LE DERNIER MANUSCRIT
192 pages
Français

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LE DERNIER MANUSCRIT , livre ebook

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Description

Chirine, Madame Azary et Ayoub sont les protagonistes d’un drame qui se décline à travers la confession des passions vécues. Enchâssées à la manière d’un conte oriental, les vies sont alors racontées par une plume trempée dans l’encrier du passé sur le ton méditatif d’un récit qui se prolonge par le relais de manuscrits : l’un narre la puissance du lien unissant une mère à sa fille ; l’autre dit l’amour d’une femme pour un homme ; l’autre encore relate la liaison d’un adulte et d’une enfant. Tout cela dans une confidence à huis clos ouverte aux quatre vents. Sans mensonge, mais en taisant la vérité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9789920607254
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE DERNIER
MANUSCRIT
roman
ème2 édition© Editions Marsam, 2021
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Catchy Com, Rabat
Dépôt Légal : 2021MO4339
ISBN : 978-9920-607-25-4 Mamoun Lahbabi
LE DERNIER
MANUSCRIT
roman
ème2 éditionDu même auteur
Amours inachevées, Horizons méditerranéens, Casablanca, 1994
Dorhan, L’Harmattan, Paris, 1999
Sur tes pas, L’Harmattan, Paris, 2001
Plus que tout au monde, Afrique Orient, Casablanca, 2005
La vie volée, Marsam, Rabat, 2005
La brume des jours, Marsam, Rabat, 2007
Une journée pas comme les autres, Afrique Orient, Casablanca, 2008
La pénombre des masures, Afrique Orient, Casablanca, 2009
Vies de brouillard, Afrique Orient, Casablanca, 2010
L’épreuve de la passion, Afrique Orient, Casablanca, 2013
Entre tes mains, Marsam, Rabat, 2015
La lumière de l’aube, Casa-Express, Rabat, 2016
Une douleur à vivre, L’Harmattan, Paris, 2016
Où aller pour être loin, Marsam, Rabat, 2017
Nulle part loin de toi, Orion, Casablanca, 2018
Couverture
Abdellah Hariri
Composition calligraphie, 56 x 38 cm (détail)
Sérigraphie réalisée par Marsam, atelier d'art graphique.Chapitre 1
Je m’appelle Chirine. Je me suis toujours demandé d’où ma mère
tenait ce prénom. Là où je suis née, à Sefrou, personne ne l’avait encore
donné. C’est du moins ce que ma mère m’a toujours dit. Et à Sefrou,
nous nous connaissons tous. Chacun sait tout de la vie de l’autre.
Les naissances, les circoncisions, les accidents, les maladies, les
mariages, les divorces, les décès…, tout, absolument tout, appartient
à la curiosité collective. À Sefrou, la vie est à ciel ouvert, on ne peut
rien cacher ; pas même les détails d’existences insignifantes ; pas
même l’ordinaire aux effets dérisoires. On essaierait de conserver la
confdence d’un événement, le pourrait-on dans cet univers du dedans,
orienté vers lui-même et hermétique à l’extérieur. Ici, même l’intimité
déborde, et on ne tarde jamais à découvrir la mésentente dans une
famille, l’immixtion d’une belle-mère dans la vie d’un couple, les
drames autour de la répartition d’un héritage, l’absence d’enfant chez
une femme accusée d’emblée d’infertilité. On est dépositaire de sa
vie, mais on ne la possède pas. Chaque vie constitue une part de la vie
commune. Comme s’il eut été un état immanent, on consent à cette
imbrication résolue qui annihile l’individu en le comprimant dans un
moule dont il faut convenir à tous les ressorts.
Fatalement, ma mère l’aurait su si mon nom avait eu un antécédent.
Et même si l’information lui avait échappée, elle l’aurait apprise par la
bouche d’une voisine, de l’épicier ou de la tenancière du bain public.
