Le sort particulier de la petite famille Bohuon
179 pages
Français

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Le sort particulier de la petite famille Bohuon , livre ebook

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Description

Dans une toute petite ville de province, la famille Bohuon vit tranquillement dans sa maison. Jean-Marie travaille à l’usine, Gabrielle mère au foyer s’occupe de leur fille unique Sandrine. Un jour, ils apprennent l’existence d’une lointaine grand-tante moribonde qui est à l’hôpital. Et celle-ci ne tarde pas à expirer. Étant les seuls à s’être fait connaître auprès du personnel hospitalier, les Bohuon se voient obligés de régler les funérailles de leurs poches. Avec une paye pour trois, Gabrielle n’est pas certaine de pouvoir faire face.
À l’enterrement, de vagues cousins lui révèlent que la grand-tante avait mis de côté un magot considérable. Puis, ce sont deux mystérieuses femmes à chapeau qui lui confient personnellement savoir où elle le planquait.
Gabrielle ne pouvait se douter que cet été-là allait être particulièrement cocasse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 août 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312124629
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le sort particulier de la petite famille Bohuon
David Bauquet
Le sort particulier de la petite famille Bohuon
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12462-9
Prologue
G ABRIELLE
Quand on est du coin, on ne s’embête pas à dire Cournon - d’Auvergne . La municipalité a été rebaptisée ainsi au début du XX e siècle, pour ne pas être confondue avec le Cournon situé dans le Morbihan. On peut se demander pourquoi on n’a pas appelé ce Cournon-là, Cournon -de- Bretagne . Peu importe au fond. Toujours est-il qu’en Auvergne, on ne risque pas de confondre et qu’on dit Cournon, tout court.
Le mois d’avril de cette année-là avait été exceptionnellement sec. Pas chaud, mais très sec. À Cournon , on n’avait pas tellement de raisons de s’en plaindre, mais les cultivateurs de la région eux tordaient du bec. Chacun voit midi à sa porte, pour Gabrielle Bohuon ce fut une aubaine que chaque tournée de linge eût pu sécher rapidement, et fut repassée dans la même journée. Elle adorait ça : lavé la nuit et séché le matin, repassé et rangé l’après-midi. Et puis bon, il s’était remis à pleuvoir au mois de mai. Les cultivateurs des alentours de Cournon ont retrouvé le sourire, et Gabrielle faisait la gueule. Mais ce n’était pas dans sa nature de faire la tronche uniquement parce que le climat perturbait un cycle de séchage parfait. Le linge allait devoir passer la nuit étendu sur les fils du sous-sol, exposé à la chaleur émise par la chaudière. Il allait lui falloir ne le repasser que le lendemain. Soit . Gabrielle n’avait pas le moral, parce qu’un ciel gris et une pluie fine n’inspirent pas la rigolade. Et surtout parce que la fin du mois allait une fois de plus, être très serrée. Gabrielle gérait habilement sa petite entreprise – c’est ainsi qu’elle appelait sa famille. Femme au foyer, elle et son mari avaient une seule fille, Sandrine , 8 ans cette année. Gabrielle n’avait aucun revenu, mais elle s’occupait elle-même de la maison du sous-sol au grenier, dût-elle se mettre à bricoler. C’est Jean - Marie qui faisait rentrer la monnaie. Elle estimait que son mari faisait un travail suffisamment pénible, pour qu’il n’eût pas à s’occuper des broutilles à la maison. Et elle aimait ça, bricoler. Mais il n’y avait pas que ça à gérer dans sa petite entreprise. Il y avait aussi les finances… C’est elle qui tenait les comptes à jour. Cette fin de mois n’allait pas être folichonne du seul point de vue alimentaire. Patates à toutes les sauces pendant plusieurs jours. Heureusement , Sandrine était un amour de gentillesse, jamais le moindre caprice. Un bouquet de frites dans son assiette sera pour elle comme un jour de fête. Gabrielle aura fait auparavant une purée de pommes de terre. Avec ce qu’il en resterait, le surlendemain elle en fera un hachis parmentier avec du steak haché. Il y avait aussi la solution des patates cuites à l’eau, puis grillées à la poêle avec des œufs cassés dessus. Très efficace. Et quand il n’y aurait plus de pommes de terre dans le filet, eh bien hop ! Pâtes à toutes les sauces les jours suivants. C’était tout de même une chance que Sandrine et Jean - Marie ne furent pas difficiles.
