagnées d’une retraite rapide.
Ceux qui étaient à terre, exaspérés de leur déconvenue, ouvrirent un feu violent sur les matelots qui ne se donnèrent même pas la peine de s’abriter derrière le bordage.
Cette salve, exécutée avec les mauvaises patraques de fusils à pierre, fournis par les traitants, n’eut d’autre résultat qu’un peu de fumée, et beaucoup de bruit.
Le jeune commandant, voyant les masses confuses des noirs échelonnés en quantité innombrables dans les lianes et les larges feuilles du rivage, fit charger la légère mitrailleuse placée à l’avant de son bâtiment.
– Tout est paré ? interrogea-t-il d’une voix calme.
– C’est paré, commandant, dit le maître canonnier.
– Ça va bien.
L’aspirant de première classe, faisant fonction de second, était, en ce moment, en colloque animé avec un grand diable de matelot nommé Yvon, qui, insoucieusement appuyé sur son chassepot, regardait venir les noirs.
– Sauf vot’respect, capitaine, c’est donc ces particuliers là qui ont croché not’docteur il y a quinze jours ?
– Je crois, en effet, que ce sont eux.
– Mais, capitaine, comment diable le docteur, un vieux matelot, s’est-y laissé pincer par ces mauvais cabillauds ?
– Il est parti herboriser un jour, puis... il n’est plus revenu. Je n’en sais pas davantage. Maintenant nous allons à sa recherche, un peu à l’aventure.
– Drôle d’idée, pour un homme si savant, de se mettre herboriste, à seule fin de ranger des boutures dans une boîte en fer blanc !...
« Et comme ça, continua Yvon, encouragé par la bienveillance de son chef, tous ces nègres-là sont des mangeurs de « monde » ?
– Hélas ! Oui. J’ai bien peur pour notre pauvre ami.
– Oh ! Y a pas d’danger, capitaine. Voyez-vous, sauf vot’respect, le docteur est si maigre... et puis, il doit être si dur !
L’officier sourit sans répondre à cette boutade.
Cinq minutes à peine s’étaient écoulées. La chaloupe remontait toujours vers les rapides qui mugissaient au loin.
En face, à mille mètres à peine, une ligne noire interceptait la vue. Avec la lorgnette, on distinguait une cinquantaine de pirogues rangées côte à côte, comme les bateaux d’un pont dont le tablier n’est pas encore posé.
Un long câble végétal, amarré à deux arbres, de chaque côté du fleuve, servait à les maintenir en ligne malgré le courant. À droite et à gauche, d’autres barques évoluaient silencieusement, escortant la chaloupe à distance respectueuse.
– Tonnerre à la toile ! Y va grêler dur, grogna un vieux quartier-maître en glissant amoureusement sous sa joue une chique énorme qu’il tira de son béret.
Il y eut tout à coup un grand silence, interrompu seulement par la toux saccadée de la machine.
Puis, comme si tous les singes-hurleurs, tous les hérons-butors, toutes les grenouilles-taureaux du continent africain se fussent donné rendez-vous en cet endroit, éclata la plus épouvantable cacophonie qui ait jamais fait vibrer un tympan humain.
À ce signal, la ligne de pirogues amarrées en avant se brisa, et toutes les embarcations descendirent le courant, pendant que celles qui suivaient formaient en arrière une ligne transversale destinée à couper la retraite à la chaloupe.
Les Européens étaient pris entre deux feux.
– C’est fini de rire, les enfants ! fit le quartier-maître en mâchonnant son tabac.
En un clin d’œil, les blancs sont cernés, tant la manœuvre de l’ennemi est exécutée avec précision.
– Feu ! tonne la voix du commandant.
La chaloupe s’embrase comme un cratère. Au crépitement de la fusillade se mêle le déchirement strident de la mitrailleuse, qui, tirant en éventail, coule trois ou quatre embarcations, et fracasse horriblement les corps de ceux qui les montent.
Pendant que les servants rechargent la pièce, la fusillade continue, serrée, implacable, mortelle. Les eaux qui commencent à rougir, charrient, au milieu des débris de bois, des torses d’ébène, immobiles déjà, ou encore en proie à d’atroces convulsions.
Le cercle se resserre. Les assaillants ripostent à peine. Ils ont le nombre pour eux et veulent prendre la chaloupe à l’abordage. La mitrailleuse tire sans relâche. Les canons des fusils sont brûlants.
On remarque à ce moment, près du commandant, un jeune homme de haute taille, vêtu d’un costume civil, coiffé d’un casque blanc, qui, un fusil à la main, canarde les noirs avec l’aisance d’un vieux soldat.
Le front de l’officier se rembrunit. C’est que la situation se corse.
– Qu’en pensez-vous ? lui dit à voix basse l’homme au casque blanc.
– Ma foi ! Mon cher André, répond l’enseigne, je crains bien d’être forcé de battre en retraite.
– Mais la route est barrée.
– Nous passerons quand même. Ce qui me torture, c’est la pensée que notre pauvre docteur est peut-être là, à deux pas, entendant la bataille, et qu’il sent le salut lui échapper...
Les cris atteignent une intensité inouïe.
Quelques pirogues sont bord à bord avec la chaloupe. Les noirs bateliers s’accrochent des pieds, des mains, des dents, pour escalader les bastingages. De hideuses grappes d’êtres plus repoussants que les quadrumanes des forêts équatoriales se cramponnent de tous côtés.
Les marins s’escriment de la hache, de la baïonnette, de la crosse ; piquant, trouant, martelant, taillant en pleine chair, noirs de poudre, ruisselant de sueur et de sang, courbaturés de carnage.
Impossible de tenir plus longtemps sans être débordés. Il faut virer.
Au moment où le commandant va donner l’ordre au mécanicien, survient un terrible incident.
Le mouvement de l’hélice, entravé par une cause inconnue, cesse tout à coup.
Les plus braves se sentent frémir.
Les cannibales bondissent à la rescousse. Une double surprise les attend. Le sifflet de la machine se met à hurler avec une force inouïe. À ce signal, un énorme jet de vapeur s’échappe transversalement de chaque côté de la coque du bâtiment. Le nuage épais et brûlant les échaude jusqu’au vif et leur fait lâcher prise.
C’est une idée du mécanicien. Elle est excellente et sauve momentanément la situation.
La chaloupe s’en va à la dérive. Il faut précieusement conserver la vapeur qui a rendu les noirs plus circonspects.
Pendant cette mi

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