Le Grand Saut
108 pages
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Le Grand Saut , livre ebook

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Description

Ben, il s’appelait Ben, Ben Allart. Il avait choisi un vendredi matin et depuis une bonne dizaine de minutes, Ben ne se sentait pas en grande forme olympique. Imaginez-vous debout sur la terrasse d’un immeuble, les deux pieds plantés sur le bord d’une corniche. Ben dominait, de toute sa hauteur, une rue à sens unique. Il se trouvait juste à l’aplomb de l’entrée principale, la pointe des chaussures dans le vide, dressé au-dessus du cinquième étage, scrutant la petite rue d’un bout à l’autre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 juillet 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782958493103
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ben, il s’appelait Ben, Ben Allart. Il avait choisi un vendredi matin et depuis une bonne dizaine de minutes, Ben ne se sentait pas en grande forme olympique. Imaginez-vous debout sur la terrasse d’un immeuble, les deux pieds plantés sur le bord d’une corniche. Ben dominait, de toute sa hauteur, une rue à sens unique. Il se trouvait juste à l’aplomb de l’entrée principale, la pointe des chaussures dans le vide, dressé au-dessus du cinquième étage, scrutant la petite rue d’un bout à l’autre.
LE GRAND SAUT
 
 
 
Jean-Marc Caron
 
 
 
© Tous droits réservés 2022 Jean-Marc Caron
 
 
 
ISBN Epub : 978-2-9584931-0-3
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour mon fils Léo qui m’a fait découvrir les beautés de la côte d’opale, elles ont inspiré ce roman.
 
 
 
Plusieurs choix s’offrent à nous pour réaliser le « Grand Saut », celui qui vous conduit sur la corniche du toit d’un immeuble ou celui qui vous mène aux portes de l’inconnu.
Table des matières
Partie I
Chapitre 1
BEN
Chapitre 2
MAUD
Chapitre 3
RETOUR SUR LE TOIT
Chapitre 4
LIZA
Chapitre 5
DIRECTION LILLE
Chapitre 6
AU RESTAURANT
Chapitre 7
LILLE
Chapitre 8
L’ANNONCE AUX ENFANTS
Chapitre 9
VERS LA CÔTE D’OPALE
Chapitre 10
JOSEPH
Chapitre 11
CHEZ PAULA
Chapitre 12
PREMIÈRES HEURES AVEC JOSEPH
Chapitre 13
L’HÔPITAL
Chapitre 14
LA PLAGE
Partie II
Chapitre 1
L’AUBE DU PREMIER JOUR
Chapitre 2
VISITE À LIZA
Chapitre 3
WISSANT
Partie III
Chapitre 1
RETOUR À PARIS
Chapitre 2
LA REPRISE
Chapitre 3
LE GRAND DÉPART
Chapitre 4
LA DÉMISSION
Chapitre 5
CAROLE
Chapitre 6
LES VACANCES
Chapitre 7
LA CHUTE
Chapitre 8
LA SEMAINE DE VACANCES
Chapitre 9
FORREST GUMP
Chapitre 1
UNE AUTRE VIE
Chapitre 2
LE GRAND SAUT
Partie I

