Le Grand Vison Blanc
308 pages
Français

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Le Grand Vison Blanc , livre ebook

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Description

Honoré, pianiste exilé au Canada, retourne dans le Sud de la France suite au décès brutal de son père. Arrivé au Village, il plonge dans les remous engendrés par un projet d’installation d’élevage de visons, et va être confronté à son passé, sa famille, ses choix. Tendu vers la préparation d’un concert prestigieux, il dérive, secoué par des forces insoupçonnées prenant racine au XVIIe siècle, lors de la création des comptoirs de trappeurs canadiens ouvrant la traite des fourrures vers l’Europe. Quelles sont les puissances à l’œuvre derrière le destin tragique des visons torturés par les hommes ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414492022
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-49201-5

© Edilivre, 2021
Exergue
Wir haben ein Gesetz , und nach dem Gesetz soll er sterben.
[Nous avons une loi , et selon cette loi il doit mourir]
Passion selon Saint Jean – Jean-Sébastien Bach
The greatness of a nation and its moral progress can be judged by the way its animals are treated .
[ On peut juger la grandeur d ’ une nation par la façon dont les animaux y sont traités ]
Mahatma Gandhi
Chapitre 1 Samedi 1 er juin 2018
Le mois de mai à Montréal s ’ annonçait agréable. Toute la neige avait fondu , la température était remontée autour de quinze degrés. Dans les parcs , les écureuils gris , sortis de leurs trous d ’ hiver , gambadaient joyeusement sous l ’ œil attendri des touristes qui leur jetaient des miettes.
Honoré n ’ était pas de ceux-là. Il avançait à grands pas dans la rue Sainte-Catherine vers Christ Church , où il devait se produire ce dimanche-là.
Sa tournée au Canada était bien entamée. Déjà dix-neuf concerts dans tout le pays , Vancouver , Calgary , Toronto , Victoria , Halifax , Québec , et des villes de moindre importance. Son agent n ’ avait pas réussi à négocier un circuit optimisant les trajets , et les déplacements anarchiques entre la côte ouest et la côte est , en particulier pour les trois derniers concerts dans la même semaine à Ottawa , Whitehorse puis Winnipeg , l ’ avaient épuisé. Son organisme ne s ’ était jamais habitué aux effets des décalages horaires. Des crises de foie pouvaient l ’ indisposer durant plusieurs jours dès qu ’ il franchissait cinq fuseaux horaires et , même s ’ il devait reconnaître que Bob , son agent , était redoutablement efficace pour faire sa promotion , il avait parfois l ’ impression de n ’ être qu ’ un produit commercial dont ce dernier tirait des profits substantiels pour lui et sa famille. Et comme les besoins de Bob grandissaient au fur et à mesure que la carrière d ’ Honoré prenait de l ’ ampleur , le rythme auquel le pianiste était contraint commençait à peser lourdement sur lui.
Le concert à Winnipeg , dans le quartier français de Saint-Boniface , s ’ était remarquablement bien passé. Il arrive parfois qu ’ une conjonction de facteurs favorables se produise , et là , ce fut le cas , en raison notamment de l ’ excellente acoustique de la salle. Honoré avait tout de suite eu le sentiment qu ’ il pouvait toucher les auditeurs des derniers rangs sans avoir besoin de forcer son jeu. L ’ instrument était mirifique , un Steinway neuf , ce qui est rarissime. Il faut dire qu ’ un incendie avait ravagé les lieux huit mois plus tôt transformant le piano précédent en fumée. La version colportée était qu ’ un éclairagiste qui se promenait sur une rampe de spots à douze mètres de hauteur , une cigarette à la bouche , avait laissé tomber celle-ci sur un fauteuil. Bref , l ’ intérieur de la salle avait été restauré avec des matériaux mieux étudiés pour le son , et un nouveau piano résidait là depuis cet événement. Grâce à cela , ce fut son meilleur concert depuis des années. Ses mains avaient marché , couru ou bondi toutes seules sur le clavier , Honoré ayant éprouvé la sensation de n ’ être qu ’ un spectateur des œuvres qui se déroulaient sous ses doigts.
Dans l ’ après-midi , il s ’ était rendu à Christ Church dans l ’ espoir que l ’ instrument fut déjà en place. Mais il n ’ avait rien trouvé , hormis une photo démesurée sur la porte de l ’ église le représentant en frac , une main ouverte planant dans les airs , l ’ autre posée sur les touches , dans une posture inspirée. Un bandeau « Honoré Denglebert , la révélation du siècle », couvrait la base de l ’ affiche en caractères énormes.
C ’ était une église pseudo-gothique , élancée , les murs du chœur tapissés de stalles en bois foncé ouvragé. Il s ’ était assis dans l ’ une d ’ elle , pour faire le vide. Deux ou trois autres personnes autour de lui priaient. Cela ne faisait pas plus de quelques minutes qu ’ il était là quand quelqu ’ un avait surgi de la sacristie. Une femme en aube verte et blanche , qui avait marché vers eux d ’ un pas décidé , tout en ajustant prestement une étole brodée autour de son cou. Consciencieusement , elle avait serré la main aux quatre personnes présentes , en claironnant un « bonjour » plein d ’ entrain , puis avait commencé à officier en français , avec un mélange d ’ accent canadien et anglais.
