Le bambane
240 pages
Français

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Le bambane , livre ebook

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Description

C’est pourtant la fin de la guerre 14/18, mais pour Marie Bollon, jeune paysanne initiée à l’ésotérisme, c’est le début d’une lente descente aux enfers quand son ivrogne d’époux rentre du Front. Calomnies, trahisons, mensonges, visions cornues, secrets de famille, soif de vengeance, vont entraîner une famille dans une spirale infernale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 août 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332586292
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright




Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-58627-8

© Edilivre, 2013
A douze ans, avec le plus grand sérieux, je fis cette promesse à ma grand-mère :
– Mémé, plus tard, j’écrirai un livre sur ta vie.
Elle me regarda sans sourciller et me répondit avec le même sérieux :
– Ma Cara, ma vie n’est pas assez intéressante.
Je compris qu’elle ne me ferait aucune confidence « sur les secrets de famille » qu’elle cachait et qui titillait ma jeune curiosité.
Deux ans plus tard, elle quitta ce bas monde en emportant avec elle « ses mystères ».
Qu’était devenu ce grand-père peu recommandable qui la laissa seule avec cinq garçons à élever ? Pourquoi son Grand Amour s’était-il suicidé ? Qui était ce cousin éloigné, Mort pour la France, enterré au village ? Qu’avait-elle bien pu faire avec ce bouquin de sorcellerie qui fut brûlé à son décès selon sa volonté ? Tant de questions auxquelles personne ne voulait répondre.
Les années passèrent…
– Mémé, j’ai enfin terminé le livre sur ta vie.
– Ma Cara, ce n’est pas tout à fait ma vie.
– Je sais, mais je me suis laissé emporter par mon imagination puisque tu es partie avec ta vérité.
Chapitre 1 « Un bon chien en fait pisser sept »
« Pe lé deuj’ agu de dyablou (par les deux cornes du diable), le mal, que vous me faites, vous retombera dessus ! persifle-t-elle en croisant l’index et le majeur ».
Elle courbe le dos sous les rafales d’un vent mauvais et glacial… une bise implacable et malsaine… de celle qui ravive les plaies déjà si purulentes… à coups d’intolérables morsures pugnaces à faire regretter d’avoir mis le nez dehors. Mais rien n’arrête cette énergie déchaînée, cette rage au ventre submergeant les meilleures intentions… emportant les derniers lambeaux d’une raison ébranlée. Ce n’est plus le vent qui lui dicte sa loi mais elle, transformée en ouragan, résistant sans bien s’en rendre compte aux violentes bourrasques de ce mois de novembre.
La Marie, le chapeau trop enfoncé, s’éloigne de la place du marché… sans se retourner… laissant à leurs sottes parlottes ces sottes personnes à la morale étroite. Elle sent sur sa nuque leurs ondes hostiles.
« Pov’ barjaques, vous pouvez toujours médire… et blablabla… CRIMINEL… et blablabla… COUPABLE ! Si seulement ils cherchaient… à comprendre… ça… ils peuvent pas ! pô sé qu’on de fin dè che boute (pas ceux qui ont du foin dans les bottes, de l’argent) !».
Ici… la terre, les bêtes, le travail. Toujours le même labeur, toujours la même peur, la peur de crever de faim ou de crever tout court.
Cette longue guerre qui ronge comme la lèpre, qui gangrène et consume à petit feu… cette attente où elle plonge en espérant qu’une fatale nouvelle du Front ne viendra pas l’engloutir complètement… ou qui sait… la soulager.
Ce soir, elle ne se contrôle plus… Elle a dû réveiller les démons de l’au-delà… et c’est ce pouvoir surnaturel qui l’emmène loin de ces culs-terreux. D’ailleurs, elle les maudit. Surtout ce guignol d’adjoint au maire… bouffi, fuyant, poigne mollassonne… et cette mine de déterré… de celle que les défuntés affichent sur ces photographies en noir et blanc.
Un tourbillon haineux s’engouffre dans le chemin, féroce et cruel, arrachant les dernières feuilles aux arbres… en un éclair, sinistrement dépouillés, livrés sans défense à la fureur d’une nature peu conciliante… s’acharnant sur les toitures d’où s’échappe un grincement lugubre. Normal, elle approche du loyasse (cimetière). Ce soir, les trépassés ont déserté leurs tombes. Les croix majestueuses se dressent dans la pénombre, mystérieuses, terrifiantes, pourtant si envoûtantes.
Elle ne voit rien… pas même la ferme des Morillon qu’elle vient de passer. Elle arrive à l’angle des Hauts de Hurle-Vent où les éléments convergent en un seul point et se décuplent sous les forces maléfiques… car… c’est ici, la croisée vers l’enfer. Dans ce coin du village, personne ne s’y aventure. Après sa maison, des prés, des vaches, des cochons et de la volaille. Après sa maison, c’est le néant. D’ailleurs qui voudrait habiter en face d’un jardin aussi macabre ? Elle bifurque à droite… une puissance invisible la précipite vers le talus qu’elle dégringole à une vitesse vertigineuse. Elle traverse la cour de terre battue puis enjambe rapidement les trois marches du perron.
La porte gémit comme pour annoncer son retour. Le vieux lève la tête et fronce des sourcils. Surpris par la brutalité de sa fille, ses doigts recroquevillés se mettent à trembler. Elle est arrivée en amenant la tempête du dehors… Lui qui a déjà si froid en dedans… C’est sûr elle va crier… le secouer. Non, il n’en a pas besoin… pas aujourd’hui.
