La Maison aux Myosotis
107 pages
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La Maison aux Myosotis , livre ebook

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Description

Histoires d'une maison et de sa famille, sur fond de révolution industrielle et début de mondialisation


Une maison de famille dans un village au bord du Rhône, proche d'une petite ville, au sud de Lyon. Un salon, symbole du pouvoir domestique et de prestige. Des hommes et des femmes hauts en couleur, bourgeois industriels, artistes, artisans, gens d'Église, employés ou gens de science comme autant de visages et de vies marquant plus d'un siècle au cours duquel la société s'est transformée de façon radicale. Un roman fait de récits, de dialogues, de journaux intimes et de lettres dont l'unité, au-delà de la parenté de ses personnages, se joue et se dénoue dans et hors cette maison qui de château imaginaire devint simple garage pour deux roues.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 mars 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782368329719
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LaMaison aux Myosotis
E npremière de couverture : Gare et usines àSaint-Denis de Maurice Falliès (1883-1965)
LaSAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires deproduction participant à la réalisation de cet ouvragene sauraient être tenus pour responsables de quelque manièreque ce soit, du contenu en général, de la portéedu contenu du texte, ni de la teneur de certains propos enparticulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu'ilsproduisent à la demande et pour le compte d'un auteur ou d'unéditeur tiers, qui en endosse la pleine et entièreresponsabilité.
Pierre-VincentRoux Flamand



LaMaison aux Myosotis
Àla mémoire de Geneviève
dontl’amour a bouleversé et illuminé ma vie.
Qu’est-cequ’un myosotis ? demanda le lapin vert àl’épervier. C’est un crapaud, alchimiste de sonétat, fort savant en botanique, qui répondit :c’est une plante à petites fleurs bleues qui pousse dansles lieux humides. Un rossignol, plus savant encore, ajouta que celavenait du grec ancien et signifiait oreille de souris.