Gabrielle se permettait de faire la gueule seulement lorsqu’elle était seule. Sa vraie nature c’était de plaisanter de tout. Faire l’andouille , comme elle le disait elle-même. Quand Jean-Marie et Sandrine étaient à la maison, elle était toujours à lancer des jeux de mots, à citer des sketchs de Coluche, ou encore à chanter quand un mot lui faisait penser à un couplet. Gabrielle en train de faire la vaisselle, Jean-Marie pouvait parler de n’importe quoi, quel que fut le sujet de son babil il n’avait qu’à dire « Il suffirait… », pour qu’elle embrayât sur : Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins, pour je te dise je t’aiiiimeeeuuu . Elle s’arrêtait de chanter, se retournait et regardait son mari en biais. Jean-Marie faisait un effort de recherche in petto les yeux mi-clos, avant de lancer :
– Serge Reggiani ?
– Bravo mon chéri !
Et Gabrielle de reprendre le nettoyage des assiettes en continuant la chanson : Eeelle eeest jooliiie… Comment peut-il encore lui plaire ? Elle au printemps, lui en hiver … Ce n’est pas qu’elle ne s’intéressait pas à ce que disait son mari, c’est juste qu’il lui fallait sortir ces paroles en mélodie. C’était plus fort qu’elle. Dans ces cas-là, Jean-Marie se grattait l’arrière du crâne en marmonnant : Qu’est-ce que je disais déjà ?
Que Jean-Marie fût enfermé dans les toilettes, si Gabrielle était amenée à passer devant la porte, elle frappait et demandait sur un ton innocent : Qu’est-ce que tu fais ? Et Jean-Marie de ronchonner : Mais que tu es con . Si un jour c’est Gabrielle qui fût aux toilettes et que Jean-Marie voulut la tester en situation inverse, il frappait à la porte, mais aussitôt il l’entendait chanter de l’intérieur : Toc toc toc, qui qu’est là, qui qui frappe à ma porte, est-ce toi la Charlotte , est-ce toi ma bien-aimée…
– Mais c’est quoi cette chanson ?
– Pierre Vassiliu, 1964.
– Ah, mais toi décidément !
Dans sa 43 e année, Gabrielle était encore séduisante avec sa bouille de femme enfant, toujours prête à s’amuser. On lui aurait donné pas plus de 35 ans. D’être active du matin au soir, presque sept jours sur sept, elle gardait la ligne sans le besoin de faire du sport. La plupart du temps, elle portait un ensemble corsage et jupe descendant aux mollets. Elle ne mettait ni chaussettes ni collants. À la maison, elle avait uniquement ses sandales Scholl aux pieds. Ses cheveux châtain foncé, frange sur le front et mi-longs jusqu’aux épaules, étaient parfois tirés en arrière pour former comme elle disait une queue de poney . Elle trouvait qu’ils n’étaient pas assez longs pour se représenter une queue de cheval.