Chapitre 1

BEN

Ben, il s’appelait Ben, Ben Allart. Il avait choisi un vendredi matin et depuis une bonne dizaine de minutes, Ben ne se sentait pas en grande forme olympique. Imaginez-vous debout sur la terrasse d’un immeuble, les deux pieds plantés sur le bord d’une corniche. Ben dominait, de toute sa hauteur, une rue à sens unique. Il se trouvait juste à l’aplomb de l’entrée principale, la pointe des chaussures dans le vide, dressé au-dessus du cinquième étage, scrutant la petite rue d’un bout à l’autre. Heureusement, du haut du bâtiment, la vue dégagée lui permettait de la voir sur toute sa longueur. De cette hauteur et de si bon matin, le spectacle des toits ravissait Ben qui le découvrait et le contemplait pour la première fois.
Les trottoirs déserts se prêtaient aux jeux des chats dans les poubelles. Ben constatait l’absence de passants. Il se satisfaisait qu’aucun véhicule, voiture, moto ou vélo ne circule dans cet étroit couloir. Il regardait vers sa droite, dans le sens de la circulation. Aucune voiture ne s’engageait, aucune autre ne stationnait le long de la chaussée ou sur le trottoir. Tout semblait absolument parfait, exactement comme Ben l’avait imaginé depuis plusieurs semaines, dans les moindres détails, le scénario idéal, tiré au cordeau, presqu’au millimètre près, d’une main de maître. Il se remémorait toutes les démarches accomplies ces derniers jours afin que sa mort ne se transforme pas en un vulgaire échec, mais procure quelques avantages à Liza et aux enfants. Son caractère, discret parfois jusqu’à la timidité, collait bien au choix de l’heure et du lieu. Ben ne souhaitait pas attirer l’attention, il n’aimait guère le style de saut offert en spectacle. Il ne voulait pas d’interlocuteur dans le genre des négociateurs policiers ou des psychologues. Il ne demandait rien et ne possédait aucune revendication. Il ne désirait pas être la vedette du jour. « Faire le buzz » et terminer en portrait, perdu au fond d’une page, noyé au milieu des faits divers, ne l’enchantait guère. De toute façon, une fois étalé sur la chaussée, réduit en bouillie ou éparpillé en plusieurs morceaux éclatés, que lui rapporterait une photo dans les journaux en train de passer devant la fenêtre du quatrième étage, les bras en croix et les yeux exorbités ? Le sensationnel médiatique lui donnait la nausée. L’idée même que son saut, puis sa chute orchestrée avec rigueur qui avaient demandé toute l’exigence d’un maître artisan devant la préparation d’une œuvre d’art se retrouvent sur une vidéo et soient diffusés sur Internet l’horrifiait. Les plus beaux tableaux, les sculptures majestueuses se préparent dans le plus profond secret des ateliers et ne révèlent leur beauté qu’une fois achevés. Il voulait finir comme il avait toujours vécu, dans l’indifférence la plus totale, avec discrétion, sans bruit et sans panache.
Ben attendait, non sans une certaine impatience, que Liza quitte le bâtiment. Il désirait terminer la besogne le plus rapidement possible et le temps commençait à lui sembler long. Il craignait de trop cogiter, ce qui pourrait affecter son moral et sa détermination. Il regardait sa montre régulièrement, toutes les deux ou trois minutes. Dans à peine un quart d’heure, treize minutes si Liza respecte ses habitudes, elle accompagnera la petite Lou au collège où elle enseignait le français. Tom, l’aîné, se trouvait déjà hors de la vue de Ben. Il l’avait aperçu qui disparaissait à l’angle de la rue pour se rendre au collège, le même que fréquentaient sa mère et sa sœur, à deux pâtés de maisons plus loin. Ben inspecta de nouveau sa montre : 8 h 30. « Trente minutes que je suis là. Il ne fait pas chaud, elles ne devraient plus tarder. Je crois que je devrais l’enlever avant de sauter, ce serait vraiment dommage de casser une belle montre comme ça ! Tom voudra peut-être la garder, qui sait ? Non, ça m’étonnerait beaucoup, ils préféreront plutôt la vendre. »
