434
pages
Français
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2022
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Ebook
2022
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Publié par
Date de parution
09 septembre 2022
Nombre de lectures
0
EAN13
9782902039319
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Les frères Okimasis sont des enfants de la toundra. Nés nomades dans l’extrême nord du Manitoba, arrachés à leur famille et envoyés dans un pensionnat catholique du Sud lointain, Champion et Ooneemeetoo, rebaptisés Jeremiah et Gabriel, apprennent à avoir honte d’eux et des sévices que les prêtres leur font subir. Grandissant loin des leurs et de leur culture, mais protégés toute leur vie durant par la mystérieuse « Reine blanche », c’est dans les arts qu’ils s’accomplissent, l’un devenant musicien, l’autre danseur. En partie autobiographique, ce roman épique, porté par une langue aux accents de réalisme magique, mêle avec un rare talent les rêves, l’histoire et la mythologie du peuple cri.
Publié par
Date de parution
09 septembre 2022
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0
EAN13
9782902039319
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Éditeur Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale Joël Faucilhon — numérisation Marie-Laure Jouanno — réalisation des pages intérieures © Olivier Mazoué — création du cahier de couverture, illustration originale et logotypes
© Éditions Dépaysage, 2022
ISBN (papier) : 978-2-902039-30-2 ISBN (epub) : 978-2-902039-31-9
Ce roman de Tomson Highway, dans sa version originale en langue anglaise, a été publié par Doubleday Canada sous le titre Kiss of the Fur Queen . La version en langue française, traduite par Robert Dickson, a été publiée par Les Éditions Prise de parole sous le titre Champion et Ooneemeetoo . © Prise de parole, 2019 [2004] © Tomson Highway, 1998 Traduction © Robert Dickson, 2004 Tous droits réservés
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
LE BAISER DE LA REINE BLANCHE
Un roman de Tomson Highway
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Traduit de l’anglais canadien par Robert Dickson Préfacé par Franck Miroux
À la lectrice, au lecteur
Le texte que vous vous apprêtez à lire a été traduit de l’anglais canadien au français canadien par le grand poète Robert Dickson. Il n’a fait l’objet d’aucune adaptation à destination d’un lectorat francophone de France. Seuls quelques termes et expressions font l’objet, dans un lexique final organisé par chapitre, d’une note explicative.
— L’éditeur
Igwani igoosi, n’seemis
Ne ménagez aucun effort pour dissuader les Indiens de donner libre cours à leur pratique complaisante de la danse. — Extrait d’une lettre de Duncan Campbell Scott, Surintendant général adjoint au ministère des Affaires indiennes, Ottawa, Canada, envoyée en lettre circulaire à ses fonctionnaires, le 15 décembre 1921.
La nuit, quand les rues de vos villes et villages seront silencieuses, elles se rempliront des foules qui y habitaient autrefois, et qui aiment encore cette belle terre. L’homme blanc ne sera jamais seul. Qu’il soit juste et qu’il se comporte envers mon peuple avec bonté. Car les morts ne sont pas sans pouvoir. — Grand chef Seattle des Squamish, 1853.
Une odyssée boréale
I l y a près de vingt-cinq ans, l’auteur et musicien nehiyaw 1 Tomson Highway publie ce qui reste à ce jour son unique roman : Kiss of the Fur Queen . Highway, qui est alors connu en tant que dramaturge 2 , propose un ouvrage dont les répercussions sur le développement des littératures autochtones du Canada sont considérables.
Tout d’abord, il pose une parole et un discours sur un sujet qui commence à peine à émerger dans le débat public au Canada, celui des pensionnats indiens, qui fonctionnent des années 1880 aux années 1970 pour la plupart 3 , une institution que l’auteur et son frère cadet, René, fréquentent dans les années 1950 et 1960. Kiss of the Fur Queen est donc un récit de la souffrance, de la déculturation et de l’humiliation, puisqu’il retrace de manière fictive le parcours de l’auteur et de son frère, mais aussi de beaucoup d’enfants autochtones envoyés dans ces établissements.
Dans un deuxième temps, Highway produit un texte dans lequel le degré de créolisation de la langue et de la culture hégémoniques, l’anglais et les valeurs anglo-saxonnes en l’occurrence, est particulièrement marqué 4 . Jusqu’alors, aucun auteur autochtone canadien n’est parvenu à remettre autant en question la prétendue supériorité des systèmes et des cultures « dominants » pour permettre l’affleurement des langues, des cultures et des modes de pensée réprimés. De sorte que, au-delà du récit de la souffrance, Kiss of the Fur Queen est également un récit du rétablissement, l’histoire d’une l’indianité et d’une dignité recouvrées.
Mais l’importance du roman de Tomson Highway dépasse le simple cadre des littératures autochtones, et même de la littérature canadienne. En effet, Highway redéfinit la structure même du roman afin que les récits oraux des conteurs et des conteuses de son peuple puissent s’exprimer au sein d’une forme initialement coloniale 5 . Kiss of the Fur Queen n’est pas seulement un texte autochtone fondateur, c’est aussi un récit qui participe de la survivance à la fois du genre romanesque et des oratures 6 amérindiennes.
