Le Dossier 113
232 pages
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Le Dossier 113 , livre ebook

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Description


Un vol important vient d'être commis rue de Provence à Paris, le coffre de la banque Fauvel a été vandalisé. Deux personnes seulement connaissaient la combinaison du coffre : le banquier et le caissier, un dénommé Bertomy. Après une brêve enquête, la police arrête le caissier. Mais une seconde enquête commence, menée par l'inspecteur Fanferlot, surnommé l'Écureuil, qui découvre l'existence de Nina Gipsy, une mystérieuse jeune femme entretenue par le caissier...



Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782369553083
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Dossier 113
Émile GABORIAU
1
On lisait dans tous les journaux du soir du mardi 28 février 1863, le fait divers suivant : Un vol très considérable, commis au préjudice d’un honorable banquier de la capitale, M. André Fauvel, a mis ce matin en émoi tout le quartier de la rue de Provence. Des malfaiteurs d’une audace et d’une habileté extraordinaires ont réussi à pénétrer dans les bureaux, et là, forçant une caisse qu’on avait tout lieu de croire inattaquable, ils se sont emparés de la somme énorme de trois cent cinquante mille francs en billets de banque. La police, aussitôt prévenue, a déployé son zèle accoutumé, et ses investigations ont été couronnées de succès. Déjà, dit-on, un employé de la maison, le sieur P. B., est arrêté; tout fait espérer que ses complices seront bientôt sous la main de la justice. Quatre jours durant, Paris entier ne s’occupa que de ce vol. Puis, de graves événements survinrent : un acrobate se cassa la jambe au Cirque, une demoiselle débuta sur un petit théâtre, et le fait divers du 28 février fut oublié. Mais les journaux, pour cette fois, avaient été – peut-être à dessein – mal ou du moins inexactement renseignés. Une somme de trois cent cinquante mille francs avait été, il est vrai, soustraite chez M. André Fauvel, mais non de la façon indiquée. Un employé, en effet, avait été arrêté provisoirement, mais on n’avait recueilli contre lui aucune charge décisive. Ce vol, d’une importance insolite, restait sinon inexplicable, du moins inexpliqué. Au surplus, voici les faits, tels qu’ils se trouvent relatés avec une exactitude méticuleuse aux procès-verbaux d’enquête.
2
La maison de banque André Fauvel, rue de Provence, numéro 87, est très importante, et, grâce à son nombreux personnel, a presque les apparences d’un ministère. C’est au rez-de-chaussée que sont situés les bureaux, et les fenêtres, qui prennent jour sur la rue, sont garnies de barreaux assez gros et assez rapprochés pour décourager toutes les tentations. Une large porte vitrée donne accès dans un immense vestibule où stationnent du matin au soir trois ou quatre garçons. À droite, se trouvent les pièces où le public est admis et un couloir qui conduit au guichet de la caisse principale. Les bureaux de la correspondance, du grand-livre et de la comptabilité générale sont à gauche. Au fond, on aperçoit une petite cour vitrée sur laquelle ouvrent sept ou huit guichets, inutiles en temps ordinaire, indispensables lors de certaines échéances. Le cabinet de M. André Fauvel est au premier, à la suite de ses beaux appartements. Ce cabinet communique directement avec les bureaux par un petit escalier noir, étroit et fort raide, qui débouche dans la pièce occupée par le caissier principal. Cette pièce, que dans la maison on appelle « la caisse », est à l’abri d’un coup de main, et presque d’un siège en règle, blindée qu’elle est, ni plus ni moins qu’un monito (1) . D’épaisses plaques de tôle garnissent les portes et la cloison où est pratiqué le guichet, et une forte grille obstrue le conduit de la cheminée. Là se trouve, scellé dans le mur par d’énormes crampons, le coffre-fort, un de ces meubles fantastiques et formidables qui font rêver le pauvre diable dont la fortune entière tient à l’aise dans un porte-monnaie. Chef-d’œuvre de la maison Becquet, ce coffre-fort a deux mètres de haut sur un mètre et demi de large. Entièrement en fer forgé, il est à triple paroi, et à l’intérieur se trouvent des compartiments isolés pour le cas d’incendie. Une clé, petite et mignonne, ouvre ce meuble. C’est que, pour ouvrir, la clé est la moindre des choses. Cinq boutons d’acier mobiles, sur lesquels sont gravées toutes les lettres de l’alphabet, constituent surtout la force de l’ingénieux et puissant appareil de fermeture. Avant de songer à introduire la clé dans la serrure, il faut pouvoir replacer les lettres des boutons dans l’ordre où elles se trouvaient quand on a fermé. Aussi, chez M. Fauvel, comme partout, du reste, ferme-t-on la caisse avec un mot qu’on change de temps à autre. Ce mot, le chef de la maison et le caissier le connaissent seuls. Ils ont aussi chacun une clé. Avec un tel meuble, possédât-on plus de diamants que le duc de Brunswick, on doit dormir sur les deux oreilles. On ne court, ce semble, qu’un danger, celui d’oublier le mot qui est le « Sésame ouvre-toi » de la porte de fer… Cependant, le 28 février au matin, les employés de la maison Fauvel arrivèrent à leurs bureaux comme d’ordinaire. À neuf heures et demie, chacun était à sa besogne, lorsqu’un homme d’un certain âge, très brun, à tournure militaire, en grand deuil, se présenta dans le bureau qui précède la caisse, et