Del'auteur, Trois pommes et puis s'en vont...
Chapitre I
La mortd’Élisabeth


Lemédecin sortit de la chambre où il venait d’examinerla vieille femme. Sur le palier, il se lava les mains dans une vasquede marbre vert encastrée dans une table dont le bas étaitcaché par un rideau froncé brodé de fleurs rosespâles. L’eau coulait d’un réservoir encuivre installé au-dessus, grâce à un petitrobinet en céramique bleue. Une jeune fille, vêtue d’untablier blanc, les cheveux relevés par un bandeau droit,amidonné, lui tendit une serviette. Il s’essuya lesmains, descendit ses manches de chemise, réajusta ses boutonsde manchette et enfila la veste de velours brun qu’elle luiprésentait. Puis, il lui demanda de faire savoir à samaîtresse que l’examen était fini. Il suivit lecouloir, prit l’escalier recouvert d’un épaistapis aux tons rouges et bleus et, arrivé dans le hall,attendit qu’on lui fît signe. Une servante habilléede noir, qui devait être la nouvelle cuisinière, vint leprévenir que madame Marguerite était au petit salon.
Connaissant lamaison, il s'y dirigea seul. La porte en était entrouverte. Ilfrappa, entendit un « entrez » prononcéd’une voix forte et presque joyeuse. Il poussa le battant etpénétra dans la pièce inondée de soleildont une large fenêtre donnait sur le Rhône. La femme quilui avait dit d’entrer était assise sur un sofa, occupéeà une broderie. Une petite fille de quatre ans environ jouaità la dînette prenant tour à tour la voix et lesmimiques de plusieurs personnages. La femme tira sur un cordon, lajeune fille qui lui avait tendu la serviette, entra presque aussitôt.« Emmenez Anna le temps que je parle au docteur luidit-elle. » La petite ne voulut pas sortir et il fallut,malgré la promesse qu’il n’y en aurait pas pourtrès longtemps, emporter la vaisselle et les couvertsminiatures. La femme parut agacée de ce contretemps. Elle fitun petit signe au médecin de s’asseoir. Celui-ci prit unfauteuil éloigné de la fenêtre, car il ne voulaitpas s’exposer directement au soleil. Lorsque l’enfant futsortie avec la jeune fille, elle se tourna vers lui, le regardinterrogateur, mais sans inquiétude ni tristesse.
« Alors,docteur, qu’en est-il ? » « C’estla fin, je le crains, madame. Elle est très affaiblie, cettemauvaise toux aggrave son état qui n’est pas bon dutout. Il faut vous attendre au pire. Je suis désolé dedevoir vous dire ça mais il n’y a plus d’espoir. »« Oui je m’y attendais, bien sûr, mabelle-mère a presque 90 ans, c’est un bel âge,surtout pour une femme qui a toujours été souffreteuse.Elle aura eu une belle vie. Vous ne pensez pas utile, n’est-cepas, de consulter sur Lyon ? Mon mari l’envisageait maisje n’en vois pas l’intérêt compte tenu de ceque vous me dîtes. C’est encore la faire souffrir sansraison que de la soumettre à de nouveaux examens. Laissons-lafinir ses jours paisiblement. Je ferai venir son confesseur. »« Hâtez-vous, madame, elle peut partir d’unmoment à l’autre. » « À cepoint ? Vous m’effrayez, c’est que nous ne sommespas prêts pour un deuil. Je convoquerai donc notre couturièreaussi. C’est tout ce que vous aviez à me dire ? Monfils vous réglera. Je ne vous retiens pas docteur, car je saiscombien votre temps est précieux. Au revoir. » « Aurevoir madame, je laisserai quelques consignes à la personnequi s’occupe de votre belle-mère. » « Biensûr, c’est notre cuisinière, Ernestine, je vais lasonner, vous la croiserez dans le hall. » « Mercimadame, à bientôt. » « Oh le plustard possible, monsieur, vous êtes comme les prêtres,vous annoncez trop souvent la souffrance et la peine. »« Pas toujours, madame, nous faisons aussi desaccouchements et il nous arrive de guérir nos patients. »« Bien sûr, bien sûr docteur, jeplaisantais. »
Le médecinfit ses recommandations à la cuisinière puis il sortitsur la vaste terrasse qui courait tout le long de la maison, sur unetrentaine de mètres. Il y faisait une chaleur étouffante,il regretta de n’avoir pas pris son chapeau de paille. Ilfranchit le portail en fer ouvragé, traversa la petite routepoussiéreuse et retrouva sur la place, à l’ombred’un platane, son cabriolet et la jument lapant de l’eaudans l’auge qu’une âme charitable avait remplie. Illui tapota la tête puis lui dit de l’attendre encore unpeu, il avait une dernière visite à faire dans levillage.
