La Simple Épopée
410 pages
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La Simple Épopée , livre ebook

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Description

L'histoire d'une jeune fille qui va se réaliser grâce à une épopée intime qui la conduira de l'Europe à l'Australie, avant de revenir en France en passant par l'Asie, la Russie et les pays slaves. Au terme de cette odyssée, le virus du voyage la reprendra. Elle sait désormais qu'elle devra toujours aller de l'avant sans jamais s'arrêter... sauf sur l'injonction de la Mort...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mars 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414335596
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JeanMaurice Millot
La Simple Épopée
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Du même auteur :
Déjà parus L’amour indocile Ornière Le rêve brisé Un certain grain de sable Un cœur en hiver Le Lion des Flandres Sonate d’automne La mort du clown
Poésie Le Passe-Ennui Ce que sème le clown Ce que sème la Nuit Et d’un hiver précoce
Récits et Nouvelles Roman polyphonique Le miroir d’Isabelle Les trois sœurs Sonate hivernale Les femmes pourpres La femme brisée Le carnet violine Le visage d’églantine L’histoire de Solange Elle écoute l’opus 111 L’Impudique Dernier rendez-vous Un voyage Visages de Sable Soliloques Croquis sans musique Les 33 esquisses Cendres de nuit Le vieux peuplier Les Cailloux À voix basse
À mon épouse
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Elle se souvient
31 décembre 2018 (presque minuit).Une vie foldingue ! Elle a quitté l’hôtel jeudi dernier, elle a pris ce poste de serveuse dans la foulée. Hier, premier jour de repos depuis noël. Ça foire au resto. Encore des problèmes d’organisation.Patience, patiencedans l’azur est promesse de fruits mûrs, dixit Valéry. Allez, ça finira par s’arranger. On débute, après tout, en dépit d’un p’tit goût amer dans la bouche. La faute au discours du patron. Mardi soir, il s’est amusé de pointer par deux fois, devant tout l’monde, son stress évident. C’est pas tout, il a fallu que le chef-cuistot se la joue familier avec elle d’entrée d’jeu, avec des allusion plus que graveleuses, pour n’pas dire égrillardes. Ensuite, il l’envoie paître, il fait celle qui n’existe pas, il l’ignore. Elle désirait pourtant paraître cool, sympa. Elles tente de passer outre, de s’en moquer, d’s’en balancer, même si c’est pas évident. On verra avec le temps, songe-t-elle, même s’il semble évident qu’elle se soit trop emballée du fait d’une certaine ambiance qui régnait dans c’resto. C’est vrai qu’elle est pas là pour se faire des potes. Elle a ressenti le besoin d’écrire ces temps-ci, mais c’est folie de jongler entre le taf et l’écriture. Là elle prends un nouveau rythme. Ça devrait aller. Elle se revoit dans ce groupe où on la considérait comme la grande gueule. Là, maintenant, après un mois d’absence, elle ressent l’indicible peur de prendre la parole. Enfin on dira presque, d’autant plus qu’elle sais pas trop que dire. Elle ne ressent pas nécessairement l’envie d’écrire, là, maintenant, elle se force puisqu’elle espère que ça la remotivera. Elle n’ignore pas à quel point ça peut aider, elle en ressent bonnement la nécessité. Elle revient du resto indien avec sa tata. C’est loin d’être c’qu’elle pensait qu’ça pourrait être, elles ont pu néanmoins, mutuellement, se dire c’qu’elles avaient sur le cœur. Elle a eu du moins cette impression. Elle reste
