La grande famine
144 pages
Français

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La grande famine , livre ebook

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Description

Pendant la deuxième guerre mondiale, le Maroc, alors sous Protectorat français, dut soutenir l'effort de guerre de la France et ses alliés. Les denrées alimentaires disparurent très vite des marchés. Pour faire face à la pénurie, les autorités imposèrent un système de ravitaillement drastique, Mais ceci bouleversa la vie des gens, les rations alimentaires ne pouvant répondre à tous les besoins. La grande famine qui en résulta fit plusieurs milliers de morts et accentua l'émigration vers les villes. Au plus fort de la crise, Halima, restée seule après le décès de son mari, se bat de toutes ses forces pour nourrir ses deux filles. L'étau ne cesse de se resserrer et aucune issue ne semble possible. Alors, elle se lance, bien malgré elle, en compagnie de son amie Aycha, dans une dangereuse aventure pour obtenir des bons supplémentaires...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9789954214893
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La grande famine
RomanOuvrage édité avec le soutien
du Ministère de la Culture
© Editions Marsam - 2017
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé - 2017
Dépôt légal : 2017MO0546
I.S.B.N. : 978-9954-21-489-3Soufiane Marsni
La grande famine
Roman À mes parents ...
« La littérature est une affaire sérieuse pour un pays,
elle est, au bout du compte, son visage. »
Louis Aragon
Couverture
Oeuvre de Mohamed Nabili La grande famine 5
I
La grande famine qui frappa le Maroc dans les années quarante
provoqua une émigration massive vers les villes. Des villages et
des douars entiers furent désertés de leurs habitants et les routes
restèrent bloquées pendant plusieurs jours par les vagues successives
d’émigrants. Poussés par la crainte bien humaine de périr de la faim,
les gens tentèrent de fuir la misère par tous les moyens. Les rares
témoins encore en vie rapportaient que certains voyageurs, vaincus par
la fatigue ou la maladie, perdirent la vie avant d’atteindre la ville de
leur rêve et qu’ils furent enterrés sur le bord de la route sans épitaphe
et sans rituel, car leurs parents ne pouvaient s’attarder à ces formalités
en cette époque de grandes calamités.
Les prémices de la crise s’étaient fait pressentir le jour où les
militaires français, appuyés par les agents du makhzen, s’étaient mis
à sillonner la campagne pour s’emparer de la récolte et l’envoyer
aux troupes engagées sur le front. La pénurie n’avait pas tardé à se
déclarer et les denrées de première nécessité disparurent subitement
des marchés.
Dans un douar où la situation était dramatique, une famille très
pauvre guettait anxieusement l’occasion de gagner la ville. A la vérité,
ni le père ni la mère n’étaient disposés à quitter leurs terres. Mais les
diffcultés à nourrir leurs deux flles s’accentuèrent jour après jour, et,
en dehors des rations alimentaires fxées pas les autorités, il leur devint
impossible de se procurer des denrées suffsantes. 6 Soufiane Marsni
Chaque jour, Ahmed allait retrouver ses amis pour s’enquérir
des opportunités qu’offrait la ville. Des hommes bien renseignés lui
assuraient qu’on pouvait s’arranger avec les spéculateurs et que si
on avait suffsamment d’argent, on pouvait même se procurer tout ce
qu’on voulait et ne manquer à peu près de rien. Parfois, la discussion
prenait l’allure d’un mystérieux conciliabule, et lorsqu’un homme
revenait du bourg le plus proche, les autres se regroupaient autour de
lui et l’interrogeaient sur les dernières nouvelles.
Le soir, Ahmed rapportait à son épouse toutes les nouvelles qui
circulaient et ils se mettaient à les commenter jusqu’à une heure
très avancée. Avant le passage des soldats, Ahmed avait eu l’idée de
dissimuler quelques sacs de blé dans le sol de sa maison, afn de s’en
servir pendant les jours diffciles. Mais il dut bientôt les cacher dans
la forêt, de peur qu’on ne les découvre. La rumeur voulait que les
soldats passent les habitations au peigne fn et qu’ils emmènent en
prison tous ceux qui se prenaient pour des malins. Un soir, il se rendit
discrètement à la forêt pour prendre quelques vivres, mais, à sa grande
surprise, sa cachette était vide. Il se mit alors à chercher comme un
fou derrière les arbres et dans les buissons, en vain. Aux premières
heures du matin, il rentra chez lui désespéré, le visage décomposé.
En apprenant la nouvelle, Halima poussa un cri et faillit tomber en
défaillance.
Maintenant qu’ils avaient perdu toutes leurs provisions, il leur
devint clair que rien ne serait plus comme avant. Oui, tant qu’ils
avaient quelques réserves, ils pouvaient toujours espérer ; ceci
leur procurait un sentiment de sécurité en attendant une issue.
Mais, la vie prit tout d’un coup un visage terrifiant et la peur de ne
pas trouver de quoi nourrir leurs deux filles devint une véritable
obsession.
Ils n’étaient pas les seuls à avoir perdu leurs réserves. Les gens
ne se faisaient plus confance et chacun soupçonnait son voisin de
l’avoir délesté de ses biens, car les vivres étaient les seuls biens qui
comptaient vraiment. La grande famine 7
Persuadée que le douar n’était plus un endroit sûr pour élever ses
flles, Halima exhorta alors son époux à vendre leur maigre troupeau
et à émigrer le plus vite possible en ville.
Ahmed partit en éclaireur afn de sonder le terrain, trouver une
