La Porte de la Chance
144 pages
Français

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La Porte de la Chance , livre ebook

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Description

On connaissait les enfants des trottoirs de Rio, deManille ou d'ailleurs, les petits Sciuscia de Rome,les titis montmartrois de La guerre des boutons deLouis Pergaud, et autres aoulad chawariî... Voici lesgamins terribles et pathétiques de Fès, du côté deBab Ezzhar la bien nommée, La Porte de laChance. Vous y trouverez, entre autres, Dosti leboiteux, Grosse-Tête, Petit-Vieux, le cinémaindien, les Apaches du quartier voisin, l'invrais semblable Binbi-la-Branlette, Yeux-Blancs lemendiant aveugle, les Anciens Combattantsd'Indochine qui jouent aux dames sur la placesous le mûrier, le Louche l'instit sado, Rouichednotre jeune héros fils d'Al Khammar le cordonniertabasseur, ivrogne et mécréant, et Aghilass le chatcollectionneur de coups de pieds... Un régal deréalisme et de truculence douce. Un vrai bonheur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 8
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La porte de la chance 2010 15/11/10 17:09 Page 1
La Porte de la Chance B a b E z z h a r
Deuxième édition
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Editions © Marsam - 2010 Collection dirigée par Rachid Chraïbi 6, rue Ahmed Rifaï (Place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat Tél. : (+212) 537 67 40 28 / 67 10 29 / Fax : (+212) 537 67 40 22 E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr Site web : www.marsam-editions.com
Compogravure flashage Quadrichromie
Impression Bouregreg - Salé
Dépôt légal :.............. I.S.B.N. :..............
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El Mostafa Bouignane
La Porte de la Chance B a b E z z h a r Deuxième édition
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À mes amis : Mohamed Farissi Mouad Mezouar Hassan Id Brahim Abdelhak Ouallaf
Couverture Oeuvre du peintre Sadouk Abdellah
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Chapitre 1
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Rouiched était parmi le groupe de gamins qui formaient cercle autour de Dosti sur la petite place de Bab Ezzhar. Dosti, un grand garçon boi-teux et un peu simple d'esprit, leur racontait le film hindou qui passait cette semaine-là au cinéma du quartier. Avec force gestes et bruits de la bouche qui le faisaient postillonner abondam-ment, le handicapé décrivait les prouesses du héros, sautait de-ci de-là, virevoltait. Il faisait mine de donner de formidables coups de poings, d’en esquiver d’autres, saisissait à bras-le-corps des ad versaires invisibles et les abattait rageuse-ment sur le sol. Il se laissait tomber à son tour dans la poussière, se relevait lestement, malgré sa jambe boiteuse et se ruait à nouveau sur l'en-nemi. Passionné de films hindous, rien ne lui plai-sait autant que d’en raconter, surtout ceux où jouait l’idole de tous les gamins du quartier : Amithab Bachan. Mais ses camarades ne l'écou-taient que lorsqu'ils n'avaient rien de mieux à faire. D’ordinaire, ils prenaient un malin plaisir à lui jouer des tours pendables ou à lui lancer des pierres pour le faire courir parce qu’avec son pied bot, il avait une drôle de façon de courir. Ah ! s’ils pouvaient être tous les jours aussi gentils qu’ils
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l’étaient ce matin ! Non, ils n’avaient pas l'air de se moquer de lui. Ils l’écoutaient avec un réel intérêt. Il les tenait en haleine. Même Rouiched et Grosse-Tête, les deux chefs rivaux de la bande, étaient tout ouïe. Ce dernier avait la bouche béante et les yeux écarquillés. Le pauvre Dosti en était si heureux qu’il se démenait comme un beau diable pour entretenir l’intérêt de son auditoire. Rouiched l’interrompit : — Bon, maintenant, raconte voir un peu com-ment le héros tombe la fille. Une partie de l’assistance fit chorus : — Oui, raconte voir un peu ça ! raconte voir un peu ça ! — Non! s’écria Grosse-Tête, continue la scène de la bagarre ! — Je te dis de raconter comment laâribi tombe la fille ! ordonna Rouiched à Dosti en s'avançant, la mine menaçante, au milieu du cercle d’auditeurs. — Il racontera ce que je veux, moi ! fit Grosse-Tête en se plantant d’un bond devant Rouiched.
Jambes écartées et poings aux hanches, les deux garçons se dévisagèrent un moment a vec défi. Il se fit un silence religieux. L’assistance recula d’un pas, élargissant le cercle. Le spectacle d’une vraie bagarre serait le bienvenu. La respiration haletante et le menton luisant de bave, Dosti regarda tour à tour Grosse-Tête et Rouiched, ne sachant à qui obéir. Il en voulait à ce dernier de l’avoir interrompu dans la narration de la séquence la plus palpitante du film.
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Chapitre 1 7
