LE CHANT DE LA HUPPE, Le lieu de soi - Tome 2
184 pages
Français

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LE CHANT DE LA HUPPE, Le lieu de soi - Tome 2 , livre ebook

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Description

Dans ce deuxième tome, l'auteur suit les pas de Fadi. personnage central dans L'enfant assiégé, paru chez Marsam, dans sa quête. Il s'enfonce dans ce qui reste de lui, passe au crible ses débris, remonte lentement en s'arrêtant en chemin le temps de s'acclimater, à l'instar du plongeur en eaux profondes, muni des pièces réparables et, une fois arrivé à la surface, au terme de cette longue quête, il lui faudra colmater son identité fissurée, reconstruire le lieu de soi, réécrire sa fable, rejouer sa vie ou de désespoir s'étouffer dans un dernier hurlement.* La première fois, je devais avoir cinq ans. Cela faisait à peine une semaine que j'avais amorcé mon apprentissage à l'école coranique. Après m'avoir montre les deux ou trois lettres de l'alphabet à reproduire sur mon ardoise en bois, le frihm intima l'ordre de le rejoindre dans la seconde pièce, qui lui servait de chambre à coucher, de cuisine et de séjour. En entrant, il me demanda d'une voix douce de déposer mon ardoise et de m'approcher de lui. Ce que je fis. - Enlève ton pantalon, m'ordonna-t-il sur un ton qui ne tolérait pas de réplique