Mais là, elle faisait la gueule seule dans la buanderie, assise à côté du lave-linge en pleine action hebdomadaire. Les yeux dans le vague, le regard tourné vers la fenêtre qui offrait la vision d’un printemps maussade. Elle était dans l’ennui parce qu’un salaire pour trois, ce n’était pas beaucoup. Heureusement qu’elle était astucieuse et pas dépensière, pour que le compte en banque ne fût pas trop dans le rouge les fins de mois. Cela dit, elle ne s’en plaignait pas. Si elle ne travaillait pas, c’était justement pour s’occuper pleinement de sa petite entreprise. Veiller à ce qu’il ne manquât de rien à la maison. Que tout fût nickel dans son foyer, pour que son mari s’y sentît à l’aise les soirs et les week-ends. Pour que leur petite Sandrine s’y sentît heureuse et épanouie. Et ça marchait puisque la gamine se contentait de tout, elle ne réclamait jamais rien. Quant à Jean-Marie, ça le rassurait que Gabrielle eût pris la direction de la petite entreprise . Indépendante de toute obligation salariée et mobile puisqu’elle avait le permis de conduire, elle avait en plus cette capacité de prendre les choses en main spontanément.
Ce mois-ci, il allait être difficile de joindre les deux bouts, mais au moins, Gabrielle avait résolu l’aspect alimentaire. Ce qui la tracassait c’était l’incertitude des mois suivants. Et aussi l’incertitude de ne pas perdre la face. Elle savait faire régner la bonne humeur et le faisait sans effort. Mais seule face à elle-même elle devenait un clown triste. Elle avait peur qu’un jour Sandrine ou même Jean - Marie ne la surprissent ainsi. Elle était la garante d’une atmosphère légère à la maison, elle ne voulait pas leur offrir l’occasion d’une désillusion.
Une autre de ses préoccupations lui faisait songer qu’ils seraient la quatrième année sans partir en vacances. Et elle n’avait toujours pas d’idée pour cet été. Il était hors de question de prendre la route et partir quinze jours. Cela représenterait un surcroît de dépenses qu’ils ne pouvaient se permettre, si elle tenait à ce que sa petite entreprise tournât correctement le reste de l’année. Or , ça la travaillait que Sandrine ne pût se dépayser pendant deux semaines. Pour garder la tête haute, elle voulait la divertir sans partir hors de la région. La distraire vraiment, pour avoir quelque chose à raconter à ses copains et copines lors de la prochaine rentrée. Elle ne voulait pas que sa fille entendît les autres lui raconter avoir été à la mer et rigoler à s’en péter les bretelles, et elle seulement n’avoir à dire aux autres : Moi je ne suis allée nulle part en vacances … Ça la rongeait. Le Pal se trouvait à un peu plus de cent kilomètres d’ici, l’emmener au parc d’attractions voir des animaux pendant toute une journée, était envisageable. Cela représentait son ultime joker, elle n’avait pas trouvé mieux entre ça et le plan d’eau de Cournon , ou la Falaise de Malmouche . On ne manquait pas d’endroits où se tremper les fesses dans la région, mais rien que le fait de s’y rendre à pied n’était pas très grisant.
Elle était donc toute seule chez elle ce matin à broyer du noir, et elle en profitait pour en broyer un maximum, afin de se débarrasser d’un gros bloc. Bercée par le ronron du lave-linge elle en avait marre de cette monotonie. Elle décida d’allumer le petit transistor qui était posé sur le bord de la fenêtre. Il était branché le plus souvent sur Europe n o 1. Le son des grandes ondes crachotait à cause du mauvais temps, tirer l’antenne améliorait à peine son écoute. Ivan Levaï commentait l’actualité avec sa revue de presse, après quoi fut diffusée la chanson du groupe Toto, Africa . Gabrielle soupira. Le chanteur avait beau répéter « I bless the rains down in Africa » (Je bénis les pluies en Afrique), elle ne bénissait pas celle qu’elle voyait à travers sa fenêtre.
C’est alors qu’elle entendit un bruit inhabituel. La buanderie était située au sous-sol à côté du compartiment à chaudière, et le bruit venait de là. Elle s’y dirigea sans appréhension, mais elle se disait qu’un bruit inhabituel dans ce coin pouvait l’amener à appeler le dépanneur. Et qu’au bout du compte, il y aurait une petite facture bien rigolote. Elle al

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