Le Fauteuil à bascule
120 pages
Français

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Le Fauteuil à bascule , livre ebook

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Description

« Il trouvera les chemins pour que l’oubli s’installe, se fera tendre, il sait qu’ils resteront souvent lovés l’un contre l’autre, à chercher le moyen de prolonger, de fixer l’instant précieux où ils seront en accord. Mais il sait aussi qu’elle le quittera, comme ça, un jour, elle aime se cogner à ses rêves... Alors il reprend son livre, regarde le feu, et attend qu’elle pose enfin sa tête sur ses genoux. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748394344
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Fauteuil à bascule
Michelle Jolly
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Fauteuil à bascule
 
 
 
À mes enfants
À Carole Menahem-Lilin.
 
 
 
Le Fauteuil à bascule
 
 
 
Cela fait de nombreuses années que les bras de ce fauteuil m’entourent et je m’y sens bien. Si je veux me reposer, réfléchir, partir, délirer un peu ; c’est lui d’abord qui m’y invite, avec ses bercements, je voyage sur bien des chemins.
 
C’est un objet magique, vivant !
À ma connaissance, le seul qui, lorsque vous le quittez, continue lentement son balancement…
 
 
 
Orages
 
 
 
Impatiemment Lise poussa la porte, ouvrit la fenêtre. « Les vitres sont sales », se dit-elle en passant le doigt sur la poussière accumulée. L’air du dehors entra, l’odeur de moisi se dissipa et toute la forêt pénétra dans la pièce, ses parfums, ses bruits : elle était chez elle.
Le corps lourd, du mal à marcher, chaque pas comme un arrachement ; la montée avait été rude et souvent elle s’était demandée si elle arriverait au bout. Mais la rage lui donnait de l’énergie, balayait ses hésitations et les refus de Raphaël, son compagnon. Dans le cocon de la vieille maison, elle se sentait mieux pour affronter les derniers jours de cette grossesse qui n’en finissait pas.
Le ciel était incertain, les nuages sombres, l’air étouffant. Elle reprit son souffle et se laissa tomber dans le vieux club rouge, fixa la cime des châtaigniers immobiles et attendit. Au loin, comme un dos de femme alanguie, des collines en vagues ; le jour allait encore s’achever sans que la terre n’ait pu étancher sa soif.
 
Dans la vallée, la moiteur de l’air, inhabituelle au printemps, ralentissait tout travail. Raphaël, pour la énième fois, referma sur lui la porte grinçante. Malgré ces saisons bouleversées et la terre sèche, en bon professionnel, il consacrait tout son temps à la serre.
Il passa au ras des verveines qui s’ouvraient, des pétunias dont l’odeur violette l’étonnait toujours et arriva près des rosiers, ceux qui étaient en nourrice.
D’un large pot sortaient une tige robuste, des feuilles d’un vert vif et deux boutons encore fermés sur leur secret.
« Quelques jours, quelques heures à attendre, se dit-il, créer une rose, ce n’est pas rien ? »
Il avait échoué à deux reprises, depuis trois années il attendait ce moment.
Mais il se rappelait les reproches de Lise :
« Je veux aller là-haut, viens avec moi, tu ne peux pas me laisser seule ! Tu ne penses qu’à toi… C’est toujours la même chose… »
Il résistait. Cette fois il avait sélectionné le pied « mère » avec soin, le « père » était du meilleur choix, les graines avaient été récoltées avec précaution, plantées au bon moment, il avait suivi de A à Z l’évolution : il en était sûr, c’était le succès assuré !
Il effleura de la main les deux boutons fragiles, arrosa le pied, installa une chaise tout près, et attendit.
La soirée et la nuit s’étaient figées dans le silence, ce mois de mai ressemblait à juillet. Dans les hauteurs, on respirait mal car le ciel bas et gris était oppressant.
 
Lise se réveilla tard, peu reposée, ruminant sa rancune ; elle descendit chercher un pot de confit dans la réserve, des tomates apportées la veille et s’installa pour déjeuner sur la petite terrasse. À plusieurs reprises son portable la fit sursauter,
« Qu’il aille au diable », pensa-t-elle.
Elle déjeuna sans hâte, s’étonna d’une douleur au côté qui passa vite, puis rentra. Le ciel avait pris une couleur de cendres, la nature courbait le dos dans l’attente d’un déchirement, mais rien n’arrivait.
Elle s’installa un moment près de la fenêtre ; les arbres faisaient le gué, le crassier près de la mine de plomb au loin, prenait des couleurs d’indigo. Elle s’assoupit un moment.
 
En bas, près de son trésor, l’œil fixe et l’esprit habité par le moment présent, Raphaël essayait pour la troisième fois de joindre Lise, en vain, pas de réponse.
« Pourquoi ce départ ? pensa-t-il, ma présence ici est indispensable, guetter l’éclosion, deviner la couleur, peut-être le parfum ? »
Il laissa son portable, excité, car délicatement, un bourgeon commençait à s’ouvrir.
 
