LE Scandale et l incommensurable
170 pages
Français

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Description

L’écriture de ce livre est née de la conviction que la parole humaine détient force de vie et de liaison, mais qu’elle nous sépare aussi de nous-même en médiatisant notre rapport à la concrétude du monde et aux lois de la matière. Au centre de ce paradoxe apparaît le sujet parlant – désirant – qui, tout en utilisant les mots de l’Autre, est tenu d’apprendre à s’exprimer en son propre nom afin de s’insérer dans l’ordre symbolique et d’assumer, selon les mots d’Hervé Bouchard, le « rôle de sa vie ».
À travers la lecture des oeuvres de trois auteurs préoccupés par la question de l’inadéquation de la parole au réel – celles d’Hervé Bouchard, Pierre Perreault et Hector de Saint-Denys Garneau –, cet ouvrage cherche à mettre en lumière « la part de scandale de la parole créatrice », c’est-à-dire l’inévitable aliénation qu’implique cette dernière au coeur même de l’invention. Convoquant les études littéraires, la théorie psychanalytique ainsi que certains éléments de philosophie, on verra que toute velléité de contrôle absolu du déploiement de la parole humaine – incommensurable – se révèle illusoire lorsque l’assujettissement au langage sert d’assise à une réflexion sur notre activité créatrice.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 septembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760644274
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LAURANCE OUELLET TREMBLAY
LE SCANDALE ET L’INCOMMENSURABLE
Engendrement et assujettissement par la parole chez Hervé Bouchard, Pierre Perrault et Hector de Saint-Denys Garneau
Les Presses de l’Université de Montréal




Placée sous la responsabilité du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), la collection «Nouvelles études québécoises» accueille des ouvrages individuels ou collectifs qui témoignent des nouvelles voies de la recherche en études québécoises, principalement dans le domaine littéraire: définition ou élection de nouveaux projets, relecture de classiques, élaboration de perspectives critiques et théoriques nouvelles, questionnement des postulats historiographiques et réaménagement des frontières disciplinaires y cohabitent librement.
Directrice:
Martine-Emmanuelle Lapointe, Université de Montréal
Comité éditorial:
Marie-Andrée Bergeron, Université de Calgary
Daniel Laforest, Université de l’Alberta
Karim Larose, Université de Montréal
Jonathan Livernois, Université Laval
Nathalie Watteyne, Université de Sherbrooke
Comité scientifique:
Bernard Andrès, Université du Québec à Montréal
Patrick Coleman, University of California
Jean-Marie Klinkenberg, Université de Liège
Lucie Robert, Université du Québec à Montréal
Rainier Grutman, Université d’Ottawa
François Dumont, Université Laval
Rachel Killick, University of Leeds
Hans Jürgen Lüsebrinck, Universität des Saarlandes (Saarbrücken)
Michel Biron, Université McGill


Mise en pages: Yolande Martel Mise en pages Epub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Le scandale et l’incommensurable: engendrement et assujettissement par la parole chez Hervé Bouchard, Pierre Perrault et Hector de Saint-Denys Garneau / Laurance Ouellet-Tremblay. Noms: Ouellet Tremblay, Laurance, 1985- auteur. Description: Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210046708 | Canadiana (livre numérique) 20210046716 | ISBN 9782760644250 | ISBN 9782760644267 (PDF) | ISBN 9782760644274 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Bouchard, Hervé, 1963-—Critique et interprétation. | RVM: Perrault, Pierre, 1927-1999—Critique et interprétation. | RVM: Garneau, Saint-Denys, 1912-1943—Critique et interprétation. | RVM: Parole dans la littérature. Classification: LCC PS8131.Q8 O94 2021 | CDD C840.9/9714—dc23 Dépôt légal: 3 e trimestre 2021 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2021 www.pum.umontreal.ca Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).




Je dédie ce livre à Marc-André pour sa générosité sans bornes et son soutien lors des années d’écriture.


