Le Roi néant
90 pages
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Le Roi néant , livre ebook

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Description

Le Roi néant est un récit à une seule voix dans lequel on se fourvoie. Les mots tonnent, tranchent et déraisonnent pour écrire une histoire sans pareille emplie de non-lieux et de non-sens où l’amour est bouffon et aveugle. Où la mort est partout et banale. Aussi, si tu es sain d’esprit, passe ton chemin ! Si tu cherches une quelconque logique, ne t’arrête pas ! De la tête aux pieds, le Roi néant trône dans le chaos. Son bouffon n’est qu’un autre lui-même. Une grimace guère plus humaine. Si tu es sain d’esprit, le Roi néant ne te regarde pas. Ses yeux ne fixent que folies, chaos et anéantissements...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 février 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332859655
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-85963-1

© Edilivre, 2016
Le Roi Néant
C’était avant que je ne meure. Il y a longtemps. Fort longtemps.
Bien sûr, vous m’objecterez que je suis mort tant de fois… Et vous n’aurez pas tort. Mais en ce temps-là, je n’avais pas encore connu le goût amer de la défaite. J’étais poussière mais ne le savais pas, comme l’animal ayant peur de la mort sans savoir pourquoi.
J’avais alors la tête sur les épaules. Cela n’a pas été toujours le cas. Souvenez-vous de mon couronnement et de l’éclair froid et nu de la hache du bourreau dans le petit matin. Ecarlate et royal, tel est mon sang bleu. Et à couper au couteau, mes vérités par quatre chemins sur la route de l’échafaud. Route semée d’ordures, de quolibets et autres lazzis. Impasse à sens unique se finissant par un non-sens.
Je suis né sous une étoile qui fut ce que l’on sait avec votre serviteur, le temps de m’apercevoir que l’on naît tous pour servir. Et ceci est vrai qu’on soit maître ou esclave, poète ou chercheur d’or. Ou roi comme j’ai essayé de l’être. Nul n’échappe à son destin qu’il soit prêtre défroqué ou libertin touché par la grâce. Quoi qu’on fasse, on ne fait que servir sans jamais avoir la certitude que cela serve à quelque chose ni même à quelqu’un.
Tous nous suivons une étoile jusqu’à en oublier de nous regarder dans les yeux de nos contemporains. Regardez la liesse de mes sujets dont je suis aujourd’hui l’objet de la haine régicide. Ils m’ont adoré lors de mon sacre. Aujourd’hui, il manque à peine une fanfare et des vendeurs de colifichets et de friandises pour qu’on se croie dans une kermesse.
Messe et kermesse, la messe est dite. J’ai appris les grimaces de la bouche même des prêtres du Saint des Saints où j’avais ma place. Ils m’ont appris le mensonge et l’apparat. Deux mots, somme toute, synonymes. La foi est un luxe encombrant que l’homme raisonnable laisse aux charbonniers. Croire ne sert à rien. Il faut faire croire. Toujours se demander ce qu’on attend de vous. Ne pas décevoir.
Ainsi, aujourd’hui, dois-je montrer de la peur ? Le peuple, MON peuple, attend-il de me voir mort de peur ? Non, la mort me paraît déjà suffisante. Je ne la crains pas. Je l’ai faite donner tant de fois qu’elle me semble familière. Je l’ai vue dans tant de regards qu’il me faut en être digne. Ne pas la décevoir. Ni décevoir la populace venue en ce jour de fête. Etre digne jusqu’au bout…
La dignité, depuis le sein de ma nourrice, j’ai été élevé dans cette vertu cardinale des princes. Tout sauf perdre la face, telle était la leçon première de mon père comme de tous mes précepteurs. Je ne devais afficher aucun sentiment excessif. Ni même, aucun sentiment du tout. Ni joie ni peine. Peut-être n’ai-je rien d’humain.
Aussi, à la mort de mon père, je ne sais si je fus triste. J’avais été préparé à cette éventualité. J’étais pourtant bien jeune quand mon roi de père est tombé sous les coups mortels de comploteurs. Je l’avais sans doute aimé mais l’amour ne faisait pas partie de mon vocabulaire. Pouvoir et devoir, par contre, si. Ô combien !
J’avais dix ans. Et je ne me souviens pas d’avoir jamais pleuré. Aussi, ne pleurai-je pas mon père. Ma jeunesse était finie si tant est que je n’en aie jamais eu une. On me fit roi. Roi plutôt qu’humain. Mon père me légua un royaume, des ennemis, le sens du devoir mais qu’en est-il de la vie ?
J’ai été un enfant triste et noir. D’aussi loin que je me souvienne, on m’a donné du mon seigneur. Les pages, échansons et autres chambellans me craignaient. J’avais deux sœurs avec lesquelles je ne partageai jamais de jeu de mon âge. Ni de vraies relations. J’étais né pour être monarque.