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9789954744550
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le lieu de soi
Tome 2
LE CHANT DE LA HUPPE
Roman© Editions Marsam - 2019
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Imprimerie et Editions Bouregreg - 2019
Dépôt légal : 2019MO0380
I.S.B.N. : 978-9954-744-55-0M’hammed Mellouki
Le lieu de soi
Tome 2
LE CHANT DE LA HUPPE
RomanDu même auteur :
• Le lieu de soi (tome 1) : L’enfant assiégé, Ed. Marsam, 2019
• Le lieu de soi (tome 2): Le chant de la huppe, Ed. Marsam, 2019
• La femme d’Issaguen, à paraître.
Couverture
Mohamed Zouzaf
Sans titre, acrylique sur cuir, 80 x 80 cm, 2018
Collections MarsamTous les dieux, tous les démons,
les paradis et les enfers sont en nous.
(Les secrets des soldats de Benghazi)7
J’ai fait sa connaissance au début de l’automne 1999.
À notre deuxième rencontre, je lui ai donné un prénom
bien de chez nous : Zuina, belle. Elle m’a rebaptisé
Gourmand.
L’aventure commença tout à fait par hasard. Nous
nous connaissions, mais de loin. Nous quittions la Faculté
des sciences de l’éducation un jeudi en fn d’après-midi
en échangeant des banalités à propos du temps qu’il
faisait. Sur le chemin vers le parc de stationnement, une
étudiante nous a offert des billets pour un concert de
musique métisse le lendemain soir.
— Du métissage, hein ! il s’en fait partout maintenant
à cause de la mondialisation et de l’hyperactivité des
musiciens, a philosophé Zuina, indolente.
Nous nous sommes dévisagés et d’un commun accord
nous avons accepté.
— Pourquoi ne viens-tu pas manger chez moi avant
d’aller au spectacle ? lui ai-je suggéré sur un ton neutre
pour ne pas l’effaroucher.
— Mais c’est génial ! Qu’est-ce que vous allez
préparer ?
— Des calmars sautés. Un truc simple, mais bon.
— J’adore les calmars.
La mi-vingtaine tout juste, Zuina était jolie et
aguichante, avec de larges yeux efflés vers les tempes ;
sur ses lèvres charnues passait et repassait sans hâte
sa langue épaisse ; des vagues de cheveux blonds
atterrissaient sur le rebondi des seins. Assez rebelles, ces
seins qui forçaient de toute leur fermeté sur les boutons
du chemisier. La courbure qui s’esquissait au coin de ses
lèvres lorsqu’elle souriait devait être identique, c’était 8 Le lieu de soi (tome 2)
mon idée, aux joviaux plis prenant forme entre la croupe
et le haut des cuisses dès lors qu’elle se mettait à plat
ventre. Zuina me vouvoyait. Mais le rapprochement
avec elle, je l’avais tout de suite compris, n’était pas
compromis par ce qui me semblait ne représenter qu’un
restant de snobisme.
Zuina s’intéressait à un tas de choses, en avait
réalisé tant d’autres que, forcément, nous avons fni par
construire un espace commun, malgré les différences
qui nous séparaient. Un espace commun est fait de riens
infnis et, par conséquent, ne tient à rien. Il me semblait
que, l’un comme l’autre, nous étions conscients de la
fragilité des constructions humaines. De fl en aiguille,
nos échanges nous conduisirent à la musique. Nous nous
découvrîmes une passion commune pour le jazz.
— Ça te dirait d’aller au Clarendon, après le
spectacle ? lui avais-je proposé. Il y a de bons groupes
de jazz et de blues.
— Ce serait cool !
Mine de rien, en nous cramponnant aux liens tout
juste noués, nous avons concocté une « hyperbonne
soirée », comme aurait dit Zuina qui affectionnait tous
les néologismes commençant par « cyber » et « hyper ».
Nous avons savouré en badinant les calmars sautés,
arrosés d’un chablis 1991, et terminé par un sorbet aux
fruits des champs accompagné de biscuits aux amandes.
Nous nous sommes ensuite dépêchés d’aller assister au
concert. On était vendredi soir.
C’était pas mal, a commenté Zuina. Nous venions
de quitter la salle de spectacle de l’église Saint-Roch.
Il était près de vingt-deux heures et il faisait un temps
pluvieux. La rue Saint-Joseph était presque déserte. Le
temps de m’allumer un cigarillo, Zuina me distança, ses
cheveux blonds fottaient sur ses épaules. Tout à coup, 9Le chant de la huppe
sorti d’une porte cochère, un jeune homme lui barra le
chemin. Au coin de la rue Saint-Dominique, un homme et
une femme attendaient, l’air amusé, la réaction de Zuina
à la proposition de l’étranger. Quand je l’interrogerai le
lendemain, Zuina choisira le haïku, toutefois libéré de
ses règles classiques, pour me résumer la mignonnette
aventure. Cela nous permit de découvrir une autre
affnité, cette fois-ci autour de la poésie.
Il s’avance d’un pas hésitant vers la blonde :
Ma belle, viens-tu prendre une bière avec moi ?
Le billet exhibé ne sufft pas, derrière il y a le
compagnon.
Plus loin, un couple l’invite au club de rencontres :
Vous partagerez bien le hasard d’un soir ?
La tentation est là, le compagnon aussi, il manque le
reste.
Au Clarendon, nous ne sommes pas passés inaperçus.
Je sais qu’il y a un tas de raisons pour expliquer l’attrait