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intentionnellement dans le flou, elle ne ressens pas le besoin ce soir d’écrire davantage. Elle aurait dix mille choses à réaliser, et elle trouve rien de mieux que d’se plaindre d’un manque de temps. C’est absurde. Énième réunion du personnel, ce matin. Énième remise au point. Énième nouvelle règle. Comme elle est arrivée la dernière, elle s’est assise en bout de table à côté d’Éliane. Le boss a demandé aussitôt d’venir s’asseoir près de lui ; elle a pigé aussitôt que ça serait pour sa pomme. Effectivement, elle s’est farcie des commentaire désobligeants en pleine tronche, même si on visait personne. Du moins pas officiellement. Comme elle étais la seule membre du bureau du personnel qui soit présente, tout le monde a compris le message. À la fin de la réunion, comme elle désirait rentrer chez elle, le boss lui a demandé de le suivre dans son bureau. Elle s’est exécutée. À peine assise, il ânonne d’une voix grave qu’il faut qu’elle lâche prise, qu’elle cesse de tout endosser sur elle, qu’elle évolue, il doute même pas qu’elle deviendra l’adjoint du boss prochainement, elle en a les capacités, même si certains la controversent au sein de la boîte, mais elle serait assez volontaire pour s’imposer à ce poste, il se trompe rarement. C’est un conseil qu’il ne donne pas à tout l’monde ; il a conseillé jadis des directeurs généraux, n’est-ce pas, il aime ceux qui ont du caractère, mais il faut qu’elle apprenne à temporiser, etc. Que veut-il lui faire piger ? Ça l’énerve ce genre de discours, ça laisse rêveur, le mec il en a rien à cirer. De jolies phrases creuses telles des coquillage qu’on ramasse sur une plage. Elle a rien répondu, à part un vague sourire. Ça n’est pas une sorte de mise en garde qu’il a bavassé, ça non, c’est évident même, mais ça y ressemble grosso modo. Elle se sent vannée mentalement. Fatiguée. Elle est officiellement propriétaire. Ce poulain se trouve désormais sous sa responsabilité. Charles a finalement accepté de le lui vendre, non sans une jolie p’tit astuce complotée avec son papa. C’est ce qu’il fallait, après tout. De toute manière, ce qui est fait est fait. Au moins elle sait pourquoi elle se lève chaque jour. Elle se sens joyeuse, libre, même si son moral en a subi le contrecoup. Si ce poulain grabuge, elle devra payer les dégâts. Elles a commencé à lire lesQuatre accords toltèques. Diane termine de lire le troisième à la demande de son acupuncteur. Elle a téléphoné ce soir, à 18 heures dix, elle lui a demandé si elle compte venir. Elle a répondu qu’elle est déjà passée. En vain. Elle répond qu’elle devait aller à la pharmacie, mais elle ira en vélo du coup, même si le petit dort. Elle la laisse agir à sa guise, elle raccroche. Elle la rappelle cinq minutes après pour lui apprendre que son vélo a un problème, elle est obligée de rentrer. Elle a pas réfléchi plus avant, elle lui a dit qu’elle arrivait. Elle est allée la chercher, elle l’a emmené à la pharmacie le temps qu’le p’tit dorme. Elle a pensé en elle-même qu’elle a pas grand monde sur qui elle peut compter. Elle préfère qu’elle l’appelle si elle a besoin de son aide. Elle le mérite amplement, même si elle préfère
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taire l’autre raison. La vraie raison, la seule qui importe. Ce soir Arte diffuseRende-vous en Terre Inconnue en Australie.production part à la rencontre des La aborigènes dans les Kimberley. Elle ne voulait pas rater ça. Souvenirs, souvenirs ! Au début elle fut un peu déçue, car Gary n’est pas un aborigène pure souche. Qui plus est ça se déroulait sur la côte, dans les Kimberley qu’elle ne connais guère. Elle était loin d’imaginer qu’on se rendrait ensuite à Derby dans la communauté Mowanjum, au bord de la Gibb River Road, là où elle a vécu pendant neuf mois, à une dizaine de kilomètres de là. Quelle émotion ! Ça l’a replongé soudainement dans une sorte de vie antérieure, un état d’esprit à la limite d’une rêve éveillé. Elle se rend compte que ça fera un an qu’elle est rentrée dans son Mélantois. Et pourtant elle vit encore là-bas presque chaque jour. Elle a même envisagé brièvement d’aller glander chez un pote pour évacuer cette colère qui la poigne. Ça devient pesant. Parler, écrire, ça ne suffit visiblement