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La traduction que j’ai l’honneur de préfacer est celle de Robert Dickson, publiée pour la première fois en 2004 par la maison d’édition ontarienne Prise de parole. Dickson, décédé en 2007, n’est pas simplement traducteur, il est lui-même poète. Un poète reconnu, puisque le prestigieux Prix du Gouverneur général lui est décerné pour un de ses recueils en 2002, mais aussi un poète qui fait le choix de la langue minoritaire pour écrire et pour traduire. Né dans une famille anglophone de l’Ontario, Dickson étudie le français à l’université. Devenu enseignant au sein du département de français de l’Université Laurentienne, il compose l’intégralité de son œuvre dans cette langue qu’il aime tant et qu’il emploie, dit-il, à sa manière 7 .
Le parcours de Dickson n’a rien d’anodin lorsqu’il s’agit d’apprécier sa traduction de Kiss of the Fur Queen – que Tomson Highway, m’a-t-il confié, affectionne tout particulièrement. Dickson est parvenu à reproduire le degré de créolisation constitutif du « texte source ». Ainsi, l’emploi de termes et de structures propres aux variantes québécoise et ontaroise 8 du français canadien viendra parfois déstabiliser le lecteur francophone d’Europe. C’est une très bonne chose. Cela lui permettra d’éprouver le sentiment d’étrangeté et de « défamiliarisation » que le lecteur anglophone ressent souvent à la lecture de la version non traduite du roman de Highway.
Dickson a également saisi les subtilités de cette écriture puissante ainsi que l’ironie qui émane de ce récit protéiforme. Il suffit de prendre un exemple dans sa traduction pour comprendre à quel point il s’est montré capable de restituer l’humour subversif – corrosif, même – caractéristique de l’écriture de Highway. Dans le chapitre onze, Ooneemeetoo/Gabriel, le plus jeune des deux frères, célèbre un simulacre de messe dans la clairière d’une forêt boréale avec, pour unique congrégation, son chien Kiputz et des brindilles alignées sur la mousse. En guise de calice et d’hostie, il a emprunté une coupe gagnée par son père lors d’une compétition de mushers et un morceau de pain banique préparé par sa mère. Soudain, un écureuil perché sur la branche d’un arbre voisin interrompt la messe. Kiputz se met alors à tourner en aboyant autour de l’arbre depuis lequel le petit animal semble le narguer. Dans cet univers animiste, où les animaux sont dotés de la parole, le lecteur assiste à la joute verbale entre les deux créatures :
“You fucking goddamn son-of-a-bitch-rat-coward, come down off that tree !” The squirrel bared his teeth.Leaving the memory of host and chalice, […] Gabriel had but one thought : to put a stop to this ludicrous canine behaviour.
Voici la traduction qu’en propose Robert Dickson :
« Mon ostie de câlisse de tabarnak de rat peureux à marde, descends donc de ce maudit arbre ! » L’écureuil montra ses dents. Délaissant le souvenir de l’hostie et du calice, […] Gabriel n’eut qu’une seule pensée : arrêter cet absurde comportement canin.
Par la « magie » du traduire, et par la grâce des jurons empruntés au français canadien, le traducteur propose une reconfiguration de l’eucharistie par le biais du langage qui vient s’ajouter à celle initialement imaginée par Highway. C’est ce que Jacques Derrida nomme une traduction relevante 9 , c’est-à-dire une traduction qui rend justice à l’original, mais qui le pousse encore plus loin en établissant un dialogue entre le texte traduit et le texte source.
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La maison d’édition Dépaysage ouvre aujourd’hui sa collection « Talismans » à ce véritable témoignage conté sur la résilience de celles et ceux qui ont survécu au massacre culturel. En donnant une plus grande visibilité à ce texte qui, faute de moyens de diffusion, n’a pas encore trouvé le lectorat qu’il mérite dans les pays francophones d’Europe, Dépaysage poursuit la démarche essentielle qui est la sienne : promouvoir les écritures autochtones au-delà des frontières canadiennes ; rendre audible la parole des humbles, des opprimé·e·s qui relèvent la tête et se saisissent de la plume pour faire entendre leurs voix.
J’envie la lectrice ou le lecteur qui s’apprête à découvrir ce récit. Je lui souhaite autant de plaisir et d’émotions que j’en ai éprouvés lorsque j’en ai parcouru les pages pour la première fois, puis à chaque reprise, lorsque je me suis replongé dans cette odyssée boréale féérique et cauchemardesque, drolatique et tragique. Il est temps, désormais, de vous laisser prendre place à bord du traineau d’Abraham Okimasis, lancé à vive allure sur la toundra, fendant l’air givré d’une froide matinée de février 1951…
Franck Mirroux Professeur agrégé, docteur en études anglophonesUniversité Toulouse II-Jean Jaurès
1 .Ethnonyme par lequel les Cris, peuple algonquien du Canada, se désignent dans leur langue, le nehiyawewin.
2 .Parmi les productions théâtrales qui connurent un franc succès dans les années 1980, il convient de citer The Rez Sisters (1986) et Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing (1989).
3 .Le système est démantelé dans les années qui suivent la cessation de l’entente entre l’État et les Églises, en 1969. Certaines écoles résidentielles continuent toutefois de fonctionner, souvent en partenariat avec les conseils de bande. Les deux derniers pensionnats pour Autochtones au Canada ferment leurs portes en 1996.
4 .Highway explique qu’il a co