– Des soucis ?
Ses pupilles claires se perdent un instant dans le feu purificateur. Juste un silence et un crépitement de bois.
– Où est Léon ?
Un bambin de trois ans, aux joues barbouillées, franchit le seuil.
– Z’ai peur, Man !
– Comment peux-tu laisser traîner un enfant aussi tard ?
– Gronde pas Pépé, z’avais envie de faire caca !
– Pi lou pouteyon a ka i cherva (Et le pot, à quoi il sert) ?
Anselme Bollon soupire. Elle se tait. Elle n’a pas le droit de lui parler sur ce ton. Mais en cette fin de journée… elle est lasse.
– Z’ai faim !
Et même ce satané clocher la sermonne en balançant six gongs percutants. Ils ont raison. Inutile de se morfondre.
L’huis s’ouvre bruyamment sous la vivacité de deux garçonnets. Pour la seconde fois, le sale temps envahit la pièce. L’ancêtre sursaute. Tant de brusquerie l’effraie et l’exaspère.
« Ne puis-je aspirer à quelque repos ? NON ! C’est trop leur demander ! ».
Il s’est résigné… depuis l’instant où ELLE lui a lâché la main dans un râle. Pour le pire et le meilleur. Maintenant, le voilà, veuf, dans une carcasse délabrée, pour le pire. Le meilleur est derrière. Il le garde en lui comme une orange de Noël illuminant le crépuscule de sa lente agonie.
Il ignore les énergumènes venant de faire irruption avec toute la sauvagerie de la jeunesse. Il ne les connaît que trop bien. Jules, six ans, un poltron qui vendrait les siens pour une bouchée de pain. Son cadet d’un an, Lucien, guère mieux… un rouquin rebelle né le vendredi 13 juin 1913. Un phénomène mystique ou une vilaine superstition ?
– Bande de salopiaux, d’où rentrez-vous à pas d’heure ? Et les chèvres, avez-vous pensé aux chèvres ?
– C’est MOI qui les ai rentrées, Man, pendant qu’il se battait avec ceux de la rue du Moulin !
– Ah ben vouat ! TOI, tu vas goûter de mon bâton pour avoir vendu ton frère comme une peau de lapin, et TOI le bagarreur pour me tuer à la tâche sur tes habits arrachés que je vais devoir rapetasser !
– C’est pas juste ! Je prends toujours pour lui, t’es toujours du côté du roux-poils ! Ils ont raison quand i disent que tu préfères le diable et que t’es une sorcière !
– Décanillez d’ici ! Et allez chercher l’eau au puits au lieu de discutailler ! ordonne le patriarche.
« T’es pas prêt d’y voir le jour où je courberai la tête ! I font rien que de m’embêter ! marmonne Lucien entre ses chaillottes ».
Sitôt dehors il houspille le frangin.
– Que j’t’y reprenne plus à cafarder, sinon t’es mort !
– Si je li ai dit, c’était manière de dire.
– T’es plus un mami à l’âge du pipi-caquette. Les adultes y zont pas besoin d’connaître nos affaires ! Eux, i zont des secrets ! Et ben nous c’est pareil !
– J’ai pas ton courage, Lulu. Même si j’suis l’plus grand. Toi, ta tignasse elle te rend fort !
– J’ t’en fais cadeau !
– J’ suis brassé à l’idée de la correction qu’on a failli recevoir.
– Tu changeras donc jamais ! Dépêchons-nous. I vont encore s’énerver !
– Moi je tire pas le loquet. J’ai les biceps en accordéon… à cause des engueulades.
– Alors approche la lampe !
La targette de la barrière du jardin cède sous la pression d’une grimace de souffrance et… de frêles muscles.
– Remue-toi les fesses spèce de bestiasse !
– Je croyais qu’on avait fait la paix ?
– C’est pour roux-poils. Allez hue !
Jules scrute… aux abois… ce paysage fantasmagorique. Devant lui… cette immense étendue qu’il devine plus qu’il ne voit. Longer l’allée… l’interminable allée. Et au bout… le puits. Si loin… Si inaccessible… Si dangereux. Des formes étranges bougent sous le souffle du vent. Il écarquille les yeux pour détecter une présence possible. Deux agates faisant roue libre… La bouche entrouverte… La lèvre inférieure grelottante… La main moite enserrant la lanterne à en briser l’anse. Après le potager, les champs… Après les champs, les étangs. La sueur glace son front et les mollets chancellent. Du courage ! Il n’en a pas ou si peu !
– T’as la favette ! Arregarde ce que c’est qu’un homme !
Crânement, il se met en chemin comme un brave poilu, au pas cadencé, chantant à tue-tête sur l’air de la Madelon.
« Quand couille molle vient se servir au puits,
Il a si peur qu’il en fait dans son froc,
Et chacun le traite d’abruti,
Un abruti dont on s’ moque.
Le couille molle pour nous n’est qu’un poltron
Quand on lui prend ses billes ou ses boutons,
Il pleurniche et nous on en rigole,
Couille molle, couille molle, couille molle ! ».
Le courant module la voix et le rire cristallin se perd, plus perfide, dans les trémolos de la tourmente. Jules, docile, se dépêche et adopte l’allure du fanfaron pour ne pas se retrouver nez à nez avec la nuit noire. D’humeur joyeuse, le gai luron accroche le seau à la poulie et lâche brutalement la manette. Dans un fracas et un crissement tragiques, dans un magnifique plongeon acrobatique, dans un éclaboussement spectaculaire, le récipient brise la surface insondable du miroir aquatique.
– T’es qu’un fada ! Et si la corde avait cassé ! Qu’est-ce qu’on aurait pris !
– Viens plutôt remonter le seille !
Les quatre menottes posées côte à

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