plus. Elle pense que ce retour en France l’a bouleversé. Trop de souvenirs en têtes. Elle repense à lui au taf. Elle s’entend bien avec lui, même étrangement. Depuis qu’ils se sont connus au bureau, ils se cherchent en douce mine de rien. À priori de la rigolade entre eux deux, mais peu à peu, à force de se fréquenter au boulot, de faire la causette au réfectoire, à force de l’entendre murmurer qu’il la trouve à son goût, et dépit de ses avances vaseuses, elle s’est lancée hier, elle a dansé l’air de la séduction. Il l’a aussitôt rembarré gentiment, sans doute, mais fermement, car il a une meuf. Elle lui a quand même répondu en souriant, elle a de l’amour-propre quand même, malgré qu’elle soit déçue. Dans la foulée, Jeanne a murmuré qu’elle pensait qu’ils étaient en couple. Et comme par hasard Enrico lui sort aujourd’hui qu’ils feraient un beau couple. Elle ne sait pas, jeudi passé elle racontait à Blaise que ça l’intéressait pas. Maintenant elle ne sait plus que penser lorsque Jeanne affirme, croix de bois, croix de fer, etc., qu’il s’en mordrait les doigts. Il cesse pas d’y repenser, même que ça le navre, il paraît, de l’avoir blessé au cœur. D’un autre côté, elle aimerait pas qu’il la largue pour elle, elle se sentiraitsonobligée. Ça craint quand, ça. Jeanne lui demande ce qu’elle lui répondrait s’il lui proposait de sortir ensemble, un jour, et même d’aller en douce s’éclater dans un hôtel discret. En somme cumuler le beurre et l’argent du beurre. Une liaison sans autre arrière pensée que de s’éclater vachement d’un simple point de vue sexuel, mais en préservant précautionneusement sa liberté. Ça ferait d’elle une salope, franchement ! Que lui arrive-t-il ? Ça commence mal. Dimanche soir, quand elle est repartie en plein délire après qu’ils aient fumé un joint, du grand n’importe quoi à tel point qu’elle a voulu effacer ces deux ou trois heures de sa mémoire, après s’être infligée la honte, ils se sont rendus dans un bar discret. Après un début un peu timide, elle était certaine de rien, il lui a parlé de son frère jumeau, un célibataire à la recherche à ce qu’il paraît de l’amour de sa vie. Elle s’est mise à rigoler en douce. Elle aurait été seule, elle lui aurait sauté dessus. La soirée passe, on
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se roule des patins en pagaille, on maudit Dame Nature. Putain de putain. Elle en dira pas davantage, même si elle se persuade qu’à vingt-cinq ans, elle serait p’t-être enfin prête à quelque chose de sérieux avec son frangin.
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Onze ans plus tard. Ils se sont donnés rendez-vous dans un souffle. Dans la torpeur de ces draps mouillés par une nuit d’ivresse, ils ont convenu qu’ils s’y rejoindraient, quoi qu’il advienne. Ils ont passé une nuit pleine de promesses impossible à tenir, de ces miracles auxquels on ne croit plus. Les corps s’étaient enfin retrouvés, les lèvres avaient enfin étanché leur soif, les jambes s’étaient enroulées dans un mouvement brusque. Des jambes solides, recouvertes d’un fin duvet. Ses jambes étaient agiles. Elle avait par-dessus tout profité des jambes de cet inconnu, leurs peaux s’étaient enivrées. Ils ont recommencé. Souvent même.Le lendemain, repus, ils ont constaté que cette nuit magique se reproduirait pas dans l’immédiat.Il fallait pas insister, ça pourrait même s’avérer dramatique. Ils avaient l’expérience, ils savaient à quoi s’en tenir. Ils ont donc trouvé la clé. Ne plus se revoir. Se donner la possibilité, un jour, de se retrouver. Une porte de sortie pour se quitter sans se dire néanmoins adieu. S’éclipser sans devoir laisser ses coordonnées afin de préserver le mystère. Ils se reverraient. Ailleurs. Là-bas, sur un autre continent. Aucune date précise, mais une année avait été évoquée. 