où travaillent cinq ou six employés. Il demandait à parler au caissier principal. Il lui fut répondu que le caissier n’était pas encore arrivé, et que d’ailleurs la caisse n’ouvre qu’à dix heures, ainsi que l’annonce un grand écriteau placé dans le vestibule. Cette réponse parut déconcerter et contrarier au dernier point le nouveau venu. – Je pensais, dit-il d’un ton sec frisant l’impertinence, que je trouverais quelqu’un à qui m’adresser, m’étant entendu hier avec monsieur Fauvel. Je suis le comte Louis de Clameran, maître de forges à Oloron; je viens retirer trois cent mille francs confiés à la maison par mon frère, dont je suis l’héritier. Il est surprenant qu’on n’ait pas donné d’ordres… Ni le titre du noble maître de forges, ni ses raisons ne parurent toucher les employés. – Le caissier n’est pas arrivé, répétèrent-ils, nous ne pouvons rien. – Alors, conduisez-moi près de monsieur Fauvel. Il y eut une certaine hésitation, mais un jeune employé nommé Cavaillon, qui travaillait près de la fenêtre, prit la parole. – Le patron est toujours sorti à cette heure, répondit-il. – Je repasserai donc, fit M. de Clameran. Et il sortit, sans saluer ni même toucher le bord de son chapeau, comme il était entré. – Pas poli, le client, fit le petit Cavaillon, mais il n’a pas de chance, car voici justement Prosper. Le caissier principal de la maison André Fauvel, Prosper Bertomy, est un grand beau garçon de trente ans, blond, avec des yeux bleus, soigné jusqu’à la recherche et mis à la dernière mode. Il serait vraiment très bien s’il n’outrait le genre anglais, se faisant froid et gourmé à plaisir, et si un certain air de suffisance ne gâtait sa physionomie naturellement riante. – Ah ! vous voilà ! s’écria Cavaillon, on est déjà venu vous demander. – Qui ? un maître de forges, n’est-ce pas ? – Précisément. – Eh bien ! il reviendra. Sachant que j’arriverais tard ce matin, j’ai pris mes mesures hier. Prosper avait ouvert son bureau, tout en parlant, il y entra refermant la porte sur lui. – À la bonne heure ! s’écria un des employés, voilà un caissier qui ne se fait pas de bile. Le patron lui a fait vingt scènes parce qu’il arrive toujours trop tard, il s’en soucie comme de l’an quarante. – Il a, ma foi, bien raison, puisqu’il obtient tout ce qu’il veut du patron ! – D’ailleurs, comment viendrait-il matin; un garçon qui mène une vie d’enfer, qui passe toutes les nuits dehors. Avez-vous remarqué sa mine de déterré, ce matin ? – Il aura encore joué, comme le mois passé; j’ai su par Couturier qu’en une seule séance il a perdu mille cinq cents francs. – Sa besogne en est-elle moins bien faite ? interrompit Cavaillon. Si vous étiez à sa place… Il s’arrêta court. La porte de la caisse venait de s’ouvrir et le caissier s’avançait d’un pas chancelant. – Volé ! balbutiait-il, on m’a volé !… La physionomie de Prosper, sa voix rauque, le tremblement qui le secouait exprimaient si bien une affreuse angoisse, que tous les employés ensemble se levèrent et coururent à lui. Il se laissa presque tomber entre leurs bras, il ne pouvait plus se soutenir, il se trouvait mal, il fallut l’asseoir. Cependant ses collègues l’entouraient, l’interrogeant tous à la fois, le pressant de s’expliquer. – Volé, disaient-ils; où, comment, par qui ? Peu à peu, Prosper revenait à lui. – On a pris, répondit-il, tout ce que j’avais en caisse. – Tout ? – Oui, trois paquets de cent billets de mille francs et un de cinquante. Les quatre paquets étaient entourés d’une feuille de papier et liés ensemble. Avec la rapidité de l’éclair la nouvelle d’un vol s’était répandue dans la maison de banque; les curieux accoururent de toutes parts; le bureau était plein. – Voyons, disait à Prosper le jeune Cavaillon, on a donc forcé la caisse ? – Non, elle est intacte. – Eh bien, alors… – Alors il n’en est pas moins un fait, c’est qu’hier soir j’avais trois cent cinquante mille francs, et que je ne les retrouve plus ce matin. Tout le monde se taisait; seul, un vieil employé ne partagea pas la consternation générale. – Ne perdez donc pas ainsi la tête, monsieur Bertomy, dit-il; songez que le patron doit avoir disposé des fonds. Le malheureux caissier se dressa tout d’une pièce; il s’accrochait à cette idée. – Oui ! s’écria-t-il, en effet, vous avez raison; ce sera le patron. Puis réfléchissant : – Non, reprit-il d’un ton de découragement profond, non, ce n’est pas possible. Jamais, depuis cinq ans que je tiens la caisse, monsieur Fauvel ne l’a ouverte sans moi. Deux ou trois fois il a eu besoin de fonds, et il m’a attendu ou envoyé chercher plutôt que d’y toucher en mon absence. – Peu importe, objecta Cavaillon; avant de se désoler, il faut l’avertir. Mais déjà M. André Fauvel était prévenu. Un garçon de bureau était monté à son cabinet et lui avait dit ce qui se passait. Au moment où Cavaillon proposait de l’aller chercher, il parut. M. André Fauvel est un homme de cinquante ans environ, de taille moyenne, aux cheveux grisonnants. Il est assez gros, légèrement voûté, comme tous les travailleurs acharnés, et il a l’habitude de se dandiner en marchant. Jamais une seule de ses actions n’a démenti l’expression de bonté de son visage. Il a l’air ouvert, l’œil vif et franc, la lèvre rouge et bien épanouie. Né aux environs d’Aix, il retrouve, quand il s’anime, un léger accent provençal qui donne une saveur particulière à s

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