Environ une trentaine de minutes auparavant, Ben sortait de l’appartement, deux étages plus bas, sans rien changer à ses habitudes. Dans l’encoignure de la porte d’entrée, d’un geste de la main, il souhaita une bonne journée à Tom et à Lou, puis il avait embrassé sa femme d’un simple baiser automatique du bout des lèvres sur la joue gauche, toujours la même. Il enfila ensuite sa veste de velours noir, toujours accrochée au même porte-manteau, prit sa sacoche de cuir en bandoulière et son porte-documents. Il passa le seuil de la porte et disparut dans les escaliers. Il entendit Liza fermer le verrou derrière lui, mais ne descendit pas jusque dans le hall, trois étages plus bas. Il ne sautait pas les marches, quatre à quatre, comme à son habitude pour se retrouver à courir au milieu de la rue jusqu’à l’arrêt de bus, sur la grande avenue. Non, Ben avait gravi discrètement les deux étages qui le séparaient de la terrasse. Personne ne l’entendit. Les habitants des immeubles voisins, situés de l’autre côté de la rue, n’avaient pas remarqué cette silhouette dressée au bord du vide dans l’aube naissante. L’heure bleue sonnait tout juste, le jour pointait à peine. La météo avait annoncé une belle journée ensoleillée en ce début de printemps particulièrement agréable. Les quelques arbres de la rue Simonet, dans le XIIIe arrondissement, laissaient poindre les premiers bourgeons ainsi que les fleurs roses précoces des trois seuls prunus perdus dans le bitume. Néanmoins, ce matin-là, Ben se moquait bien de la couleur des fleurs et de la renaissance de la nature. Liza venait de quitter l’immeuble juste en-dessous à la pointe de ses chaussures, accompagnée de Lou. L’instant fatidique, attendu et redouté se précisait. Ben vivait la minute la plus solennelle de sa vie. Il les regardait se presser l’une à côté de l’autre. Lou trottait en sautillant comme tous les matins avec son cartable jaune fluo sur le dos. Liza tenait fermement son porte-serviettes de la main droite. Ben vit s’éloigner les deux silhouettes avec un léger pincement au cœur. Il observa une dernière fois sa montre, leva la tête et remonta le col de sa veste de ses deux mains jointes à la hauteur de son cou. Il réajusta machinalement le nœud de sa cravate qui semblait de travers, puis il hocha la tête aussitôt devant ce geste totalement absurde. Il allongea ensuite ses bras le long du corps, les leva tendus jusqu’au bout des doigts, les positionna parfaitement à l’horizontal tel un nageur et gagna quelques centimètres vers le vide. La pointe de ses chaussures dépassait maintenant très nettement de la margelle. Ben sentit le vertige l’envahir. « Ils l’ont bien cherché, tous autant qu’ils sont. C’est quand même de leur faute. Que pensera Liza quand la police lui téléphonera ? S’effondrera-t-elle quand elle entendra l’officier de police lui relater le drame qui va se dérouler dans quelques secondes ? On lui racontera : « Madame Allart, nous avons une bien mauvaise nouvelle à vous annoncer, votre mari est décédé. Il est tombé de la terrasse, du haut de votre immeuble. Nous pensons que votre mari a mis fin à ses jours. Malgré l’absence de témoins, nous avons la certitude que la thèse du suicide reste la seule valable. Nous sommes désolés, toutes nos condoléances. » L’inspecteur posera ensuite toutes les questions d’usage nécessaires à son enquête. Poussera-t-elle un grand cri ou l’étouffera-t-elle discrètement ? Raccrochera-t-elle sans mot dire ? Elle éprouvera sans doute un peu de tristesse, oui, sur le moment, le temps de digérer l’information. L’inverse semblerait anormal, peut-être même suspect, pensait Ben. Ce n’est pas une chose exceptionnelle que de ressentir un choc émotionnel devant un tel fait, mais au bout de quelques jours, elle se sentira soulagée de ne plus traîner ce boulet. Je n’en peux plus d’être toujours traité de boulet : « Tu n’es qu’un boulet et je ne vais pas te traîner toute ma vie ! » Maintenant, le boulet, je vais le lancer, Liza, et tu vas voir comment il tombe. Je vais t’en débarrasser, du boulet ! Les enfants, Tom et Lou, comment réagiront-ils ? La plus jeune s’en remettra. À son âge, ça se comprend, elle finira par m’oublier. Elle ne se souviendra même plus du son de ma voix ni des lignes de mon visage. Quant à Tom

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