Mais personne n’eut jamais à préciser que je m’appelais comme la
flle d’untel. Sans raison aucune et alors que je n’habitais plus à Sefrou
depuis longtemps, je restais fère de ce monopole qui me donnait
l’impression d’être exclusive. Et quand il m’arrivait d’exploser
5 le thermomètre de mon narcissisme, je me pensais unique. Cette
sensation, toujours fugace, me donnait des ailes. Quelques instants,
invariablement furtifs, je me détachais de l’atmosphère apathique où
baignaient mes jours pour m’envoler et rejoindre la grâce d’un temps
imaginaire.
Ma mère avait-elle adopté ce prénom à partir de ces flms égyptiens
inondant la télévision le jour et la nuit ? A l’adolescence, quand je lui
posai la question, elle eut cette réponse prétentieuse :
— Non, pas du tout. Ce nom, je l’ai inventé.
Ce fut la seule explication que je reçus et dont je devais me contenter.
Dans un premier temps, cela me parut injuste car je savais que toutes
les flles à Sefrou avaient une histoire à dérouler sur le choix de leurs
prénoms. Pour l’une, c’était le rappel d’une grand-mère décédée ; pour
l’autre, le témoignage d’affection à l’égard d’une tante généreuse ;
pour la troisième, le choix du père en hommage à sa mère. J’étais donc
la seule à ne pas disposer de motif à la décision de ce prénom. Et je
n’étais décemment pas en mesure de garantir la créativité supposée
de ma mère. Cette carence me ft l’effet d’une privation aux multiples
prolongements. Un lien manquait entre moi et mon identité.
N’avaisje pas aussi une grand-mère décédée, une tante généreuse, un père en
affection maternelle ? N’avais-je pas d’histoire familiale pour justifer
celle de mon prénom ? Par un tour de passe-passe brutal et sans
concession, je balayais ces interrogations soulevant en moi d’aigres
réminiscences, et adoptais mon prénom comme l’engagement de ma
mère à se distinguer.
Aujourd’hui, j’ai vingt-six ans, et je souris encore à l’évocation du
tourment qui avait agité mon questionnement. Mais en pensant à Sefrou,
était-il incongru de soulever pareille interrogation ? Tous les sujets
étaient bons à traiter. Cela contribuait à faire écouler généreusement
le temps en se donnant l’illusion de ne pas mourir d’ennui. Et puis,
pouvait-on ignorer le pourquoi d’un choix intime, et pour une fois, une
seule fois, accorder la possession exclusive d’un événement ?
Aujourd’hui, je me réjouis de la sonorité de ce prénom, peu fréquent
même dans une grande ville comme Rabat. Je trouve qu’il me va bien.
Court, je ne suis pas grande ; léger, je pèse à peine une cinquantaine
6 de kilos. Je me surprends à l’aimer comme on le ferait d’un objet
ou d’une idée. Quand je suis heureuse, cela m’arrive parfois, et que
j’aime ce que je suis, je m’entends remercier ma mère pour cette
prétendue invention. Mais peut-être en était-ce une ? Le droit de créer
s’éteint-il avec l’absence de primauté ? Les choses ne peuvent-elles
être inventées qu’une seule et unique fois ? La création se confond-elle
à l’origine ?
Cela fait déjà plus de vingt ans que j’habite Rabat. Vingt-deux ans
pour être précise. Et Sefrou est désormais bien loin. Mais de cette ville
à l’allure d’un gros bourg abandonné, jadis creuset de culture et de
raffnement, et maintenant anéantie par le dénuement et la désolation,
je garde intacts les souvenirs que ma mère a restitués pour moi,
fdèlement, dans les moindres détails, comme si j’y avais passé une
longue partie de ma vie. Tout en moi est alors encore vivace. Les scènes
remuent, les mots vibrent, les senteurs explosent. Les larmes aussi.