Élisabethmourut dans la nuit du 21 avril 1864, munie du sacrement del’extrême-onction, administré la veille au soiralors qu’elle était déjà inconsciente.Georges, son petit-fils, rentré de l’usine tardivement,passa un moment dans sa chambre, elle respirait encore, mais trèsfaiblement. « Où est madame, s'enquit-il ? »« Dans le salon de musique, monsieur, elle estindisponible, c'est le jour de son masque. » « Jesais, je sais, dit-il agacé par l'absence de sa femme en unetelle situation. » Sophie était allongée surun lit Louis Philippe de bois sombre, dans cette pièce occupéepar un piano demi-queue, et dont les volets étaient toujours àl'espagnolette la laissant dans une pénombre qu'elle imaginaitpropice à la rêverie. Le masque étaitune décoction savante de lait d’ânesse mêléed’herbes et de légumes frais qu’elle étendaitsur son visage durant trois heures. Elle était alors invisibleet ne répondait à personne, même si la maison eûtbrûlé, car tout mouvement des lèvres ou des joueslui était interdit le temps que les produits fissent leureffet. Il frappa à la porte, elle s'efforça de ne pasbouger, furieuse déjà d'un mouvement des sourcils quidevait avoir plissé son front. Plus tard, lorsqu’elleeut ôté le masque et se fut lavé le visage avecun linge blanc imbibé d'une eau pure, elle entrouvrit, pardevoir, la porte de leur chambre. Elle entendit son souffle rauque etpensa qu'il dormait déjà. Elle la tira à elledoucement et revint se coucher là où elle s'étaitétendue, songeant que ce qu’il avait à direattendrait au lendemain.
Ernestine restaauprès de la vieille dame, assise sur un fauteuil. Elle duts’assoupir. Lorsqu’elle s’éveilla ellen’entendit plus rien, le sifflement léger et rauque dela respiration s’était tu. Il lui fallut un moment pourcomprendre ce que cela signifiait. Elle se leva, s’approcha dulit, se pencha. Elle n’entendait toujours rien. Elle appeladoucement « madame, madame ». Il n’y eutpas de réponse. Elle avança la main vers le visage,au-dessus des lèvres, ne sentit aucun souffle. Elle se penchaencore jusqu’à toucher sa bouche de son oreille puis serésolut à allumer une bougie posée sur la tablede chevet. Elle l’approcha, veillant à la maintenir biendroite. Elle sut alors que la femme était morte. Elle se signaà trois reprises, recula, reposa le bougeoir et réfléchit.On ne lui avait donné aucune consigne. Elle ne savait pas s’ilfallait réveiller quelqu’un, attendre ou commencer àpréparer la morte. Elle s’approcha à nouveau ducorps, ferma les paupières puis, soulevant le drap, joignitles mains dans lesquelles elle glissa un chapelet. Elle remit le drapen place, le rabattant soigneusement pour que l’on vîtles initiales brodées sous le menton, fit une courte prière,se signa à nouveau puis sortit de la chambre en tenant lebougeoir. Il faisait encore nuit noire. Elle passa sur le palier,descendit l’escalier et pénétra dans la cuisine.Elle n’avait pas envie de se coucher. Elle but un caféqu’elle réchauffa sur le fourneau qu’elle rallumapour l’occasion. Il faisait frais. Elle goûta la chaleurdu feu. Elle alla chercher le lapin qu’elle avait projetéde faire en gibelotte pour midi et commença à lepréparer.
C’estGeorges qui la réveilla, très tôt, car il devaitpartir à Paris. Elle se leva, un peu honteuse de s’êtrelaissée aller à dormir, et lui dit aussitôt« madame Élisabeth a passé cette nuit ».« Ah fit-il, elle aurait pu attendre un jour ou deux, mamère va devoir s’occuper de tout ça. Charles etGermaine ne rentrent que samedi. Je ne peux pas retarder mon voyage,je rencontre le ministère, c’est trop important. Vousl’annoncerez à madame avec ménagement lorsquevous lui porterez son thé. Dites-lui bien que je rentrerai auplus vite, demain dans la nuit, j’écourterai mon séjour,je ne ferai que ce qui est absolument nécessaire. Le resteattendra, tant pis, j’y retournerai le mois prochain, mais ilfaut que je place mes canons. » Ernestine, empruntéeet ne sachant que faire, lui demanda ce qu’il voulaitqu’elle fît, en attendant, pour aider madame. Georges nesavait pas et n’avait pas l’intention de réfléchirà cela, il avait son train à prendre, Justin devaitl’emmener à la gare, il y avait une bonne heure pour yarriver. Il répondit « qu’elle fasse aumieux ». Elle proposa de commencer à faire latoilette de madame puis à la vêtir avec Julie qu’elleallait réveiller. Il lui dit que c’était unebonne idée, cela soulagerait sa mère. Lorsqu’ellelui demanda quelle robe mettre à la morte, il n’en sutrien et devant le risque que son choix ne lui convînt pas, illui dit d’attendre les ordres de madame. Il hâta sondépart pour ne pas avoir à répondre àd’autres questions auxquelles il n'entendait rien, car c

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