2019, peut-être 2020. Il avait même murmuré en rigolantpourquoi pas 2069, année érotique.Ils ont fait confiance au destin. Elle s’est mariée, elle a eu des enfants. Elle gère un haras. Elle gagne de l’argent. Elle est heureuse. Un certain matin pourtant, en se brossant les dents, la chair n’étant plus fraîche, les dents se sont tachées, les plis se sont amassés au coin des joues. Elle ne se reconnaissait plus du tout. Soudainement. Rien n’avait plus de sens. Son ventre était vide, son esprit s’ennuyait. Elle aurait pu accuser son mari trop fatigué, ses enfants aux caprices gâtés. Elle aurait pu. Elle a préféré, en secret, prendre un billet d’avion et décoller, le soir même, pour l’Australie C’était une bonne année. Le mois idéal, le mois de Juin. L’air était lourd. Son jean lui collait aux fesses. Et les mains moites. Elle a attrapé un taxi, filé à l’hôtel qu’elle avait réservé. Elle ne savait pas où se rendre. Après. Elle ne savait même pas quand, ni où le retrouver. Elle savait pas quelles étaient ses chances. Il n’existait pas de statistiques auxquelles se fier. Sarah ne croyait pas aux signes du destin. Elle ne croyait en rien. Elle avait juste faim des jambes de cet amant du passé, de son souffle sur ses reins, ses mains sur ses seins, son sexe dans le sien. Elle voulait un bref instant retrouver la peau de ses vingt ans, les muscles de sa
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jeunesse, l’ivresse de cette époque révolue. Elle manquait. Dans le premier bar, un groupe de musiciens jouaient un vieil air français. La glycine envahissait les parois. Le soleil s’apaisait. L’air sentait bon. Elle entra, commanda un cocktail. Elle ausculta l’assemblée. Pas d’homme en vue. Nulle trace de cet amant de jadis. Elle s’en serait doutée. Un musicien, pourtant, jouait à la perfection du saxo. L’autre battait la mesure à la perfection. L’autre avait un sens du rythme idéal. Les mêmes mèches folles, un regard perçant jusqu’à sa culotte. Un autre donc. On allait donc pouvoir souffler. Retrouver les corps qui fusionnent, remplir les vides, étancher les soifs, rassasier les faims. Sarah s’apaisait enfin. Soudain les rides avaient disparues, les cheveux retrouvaient leur souplesse originelle, avec un port de tête orgueilleux, fier. Elle séduisait soudain. L’autre la rejoint. Il sent bon. Ses poils piquent. Ses mains habiles enveloppent ses fesses moulées. Elle salivait d’impatience. Elle aurait voulu ne rien perdre ce temps retrouvé, elle aurait voulu profiter, là, tout de suite, sous le regard des clients. Elle aurait voulu ne pas perdre une miette. Ça faisait si longtemps que Sarah n’avait plus eu d’amant. Ça faisait déjà longtemps qu’elle n’avait pas été attirée. Abruptement. Mais l’autre semble raisonnable, précautionneux, respectueux des conventions. Il lui a tendu la main, il l’aide à monter dans sa chambre, sous les combles, jusqu’à cette chambre. Le cœur de Sarah bat la chamade, ses jambes flageolent, se dérobent, son corps anticipe l’instant où elle retrouvera sa jeunesse oubliée. Un instant volée. Une étreinte essentielle. Elle ressent l’urgence de cette faim. Comme ce creux dans l’estomac prend toute la place. Toutes ces années sans cette chaleur, ces années sans les reins qui palpitent, les seins qui durcissent, le sexe qui s’ouvre, qui s’offre. Ces années à s’en priver. Son corps vibrait tant qu’elle remarqua même pas que l’homme boitait. Ni ses béquilles. La gorge de Sarah salivait tellement qu’elle ne regarda pas les pieds de l’inconnu. Son euphorie lui fit aussi oublier que les jambes de l’autre n’existaient pas, qu’elles n’existaient plus, fauchées par un banal accident de la route. Elle se retrouvait enfin dans ce corps dont le bas manquait, dont les pieds ne toucheraient plus jamais terre. Les genoux ne se cogneraient plus. Les cuisses ne seraient plus en vigueur. Les mollets disparaissaient sous deux tiges de fer roides. Elle en a pas eu besoin pour atteindre l’orgasme.