Lendemain gris, Lise ne put dormir, orage et pluie s’étaient succédé, la petite maison n’en pouvait plus de résister aux assauts du vent et des trombes d’eau qui affluaient, refluaient, débordant et inondant le jardin.
Tout craquait autour d’elle, cette nuit elle était venue regarder dehors par la petite fenêtre : des hulottes blanches plongeaient cherchant leurs proies dans la lumière, sous les éclairs, la terre chauffée à blanc fumait sous la douche violente de l’averse. L’odeur forte des lavandes sauvages pénétrait à l’intérieur. Lise ne savait où donner de la tête ; c’était fuites et désolations, la vieille maison cédait.
Elle épongea le sol, calfeutra la porte et fatiguée, s’assit un moment.
Dehors, elle vit le flot arriver de la colline ; une coulée de boue franchit le muret du jardin, longea la maison transportant racines et herbes sèches. Et dans le coup de tonnerre qui balaya le grand cerisier, le courant envahit le sol à ses pieds.
Lise sentit l’eau mouiller ses jambes, la maison tremblait, elle s’appuya au mur et une douleur dans le bas du dos l’arrêta. Elle se mit à l’écoute de son corps ; c’est alors que l’éclair qui suivit la cloua sur place.
Elle devint remous et tourbillons, se plia, voulut résister, mais l’orage était en elle.
Elle frissonna, s’allongea au plus près, un poignard lui déchirait le ventre, recommença, plus rapide cette fois, elle mordit ses lèvres, tout n’était qu’averses et larmes.
Cris et déversements à fleur d’eau, à fleur de peau, des vagues arrivaient, plus violentes : dehors, dedans ? Elle ne savait plus. Elle bascula, roula, devint torche et flamme. Sous une poussée violente et avec un bruit de cymbales, la fenêtre s’ouvrit, le ciel entra, bruits secs de branches qui se rompaient. Elle bascula, fit craquer sa peau de toute la force qui lui restait, des cris, un jaillissement, l’orage s’éloignait.
 
Le calme s’installa. Lise rassembla près d’elle la couverture et son châle avec mille précautions, attrapa son portable et, dans un souffle :
— Viens vite, ce fils, on l’appellera Noé.
Elle regarda, contre elle, la vie qui bougeait et n’entendit pas la réponse :
— J’arrive ! Elle est née ce matin, elle te ressemble, je l’appellerai Lisebelle.
 
 
 
Léa ou le fauteuil à bascule
 
 
 
Mike :
C’était il y a trois ans, en juin, j’en suis sûr : on était déjà en vacances, ma mère avait ouvert le magasin très tôt. Je suis descendu dans la réserve où elle mettait en ordre les pots et gerbes apportés par mon père. Faut dire que mon père est horticulteur, à la sortie de Saint-Denis, ma mère tient la boutique à Clignancourt, là où j’habite. Je l’aide parfois, quand elle ne crie pas après moi.
Ce matin-là elle me dit :
— La femme du troisième, celle du balcon aux lampions, m’a demandé une anthémis, une blanche, monte-lui celle-là.
Les lampions, ça m’avait toujours intrigué : depuis plusieurs mois, elle allumait cette guirlande le soir sur son balcon, les voisins se moquaient, moi je trouvais que c’était joli.
J’arrivai tout essoufflé devant sa porte, je tenais le pot très haut devant moi et en ouvrant, elle éclata de rire :
— Qu’elle drôle de plante j’ai là !
J’ai posé le pot près de la fenêtre. C’était bizarre cet appartement, devant moi, derrière moi : des tableaux partout.
Ils étaient couverts de taches de couleurs, comme des pétales tombés au hasard, chez moi il n’y avait pas de tableaux, mais j’en avais vu chez ma grand-mère à Oléron, une sorte de scène de naufrage avec un vieux bateau, ça représentait quelque chose. Là, je ne comprenais pas.
Ce fut alors qu’elle me dit :
— Fais pas cette tête d’ahuri ! Je vais t’expliquer : quand je ne suis pas au collège où j’enseigne, j’aime peindre, rien que pour mon plaisir, comme d’autres aiment courir, danser, faire du vélo. Je ne cherche pas à représenter quelque chose, je joue avec les couleurs, comme avec des notes de musique. Chaque couleur illustre une émotion, je fabrique ma musique à moi, avec des rythmes, des respirations. Je suis peut-être seule à l’entendre, tant pis, mais si par bonheur quelqu’un partage cela en regardant mes toiles, je suis heureuse !
 
Je l’écoutais parler, elle était belle Léa, elle avait encore ses longs cheveux et elle les relevait avec une sorte de baguette chinoise, cela faisait des frisottis dans son cou, c’était joli. Elle était jeune, plus que ma mère…
Je montais souvent la voir car elle avait proposé de m’aider à réviser pour ...

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