chambre et chercher éventuellement du travail. Pendant son court
séjour à Casablanca, il s’informa des quartiers où il pourrait trouver
un logement à un prix raisonnable. Il ne ménagea aucun effort, et bien
que ses recherches ne fussent pas couronnées de succès, il ne perdit
pas espoir.
Par esprit d’économie, il descendit dans un fondouk. On mit
à sa disposition un grabat misérable en guise de lit et une vieille
couverture de laine criblée de trous et noircie de saletés. Et pour
ce qui était de la nourriture, une vieille femme vendait de la
soupe de pois cassé, accompagnée d’un pain noir. C'était le refuge
d’hommes célibataires étrangers à la ville. La nuit, on entendait les
gémissements d’un malade. Il passait la journée à mendier devant la
porte d’une mosquée, et le soir venu, il rentrait en rasant les murs.
Ahmed avait entendu dire que cet homme-là était très riche et qu’il
feignait la pauvreté, une hypothèse que personne n’était en mesure
de confrmer, mais Ahmed avait remarqué que le mendiant n’avait
jamais goûté à la soupe de la vieille femme et qu’il préférait manger
à l’extérieur.
Les habitants du fondouk étaient des hommes misérables,
habillés en guenilles et chaussés de vieilles sandales difformes et
décolorées. Ils passaient leur temps à errer, toujours à la recherche
d’un moyen quelconque de gagner un peu d’argent, puis rentraient
le soir parfaitement exténués, mangeaient du pain dur et de la soupe
amère qu’ils trouvaient cependant très bonne, et s’endormaient sur des
paillasses crasseuses et répugnantes.
En se promenant un jour dans le port, Ahmed s’arrêta pour regarder
un groupe d’hommes qui luttait pour relever une grue échouée sur le 8 Soufiane Marsni
quai. Il était captivé par ce spectacle, lorsqu’une voix revêche le ft
se retourner. Son regard rencontra le visage dur et grave d’un homme
assis à une table. Il était habillé d’une chemise et d’un pantalon de
toile blanche ; sa tête était coiffée d’un béret et son visage était rasé
de près. C’était un homme assez bizarre, habillé comme un étranger et
qui parlait correctement la langue du pays.
─ Toi, là-bas ! Viens donner un coup de main, au lieu de rester planté
comme un piquet !
Ahmed s’approcha alors d’un pas hésitant et leva un regard intrigué
vers la poulie accrochée à un grand poteau. Avant de déployer le
moindre effort, il étudia la situation et en déduisit que les hommes
étaient mal positionnés et que la poulie était trop petite par rapport à
la grue. Lorsqu’il lui ft part de ses remarques, l’homme à la chemise
blanche en parut profondément confus.
─ Mais, c’est le même type de poulie que nous utilisons depuis
toujours !
─ Oui, ça peut relever une caisse d’une tonne par exemple, mais pour
une grue comme celle-ci, j’en doute fort !
─ Qui es-tu et d’où viens-tu ?
─ Je m’appelle Ahmed et mon douar se situe un peu vers le sud.
─ Qu’est-ce que tu viens faire donc ici ? Nous en avons assez de ces
campagnards qui envahissent tous les jours notre ville comme des
nuées de sauterelles !
─ Monsieur, j’ai une femme et des enfants et nous ne possédons plus
rien. Dans mon douar, les gens commencent à mourir de faim.
Le patron songea tout d’abord à le réprimander pour son
impertinence, mais se rappelant par la même occasion que ses hommes
avaient peiné inutilement durant toute la matinée, il se ravisa et le
regarda avec intérêt.
─ Tu as une meilleure idée pour hisser cette grue ?
─ Monsieur, il faudrait tout d’abord changer cette poulie.
Devant les regards curieux des ouvriers, Ahmed grimpa sur le
poteau pour changer la poulie et redescendit avec agilité. Ensuite, il La grande famine 9
vérifa la corde avec une grande assurance, examina minutieusement
l’état des boulons et du crochet, puis se tourna vers les hommes et les
invita à se joindre à lui. Lorsque la grue fut enfn hissée, le patron ne
put cacher son admiration. Le soir, il le félicita pour son ingéniosité,
lui accorda sa paie et lui demanda de revenir le matin. Pendant une
semaine, Ahmed ft preuve d’une persévérance et d’une habileté
incomparables. Lorsque son patron apprit qu’il cherchait un logement
pour sa famille, il lui indiqua une adresse où il pouvait trouver une
chambre. Enchanté, Ahmed s’inclina pour embrasser sa main, ce que
son patron ne refusa point.
La maison en question relevait du domaine public et le loyer n’était
pas trop cher. En outre, la pièce était très spacieuse et un petit réduit
tout au fond offrait même la possibilité d’aménager une cuisine.
Quelques jours plus tard, Ahmed demanda la permission de
s’absenter et rentra au douar pour ramener sa femme et ses deux flles.
Alors qu’elles se hâtaient pour faire leurs bagages, il se chargea, lui,
de trouver une charrette. Mais cela ne fut pas une affaire de tout repos
dans un pays où le rêve de chacun était de gagner la ville le plus vite
possible. Après une longue recherche, il parvint enfn à en trouver une.
Un matin, bien avant le lever du soleil, toute la famille fut en route
pour Casablanca.
Alors que le père s’installait à côté du charretier, Halima et ses
flles montèrent à l’arrière avec les bagages. À peine eurent-ils quitté
le douar, que Fatima et Zineb se mirent à pleurer, car ce n’était qu’à
ce moment-là qu’elles venaient de réaliser qu’elles ne verraient plus
jamais les champs de blés, la forêt où elles se rendaient tous les jours
pour chercher du bois pour le

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