Les deux gamins se disputaient le commande-ment de la bande. Ils rivalisaient sans cesse de force, d'adresse au jet de pierres, d'agilité et de malice. Sur ce dernier terrain, Grosse-Tête était souvent battu car il ne brillait pas beaucoup par l'esprit, mais si son énorme tête ne lui était pas d’une grande utilité pour réfléchir, elle lui servait en rev anche à donner des coups foudroyants. Dosti allait reprendre son récit lorsque, regardant par-dessus les têtes de ses camarades, il prit tout à coup un air apeuré et s'écria à pleins poumons : — Sauve qui peut ! Tous les enfants se dispersèrent comme une volée de moineaux, sauf Rouiched qui sentit une énorme main s'abattre puissamment sur sa nuque à l’instant où il allait prendre son élan. Malgré la gravité de la situation, il chercha Dosti des yeux pour voir sa fuite claudicante. Il n’avait nul besoin de se demander à qui appartenait la poigne qui venait de le happer ainsi : il ne la connaissait que trop, Il sav ait même, par expérience, qu'elle allait bientôt lui lâcher la nuque pour lui agripper les cheveux, qui offraient une meilleure prise. Ce qui, en effet, ne manqua pas d’arri ver. Grimaçant de douleur, le garçon se mit à trottiner derrière son père qui le ramenait à la maison, le tirant par la tignasse. Comme c haque fois qu'il se trouvait en pareille situation, Rouiched se promit ferme de se faire raser le crâne la prochaine fois qu’il irait chez le coiffeur, pour ne plus offrir une aussi bonne prise à la main de son père.
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— Avance ! vitupéra celui-ci, furieux. Avance, bâtard ! L’enfant remarqua que son père était pieds nus et en fut soulagé. Des coups de pied au derrière, de ceux dont son géniteur avait le secret, n'étaient donc pas à craindre. Car sans les énormes godas-ses de ce dernier, ses fesses aguerries ne senti-raient presque rien. C'était compter sans le gros ceinturon de cuir que son père tenait enroulé autour de sa main libre. Rouiched ne tarda pas à en sentir le premier coup cinglant dans le dos. — Tu n'en fais donc qu'à ta tête, hein ? hurla El Khammar. Ça t’amuse de me faire tourner en bourrique, dis ! Et de ponctuer sa phrase d'un second coup encore plus cinglant que le premier. L'enfant se débattit pour se libérer de la poigne de son père. Peine perdue. Les doigts de celui-ci étaient soli-dement agrippés à ses cheveux et lui faisaient mal, très mal. Une fois encore, il s'en voulut de s’être laissé pousser les cheveux aussi longs. Voilà ce qu'il en coûte de vouloir ressembler à Amithab Bachan. Il fit une autre tentative pour se soustraire aux coups et ne réussit qu'à ajouter à la fureur paternelle. Un coup tous les deux pas, ponctuant une injure. — Fils du péché, vlan! — Fils de chienne, vlan! Rouiched n'avait sur le dos qu'une chemisette usée jusqu'à la corde. Les coups de ceinturon étaient aussi cuisants que s'il eût été torse nu. Mais
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Chapitre 1 9
il les encaissait sans émettre le moindre cri, sans laisser sourdre la moindre larme. Rien ni personne ne pouvait plus le faire pleurer. Cela faisait long-temps qu’il avait épuisé toutes les larmes de son corps à force d'être rudoyé, bâtonné, fouetté, pis qu'un âne. Son corps et son cœur s’en étaient dur-cis. Aussi, quand c'était à son tour de donner des coups, il n'y allait pas de main morte. L'œil au beurre noir que Saïd, le fils du fournier, avait depuis deux jours, c'était à Rouiched qu'il le devait. Et les deux dents de devant qui manquaient à Ali Rambo, c'était aussi le poing de Rouiched. — Mauvaise graine, vlan ! — Fils d’adultère, vlan ! L’enfant était moins sensible aux coups de ceinture qui lui brûlaient le dos qu'à la honte d'être rossé devant ses camarades. En effet, ceux-ci se tenaient à bonne distance et suivaient la scène, ce dont se réjouissait Grosse-Tête, qui bombait le torse et disait fièrement aux autres : — Moi, mon père, il ne me bat jamais, jamais ! Mais tout en ricanant, Grosse-Tête savait que Rouiched ce jour-là, comme chaque fois qu' il se faisait rosser par son père, serait méchant comme une teigne et c hercherait le moindre prétexte pour en venir aux mains, qu'il ne faudrait pas trop se frotter à lui : quand il était de cette humeur-là, il était imbattable. Aucun des habitants du quartier n’osa s’inter-poser entre El Khammar et son fils. Pas même l’oncle de Rouiched. Assis à l’ombre du mûrier des Anciens Combattants, l’homme regardait son
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neveu encaisser les coups sans pouvoir intervenir. L’oncle Sellam aimait bien Rouiched mais il ne pouvait rien pour lui, étant fâché, depuis des années, avec son frère. À Bab Ezzhar, tout le monde connaissait le mau-vais caractère d’El Khammar le cordonnier et était persuadé de l'inutilité de toute supplication. " Un jour, cet ivrogne va tuer ce gosse ", disaient les uns avec un hochement de tête impuissant, en passant leur chemin. En revanche, ceux qui a vaient eu un jour à se plaindre des frasques de l'enfant, don-naient raison au père : " C'est bien fait pour ce mau-vais garnement, il a le diable au corps. " Rouiched aperçut un compagnon de jeu qui sautillait de joie et battait des mains en le voyant recevoir des coups : la veille, le fils d’El Khammar lui a vait pris son ballon tout neuf et l'avait jeté dans la maison de Mimoun le Rifain. Or, les bal-lons qui atterrissaient dans la maison de Mimoun le Rifain en ressortaient tout de suite par la fenê-tre, mais en plusieurs morceaux, et l'instant d'après, apparaissait le bonhomme sur le pas de la porte, refermant son couteau de poche et sou-riant triomphalement sous sa moustache à la gau-loise. Ennemi implacable des ballons, Mimoun le Rifain occupait les heures qui séparaient les priè-res à chasser les gamins qui venaient jouer au football dans le petit terr ain vague qui jouxtait sa maison, à confisquer et à crever leurs balles. Quand il ne faisait pas cela, le vieux dévot passait sa sainte journée à lorgner d’un œil courroucé les rondeurs des filles qui passaient devant chez lui,
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