Les rivières ronronnent dans ma mémoire, les cascades soulèvent la
même écume blanche. Et sur mes joues coule une poussière humide.
Des larmes aussi.
Je n’y suis plus retournée. Si, une seule et courte fois. Adolescente, je
n’aurai pu, ma mère n’y consentant pas ; et adulte, je refusais obstinément
ce retour. Il ne s’agissait pas de rupture ou d’une quelconque animosité
à l’égard d’une ville somme toute inoffensive car éternellement
somnolente, mais d’un profond désir de contournement d’une page de
ma vie écrite à l’encre noire. Dans un retour, j’appréhendais la résurgence
brutale de souvenirs algiques que la première enfance, rétive à l’oubli,
conserve cruellement comme des reliques inaltérables. Je craignais
l’empreinte d’un passé de douleurs et le suintement de blessures
jamais cicatrisées. Même révolue, reléguée à un temps qui a passé son
temps, mon enfance pouvait encore me contaminer. Cette contagion
m’effrayait. Je n’étais pas de taille à affronter les jours anciens. Ma
seule arme, de défense et d’attaque à la fois, était de les éviter, de ne
pas me risquer à leur abord. Je me dérobais à cette confrontation avec
la certitude de l’inutilité de la fuite. Peut-on gommer la mémoire, la
rectifer à son gré ? L’oubli n’est-il pas une faveur provisoire accordée
à la mémoire ? J’avais peur de ma ville, et je m’en voulais d’avoir peur.
7 Dans quelques années peut-être y retournerai-je. J’aurai alors pour
moi l’usure du temps, l’épuisement de la mémoire et l’effacement des
repères. Les témoins, probablement, ne seront plus là, ou trop vieux
pour se souvenir. Entre l’amnésie des uns, la cécité des autres et le
balbutiement des plus valides, je serai méconnaissable et anonyme. A
mon tour, je serai enfn l’étrangère, celle dont on se détourne par dépit
de ne pouvoir percer les secrets de la vie. Mais les vieux auront-ils eu
l’impudeur de culbuter les confdences sur les générations naissantes ?
Diront-ils les secrets glanés méthodiquement comme le ferait un
passeur impatient de tendre le relais ? Conferont-ils, comme un secret
à colporter, la vie tumultueuse de Mahjouba qui dut quitter la ville telle
une fugitive en emportant, pour seul butin, un sac en skaï et une fllette
de quatre ans dont elle se vantait d’avoir inventé le prénom ? Mais
qu’importent leurs récits tardifs et les débris éculés de leur obscène
curiosité puisque je serai inconnue. Qu’importent les mots prononcés à
mon égard s’ils ne m’atteignent pas.
Mais ai-je besoin d’y retourner ? Les souvenirs sédentarisent-ils
autant que la propriété ? Me faut-il retrouver l’écrin de ma naissance
pour reconquérir mon enfance et mon adolescence ? Le ressac est-il un
mouvement cathartique ? Mon impérieux désir d’avenir se nourrit-il
absolument de racines, de liens ?
Aujourd’hui, à vingt-six ans, dans cette vie où j’ai vécu plusieurs
années dans chacune, les mêmes interrogations me taraudent encore.
Et dans cette agitation, j’échoue à apurer un passé qui me poursuit en
projetant son ombre grise devant mes pas. A mon corps défendant, je
reste prisonnière de mes jours anciens ébréchés comme le serait un outil
ayant trop servi. Cet arrimage obsessionnel au passé, je l’ai rencontré
chez Sandor Maraï dans son roman « Les braises ». L’écrivain hongrois
y décrit l’attente hantée d’un personnage irréversiblement chevillé à
une histoire dont il guette, avec l’acuité d’un félin, le dénouement. En
guérissant de son cauchemar, il s’acquitte d’un lourd écot. A mon tour,
parviendrai-je à me libérer ?
Et puis, il y a eu cette migration à Rabat qui allait me projeter, à
l’aube de ma vi

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