Le lendemain soir, aux environs de 22 heures.Sarah rêve d’un endroit où toute forme de jugement serait à jamais bannie. Elle rêve d’une belle maison au milieu d’un joyeux environnement où, qui le souhaite, se présenterait spontanément pour apporter sa pierre à l’édifice. Elle les accueillerait avec amabilité en leur proposant un lit, un hamac ou un tipi, un espace commun, une douche à l’indonésienne obligatoire en été, du travail s’ils le désirent, mais d’abord et avant tout un partage de connaissances.
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Un lieu d’échange où le moindre jugement est laissé à la porte. Un lieu de recherche privilégié de l’autre et de soi. Un lieu d’apprentissage, un lieu de multi-activités. Un lieu où l’humain, l’animal, le végétal se rencontrent, communiquent. Et communient. Un havre de paix. Un bouillon de cultures. Un projet d’insertion humaine. Un paradis avant l’heure. Elle n’arrive pas à dormir mais elle rêve réveillée. Lass dir Zeit und Chance, même sielle peut donner un p’tit coup de pouce à la chance, ça va de soi. Elle relit ce qu’elle a écrit hier soir. J’ai revu l’inconnu du mois dernier. Il est revenu vers moi, je me suis demandé pourquoi pas. Il suffit que j’oublie de quelle manière ça s’est terminé la dernière fois. Je pense pas que la relation qu’on a pu avoir, lui, le collant, le mielleux, moi, l’indifférente, immigrante, ça puisse se reproduire. Au début ça s’est limité à ces points d’interrogations sur un baiser volé, un espace de temps dérobé au flux du temps qui passe, qui s’écoule, qui s’éloigne. Il m’a redit clairement que ça le dérange pas qu’on reste comme ça, cette sorte de relation libre sans engagement, avec l’évidence de baiser ailleurs, le cas échéant, si une opportunité se présente. Pas de jalousie. Pas de sentiments. Radical pour moi. Idéal même. Puis les vieux surnoms sont revenus. Puis les SMS en sortant du taf. Les je t’aime à foison. Et la girouette que je suis s’est relaissée harponner. Et là, ce que je peux m’en vouloir. Je m’en veux. J’ai besoin de lui témoigner de l’affection, je redeviens cette femme mignonne, visqueuse, collante des premiers temps. Et le lendemain je refuse qu’il me touche, j’ai envie de l’étrangler, je crache sur sa douceur, je chasse ses mots tendres de mon champs de vision. Il redevient en même temps ce que je recherche, ce que je déteste. Attentif, mais trop présent. Gentil, mais trop accapareur. Compréhensif, mais si peu. Je lui ai avoué ce que j’ai fait ces années de nomadisme. Et quoi d’autre, supplie son regard muet ? Rien. Simplement ça ne te concerne pas. Ça cloche même, et ce qui cloche c’est moi. Je lui ai murmuré qu’une relation, maintenant, deviendrait synonyme d’isolement, de réclusion. Il a simplement répondu qu’il me comprenait encore une fois, une fois de plus, peut-être une fois de trop. Va savoir ! J’ai ânonné que s’il ne souhaite pas aller voir ailleurs, je pourrais agir de telle sorte qu’il me haïsse et qu’il trouve son salut en chassant ailleurs justement, même s’il refuse encore de l’accepter. Mais ça ressemblerait, ça, à une relation intime pour que je le fasse sans que j’m’en veuille intimement. Et ça m’énerve, bordel. Je voudrais qu’il en ait rien à foutre de moi, puisque l’existence de ses sentiments et l’absence des miens, du moins deux jours sur trois, font que je suis une femme malsaine pour lui. Je refuse de m’insérer dans cette liaison où je serais la proie consentante. Et consentie. Pour autant je peine à rester seule. Finalement je reste enfermée dans l’entre-deux. Quoiqu’il arrive j’ai l’impression que j’arriverai jamais à retrouver une situation dans laquelle je me sentirai libre et heureuse. Ai-je déjà été une femme vouée au bonheur ?
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