— Ah oui , s ’ était dit Honoré , c ’ est une église anglicane. Apparemment , les femmes peuvent aussi être prêtres.
Elle se lança dans tout un sermon sur la compassion. La compassion de loin et la compassion de près. Elle cita un dessin animé qu ’ elle avait vu la veille à la télévision et qui apparemment l ’ avait marquée. Un chevreuil était tombé dans un piège. Un renard passait , le plaignait du bord du trou , lui lançait un hamburger , puis poursuivait son chemin. Puis un ours arrivait , se lamentait en voyant le pauvre animal blessé , descendait au fond du trou et le prenait entre ses pattes pour le consoler.
— C ’ est ça , la vraie compassion , avait-elle expliqué. Consacrer de son temps à l ’ indigent.
Honoré n ’ avait pas bien compris pourquoi l ’ ours n ’ était pas sorti du trou avec le chevreuil et il avait assisté benoîtement à la fin de la messe menée tambour battant. En tout cas , il avait survécu à une cérémonie officiée par une femme. Elle était venue le trouver après la bénédiction finale.
— Vous êtes de la paroisse ? Je ne vous connaissais pas. Merci de votre présence.
— Je suis français. Je joue ce soir ici. Et il lui raconta en deux mots son périple dans le pays.
— Merveilleux , avait-elle commenté. Vous aussi , vous avez une mission.
Honoré était ressorti se promener dans la ville , descendant jusqu ’ au fleuve Saint-Laurent , face à l ’ île Sainte-Hélène. Difficile d ’ imaginer que la colonisation du Canada avait commencé ici. Un comptoir d ’ échanges avec les Amérindiens , voilà ce que c ’ était , au XVII ème siècle. Un commerce de fourrures florissant. Que reste-t-il de cette époque ? Quelques maisons. Une statue , celle du sieur de Maisonneuve , le fondateur de Montréal. Qu ’ étaient devenues les peuplades qui vivaient là à l ’ époque ? Disparues , absorbées par la civilisation. Des traces de leur culture , revisitées par les courants spiritualistes à la mode , survivaient à l ’ occasion de rituels exotiques comme le sweat lodge ou des séances de voyage chamanique. Des tribus telles que les Crees , avaient été repoussées très loin vers le nord , où elles avaient établi leurs villages.
Honoré avait regagné lentement son hôtel , près de la place des Arts. Sa chambre , située au dernier étage d ’ un immeuble qui en comportait vingt , lui permettait de contempler la ville jusqu ’ à l ’ île Notre-Dame. Il s ’ était mis en tenue , dans le but de se rendre à pied au concert , Christ Church se situant à quelques rues de là.
Son téléphone portable sonna dans sa poche alors qu ’ il tournait dans la rue de Bleury. Il hésita. C ’ était sûrement Bob. C ’ était toujours Bob avant les concerts. Il allait lui dire que les journalistes étaient sur le pied de guerre , que les photographes s ’ impatientaient , qu ’ il était encore en retard , qu ’ il visiterait les parcs de Montréal une autre fois , que les écureuils l ’ attendraient et que d ’ ailleurs il était néfaste de leur donner à manger …
Mais c ’ était un numéro français. Il décrocha.
— C ’ est Anna.
— Anna ?
— Ta sœur. Je sais que tu es en tournée.
— Ah.
— Il est arrivé quelque chose.
— Quoi ?
— Notre père. Il est mort. Ce matin.
— Comment ça , il est mort ?
— Crise cardiaque. L ’ enterrement aura lieu mercredi. Au village.
Honoré s ’ immobilisa. Quelque chose se figeait en lui.
— Merci. Je digère un peu la nouvelle et je te rappelle.
Honoré continua à marcher vers l ’ église où il devait donner son récital. En quoi la mort de son père pourrait-elle l ’ affecter ? Leur dernière rencontre datait de juin 2010 , à la sortie d ’ un concert salle Gaveau , sept ans après la mort de sa mère. Depuis , black-out. Son père l ’ avait appelé deux ou trois fois , mais Honoré avait toujours refusé de le voir , le tenant pour responsable de la disparition de sa mère. C ’ était devenu un étranger pour lui. Au fait , comment Anna avait-elle eu son numéro ? Il essaya de se reconcentrer sur le récital qui approchait et de faire taire les pensées qui affluaient.
Quel piano lui aurait-on trouvé cette fois-ci. Un Steinway d ’ avant-guerre , comme à Vancouver , avec lequel il avait mis une demi-heure à intégrer les différences de poids des touches ? À chaque fois , c ’ était la surprise , et , excepté à Winnipeg , en général plutôt mauvaise. Des marteaux mal réglés , le passage dans les aigus tellement peu harmonisé qu ’ on croyait avoir affaire à deux instruments différents. Parfois , des basses qui grésillaient , faute d ’ avoir remis quelques cordes neuves. Et les pédales , n ’ en parlons pas. Soit elles faisaient du bruit , soit elles ne fonctionnaient que pour quelques octaves.
Il essaya de revoir son programme mentalement. Il était capable de visualiser les pages des partitions une par une , comme s ’ il les avait scannées. Le concert commençait dans une heure , il avait le temps. Il s ’ assit sur un banc pour regarder les passants.
Son père. Quelle brute ! À part le béton , qu ’ est-ce qui l ’ avait intéressé ? Ses grands projets , ses tours de cinquante étages dont il lui avait rebattu les oreilles. Ce sont les merveilles du monde du XX ème siècle , lui expliquait-il avec enthousiasme quand il avait quinze ans. Les Égyptiens ont eu leurs pyramides , les Grecs leurs temples , nous avons la to

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