INTRODUCTION
Ce que fait la parole
L’écriture de ce livre est née de la conviction que la parole humaine détient force de vie et de liaison, mais qu’elle nous sépare aussi de nous-mêmes en médiatisant notre rapport à la concrétude du monde et aux lois de la matière. Au centre de ce paradoxe entre liaison et division apparaît le sujet parlant – désirant – qui, tout en utilisant les mots de l’A(a)utre, ces signifiants qui ne sont pas les siens, est tenu d’apprendre à parler en son propre nom afin de s’insérer dans l’ordre symbolique et d’assumer ce que je nommerai, à la suite d’Hervé Bouchard, le «rôle de sa vie 1 ». Plus qu’un outil de communication, la parole se posera ici en représentante de la spécificité de notre espèce; bruit de fond et fondement du bruit de la réalité humaine. Instrument permettant l’analyse de notre condition d’êtres vivants, la parole s’offre plus largement comme une manière d’inscrire celle-ci dans le registre du symbolique, révélant à travers cette pulsion de connaissance l’assujettissement au langage central à la condition humaine; sujets parlants, nous sommes d’abord et avant tout parlés par la parole, appelés, engendrés par elle.
C’est une vision indéniablement qualitative du langage et de l’énonciation dont se réclame le parcours de pensée qui est le mien, puisque le déploiement de la parole, infini et immense – est-ce un appel d’air, un cri, une cacophonie? – ne peut s’appréhender dans le détail et le décompte de toutes ses manifestations; cette tâche, en plus d’être titanesque, serait vaine, dans la mesure où «rien n’est jamais fini» ( PA , p. 104), nous apprendra sous peu la veuve Manchée, raconteuse prolixe de Parents et amis sont invités à y assister 2 d’Hervé Bouchard. En ce sens, l’idée d’une transmission indissociable d’un certain mouvement d’appel guidera ma réflexion afin de toujours garder au premier plan de la pensée le maillage dans lequel s’inscrit toute parole – l’ à-rebours et l’ à-venir de son énonciation. C’est dire que l’être humain parle toujours, simultanément, avant et après l’A(a)utre. Toutefois, il lui est impossible de saisir les articulations complètes de ces liaisons, puisque la parole, qui «ne récite pas, ne résume pas, ne rend pas compte, ne suit rien 3 », se réclame d’une autonomie en lui, mais aussi hors de lui; mouvante, la parole est une ondulation et une modulation du vivant.
Que fait la parole? Qu’est-ce que cela fait de parler? Cela transmet un message, cela dit quelque chose, cela permet de se faire entendre , répondrait celui qui conçoit le langage comme un instrument purement utilitaire dont tout sujet parlant peut disposer à sa guise, selon son bon vouloir. Mais si l’on considère, de concert avec la théorie psychanalytique, que l’entrée dans le langage entérine d’abord le rapport à l’arrachement et au désir 4 de ce même sujet, le corps, dès lors, devient une entité ne pouvant être passée sous silence puisqu’il est, d’une certaine manière, affecté, pré-occupé par la parole, signifié par elle en tant que chair désirante.
«Ni instruments, ni outils, les mots sont la vraie chair humaine et comme le corps de la pensée 5 », écrit Valère Novarina dans Devant la parole , petit essai ayant donné l’impulsion première à ce livre dans la mesure où il m’a enseigné – révélé – que le corps est consubstantiel de la parole, c’est-à-dire que la chair de l’homme désigne autant une matière organique – sang, nerfs, peau – qu’un tissu symbolique, surface langagière sensible permettant au sujet de symboliser le monde et d’ainsi y prendre part. «Parler n’est pas s’échanger et troquer – des idées, des objets», écrit encore Novarina. «[P]arler n’est pas s’exprimer, désigner, tendre une tête bavarde vers les choses, doubler le monde d’un écho […] parler c’est d’abord ouvrir la bouche et attaquer le monde avec, savoir mordre 6 », ajoute-t-il, faisant donc de tout acte de parole un exercice de mise en bouche du monde, une arme pour l’entamer, y trouver une prise. La parole ne fait pas qu’être énoncée par l’humain, projetée à l’extérieur de son corps afin de signifier sa présence ou ses besoins; elle entretient également une relation intime avec lui alors qu’elle le travaille au corps , le lui creuse, histoire d’y frayer son passage:
À l’image mécanique et instrumentale du langage que nous propose le grand système marchand qui vient étendre son filet sur notre Occident désorienté , à la religion des choses, à l’hypnose de l’objet, à l’idolâtrie, à ce temps qui semble s’être condamné lui-même à n’être plus que le temps circulaire d’une vente à perpétuité, à ce temps où le matérialisme dialectique , effondré, livre passage au matérialisme absolu – j’oppose notre descente en langage muet dans la nuit de la matière de notre corps par les mots et l’expérience singulière que fait chaque parlant, chaque parleur d’ici, d’un voyage dans la parole; j’oppose le savoir que nous avons, qu’il y a tout au fond de nous, non quelque chose dont nous serions propriétaire (notre parcelle individuelle, notre identité, la prison du moi), mais une ouverture intérieure, un passage parlé 7 .
Considéré comme un corps troué, transcendé par la parole, aucun parleur d’ici ne peut revendiquer une quelconque forme d’autorité absolue sur le matériau langagier dans la mesure où, qu’il le veuille ou non, nul ne peut mettre un frein à cet incessant mouvement de traversée des corps; nul ne peut l’interrompre. «Nous le savons tous très bien, tout au fond», écrit encore Novarina, lecteur de Lacan, «que la parole existe en nous, hors de tout échange, hors des choses, et même hors de nous 8 »; qu’elle ne nous appartient pas, même si elle loge «en nous», qu’elle nous précède et qu’elle nous survivra; qu’elle nous est étrange tout en nous étant si familière – comme une bizarrerie, une deuxième peau.
Par la critique d’un Occident qu’il qualifie de «désorienté» par une «hypnose de l’objet» généralisée, un « matérialisme absolu » faisant des biens matériels une fin en soi – veaux d’or gages de prospérité et d’une vie réussie –, Novarina réaffirme ici la nécessité de revenir à ce qui constitue la singularité de notre espèce, c’est-à-dire le rapport ambigu – à la fois fondateur et aliénant – que nous entretenons avec le langage, la parole, et la pensée complexe et métaphorique; avec l’ordre symbolique, autrement dit 9 . Face à «l’image mécanique et instrumentale du langage» que projettent les lois d’un monde dominé par un «système marchand» et d’un discours publicitaire omniprésent ne cherchant qu’à aggraver le manque, au «temps circulaire d’une vente à perpétuité» ruinant l’idée même de toute dialectique, Novarina appelle à reconnaître un autre type de savoir que celui d

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