qu’exerça notre couple sur les clients, mais je m’en
tiendrai à une seule. Je passais pour un consommateur,
Zuina avait l’emballage d’une marchandise à croquer. Elle
ne semblait pas avoir de préjugé contre, ni moi d’ailleurs.
Dès qu’elle fut assise, Zuina parla du mémoire de master
qu’elle préparait. Cela me donna l’occasion de lui faire
quelques remarques concernant la méthodologie de la
recherche. Elle exprima le souhait que je lise son
avantprojet avant de le soumettre à son directeur de recherche,
un prof compétent, mais trop strict à ses yeux. Elle me
l’enverra par courrier électronique, nous nous reverrons
le lendemain soir pour en discuter. Puis, ce fut le calme,
je veux dire entre nous deux. Il y a des personnes comme
Zuina qui sentent approcher les pas feutrés du silence
bien que l’endroit fût si bruyant qu’il fallait crier pour se 10 Le lieu de soi (tome 2)
faire entendre. Afn de s’en prémunir, Zuina commença
à me redonner du vous. Que pensez-vous, monsieur
Foulane, de l’idée d’interviewer des enseignants,
quelques professionnels, la direction de l’établissement,
le psychologue scolaire, l’orthopédagogue, les parents ?
De recouper les renseignements recueillis auprès des
uns et des autres ? Et les élèves ! Après tout, ce sont les
premiers concernés. Je pourrais peut-être m’entretenir
avec eux, si j’obtenais l’autorisation de leurs vieux.
On ne peut plus bouger le petit doigt sans vérifer s’il
n’existe pas une loi qui l’interdit. Est-ce cela qu’on
appelle une société de droit ? Je veux me débarrasser du
chat du voisin qui chie dans ma cour et il n’existe aucun
règlement qui me le permet. Quelle communauté est-ce
donc que la nôtre ! Vous devez en avoir une idée, vous ?
Je m’apprêtais à aider Zuina à repousser le silence, le
sax me devança. Nous en restâmes là.
La dernière note d’une pièce de Miles Davis mourait
lorsque Zuina m’apostropha, coupant court au silence
qui menaçait. Elle revenait sur le concert de musique
métisse.
— Qu’êtes-vous allé raconter à la nana qui a interprété
une chanson dont je n’ai pas compris un traître mot ?
— Je l’ai félicitée. Cette excellente musicienne
s’appelle Amina Alaoui. C’est elle qui a mis en musique
ce superbe poème d’Ibn Hazm dans lequel il parle de
l’une de ses expériences amoureuses.
— Encore un de ces importés ! Ce n’est donc pas
nouveau, ces va-nu-pieds qui arrivent baluchon sur l’épaule
et veulent aussi sec qu’on leur déroule le tapis rouge !
— Ibn Hazm est issu d’une famille arabe fxée en
eAndalousie depuis la conquête arabe au VIII siècle. Ce
n’était pas n’importe qui, crois-moi. Son père était un
haut fonctionnaire. Lui-même avait occupé tour à tour les 11Le chant de la huppe
fonctions de juge, de ministre et de conseiller du calife
avant de se retirer de la vie publique et de se consacrer
au savoir et à l’écriture. L’œuvre qu’il a laissée comporte
au-delà de quarante volumes touchant à presque tous les
domaines de connaissance de son époque : philosophie,
exégèse, logique, théologie, histoire, droit, psychologie,
poésie et critique littéraire. Certains de ces ouvrages
sont toujours étudiés dans les prestigieuses universités
du monde arabe, à Bagdad, au Caire, à Fès.
— Je n’étais pas au courant qu’il y avait une université
à Bagdad. Tout ce que je sais de cette ville, c’est qu’elle
a abrité des personnages célèbres, imaginaires ou
réels, je n’en ai pas la moindre idée. Ali Baba, Aladin,
Schéhérazade et d’autres personnages de ce genre. Mais
qu’est-ce que racontait le poème pour que vous preniez
la peine d’aller féliciter la chanteuse ?
— Ibn Hazm avait une conception originale de
l’amour, que je partage d’ailleurs. Aux yeux de ce poète
et philosophe, aimer, c’est choisir un être parmi et contre
tous les autres. L’amour est négation de la cité et de ses
lois. En plus de lutter pour s’affranchir de ses normes et
ses usages, les amants doivent résister à l’invasion de
l’autre, se défendre contre l’anéantissement de soi dans
l’autre. Quant au poème chanté, il dit son...
— Excusez-moi, mais vous trouvez ça postmoderne,
vous, cette soi-disant conception de l’amour ?
Je n’ai pas eu à répondre. La contrebasse prit le relais.
Mon esprit, lui, demeura en compagnie d’Ibn Hazm. La
mémoire, faisant f de l’instant, s’ouvrit sur un moment
de ma vie où le poète fut à l’honneur, dans de tristes
circonstances, hélas !
Il me restait deux années au lycée avant d’obtenir
mon bac lorsque j’ai fait la connaissance de Nabil. Je
n’avais pas le sou à l’époque. Mes parents vivaient à la 12 Le lieu de soi (tome 2)
campagne, ils avaient à peine de quoi nourrir, souvent
de pain et de thé à la menthe, mes frères et sœurs qui
ne fréquentaient pas l’école. Nabil était instituteur, il
m’a fourni le gîte et le couvert pendant deux ans, sans
rien exiger en contrepartie, sinon de faire

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