On me fit apprendre le latin et le grec ancien comme toutes sortes de sciences sans oublier l’histoire. Surtout celle de ma famille, je dois dire de notre lignée. Notre arbre généalogique ainsi que nos armoiries et ses griffons sur fond de larmes de sang n’eurent jamais aucun secret pour moi. On m’enseigna le jeu d’échecs, l’art de la chasse ainsi que celui des armes. Je connaissais par cœur toutes les batailles antiques et leurs stratégies. Comment se vouloir roi et ignorer César ou Hannibal ?
Comment être au présent sans connaître les leçons du passé ? Des gloires passées ? Mon père me laissa ce questionnement en héritage. Cela représente peu et beaucoup à la fois. On m’apprit aussi à ne jurer de rien. Aujourd’hui, je suis roi. Mais de quoi sera fait demain ? Me verra-t-on triomphant, esclave ou mort en vain ? Et en ce jour, les lendemains s’en vont chantant à mes oreilles des airs tous plus discordants les uns que les autres.
Je ne crois pas aux dieux des églises. Qu’ils soient amour ou vengeurs. Je m’en vais seul face à mon destin. Devant moi la mort. J’ai refusé les simagrées dernières des prêtres. Les mêmes qui me firent roi de droit divin. Eux qui m’ont torturé corps et esprit pour me faire abjurer. Mais aujourd’hui, je m’en vais seul face à moi-même. Comme toujours. Mais sans plus penser à l’étiquette. A ce qu’on attend de moi. Ou si peu. Et si mon corps me fait mal, mon esprit, lui, est étrangement léger. Libéré des conventions comme du poids de mon passé.
Je suis dans une bulle. Tout est savon et eau. L’irréel est partout. Le monde semble sur le point d’éclater. Et j’ai envie de rire aux éclats. Le besoin de rire m’est venu devant le côté incroyablement grotesque de ces montagnes de haine. Moi, dans ma bulle, je baigne dans les arcs-en-ciel.
On m’avance un reliquaire, je souris avec détachement. Une fois de plus, on me demande d’abjurer. Ceci m’amuse. Peut-on renier un dieu auquel l’on ne croit pas ? Auquel je n’ai jamais cru. Moi, son incarnation supposée sur terre. On me dit que je suis maudit. Et ce sont les seuls mots rimant à quelque chose qui me parviennent.
Malédiction que ma vie ! J’ai toujours été âgé de trois et mille ans. En même temps. Trois ans quand un éclat de mon rire foudroie le réel. Le disloquant. Mille quand il me protège plutôt que de finir dans les larmes. Avoir trois ans au début d’une phrase, mille en son milieu et finir par une pirouette, un pied de nez. Telle s’est toujours imposée à moi ma satanée réalité.
Je suis définitivement maudit. Qu’il en soit dit ainsi !…
Le seul être humain que j’ai sans doute aimé fut Auldéric, mon bouffon au corps difforme et à l’esprit fulgurant. Le seul en qui je plaçai presque une confiance aveugle. J’ai bien dit presque…
Je l’ai rencontré quand j’avais dix-huit ans. Nous étions à peu près du même âge. C’était lors d’une guerre aux marches septentrionales du royaume. Et lui, le fils de chef barbare, je l’avais fait otage. C’était un être difforme, ivrogne et formidable. Il me plut dès le premier abord. Ne croyez pas que je l’aie désiré comme cela fut le cas de tant de corps de femmes ou d’hommes.
Non. Lui, je l’ai aimé car je l’ai trouvé aimable. Peut-être que la monstruosité de son corps m’a renvoyé à celle de mon esprit. Chez lui, tout était disharmonie. Sa bosse, son pied-bot, son bec-de-lièvre et jusqu’à sa peau de rouquin albinos. J’aurais pu le tuer tout de suite, mais il n’avait peur ni de moi ni de la mort.
Lui comme moi n’avions d’ailleurs peur de rien. Auldéric était un esprit supérieur par la fulgurance de ses réparties. Un jour où je dis que si l’on me cherchait, j’étais parti quérir la gloire, il me rétorqua : « et si on ne te cherche pas »  ?
Oui. Si l’on ne me cherche pas… Et que n’ai-je jamais vraiment recherché ? La gloire comme tous l’ont cru ? Comme je l’ai fait accroire. Ou la mort. Ma mort. Et dois-je dire tous ou plutôt tous sauf Auldéric ? Lui seul devant qui mon esprit se mettait à nu. Et si je l’ai aimé, c’est que nous avions cette quête en commun.
Lui dont la laideur physique pesait le plomb. Et moi, dont c’était la psyché.
Bien sûr, je l’ai fait tuer. Exécuter au petit matin comme aujourd’hui c’est mon tour. Mais croyez-moi si vous le pouvez, c’était un acte d’amour. Je l’ai lu clairement dans ses yeux. Des yeux d’une eau si sombre à l’ordinaire et qui pétillaient d’une joie que je ne leur connaissais plus.
L’idée me vint soudain de le gracier. Il le lut en moi et d’un dernier regard me l’interdit péremptoirement. Je compris alors que je ne pouvais pas lui faire ça. Il m’avait fait l’instrument de son suicide. Les bras du bourreau étaient ceux de l’amour. De la fraternité. Et si je ne lui avais fait que presque confiance, c’était parce que...

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