La Dame en noir et autres nouvelles
86 pages
Français

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La Dame en noir et autres nouvelles , livre ebook

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Description

Dix-sept nouvelles à lire au coin du feu.

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Informations

Publié par
Date de parution 29 mars 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414333103
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mic Mardan
La Dame en noir et autres nouvelles
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La Dame en noir
Le petit chat se mit à courir dans la prairie en se gavant d’herbes fraîches. Après la ville bruyante le contraste était saisissant. Il se roulait avec délectation dans cette verdure, sautait après les papillons et pirouettait tel un acrobate. Tout était nouveau pour lui qui avait vécu enfermé depuis sa naissance, il découvrait ici un monde inconnu, des odeurs ignorées, des insectes volubiles enfin tout était prétexte à de nouveaux jeux. Ayant passé l’âge de me rouler dans l’herbe, je m’attachais à découvrir moi aussi ce monde inconnu. Une nouvelle maison, de nouveaux voisins, une nature accueillante, tout ceci laissait présager un avenir des plus prometteurs. De nature liante, je me suis dit que j’allais me faire ici des relations, certes différentes de celles de ma ville, mais non moins enrichissantes. L’installation dura quelques semaines, le temps de défaire tous les cartons, de prendre possession de cette maison qu’un lointain oncle m’avait léguée et de la rajeunir. Déchirement de quitter une ville où les habitudes acquises m’avaient rendu une vie agréable. Quant aux relations ou soi-disant amis, personne qui ne puisse vraiment me manquer.
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Je me retrouvais donc du jour au lendemain dans un petit village sans prétention où tout le monde se connaissait et où j’apparaissais comme un objet de curiosité. La parfaite inconnue que l’on allait juger sur pièces sans indulgence. A ma gauche vivait un médecin veuf qui élevait ses deux petites filles avec l’aide d’une employée de maison. Nos jardins étaient mitoyens et je voyais souvent les jours de congé Marie et Julie sur des balançoires accrochées à la forte branche d’un cognassier. La sympathie fut immédiate et spontanément les relations s’établirent entre nous. A ma droite logeait une vieille dame sortant peu de chez elle et qui constituait pour moi un mystère. Elle apparaissait à la tombée du jour toute vêtue de noir si bien que je la distinguais à peine mais j’entendais sa canne marteler le carrelage de sa terrasse. Ce bruit m’était devenu familier et inconsciemment chaque soir en buvant un café sur le pas de ma porte, je l’attendais. J’étais arrivée dans ce village au début de l’automne – un très bel automne je m’en souviens – et j’étais dans le jardin à profiter des dernières clartés du jour quand j’entendis le claquement de sa canne. J’avais essayé d’éclaircir ce mystère en questionnant le seul commerce de la commune : l’épicerie – une sorte de supérette qui vendait tous les produits de première nécessité – sans grand succès. J’avais appris à son sujet qu’elle était arrivée dix ans auparavant dans la maison voisine de la mienne qui appartenait à un parisien qu’on n’avait jamais vu au village. Personne ne connaissait son nom et personne ne savait comment elle vivait. Elle n’avait pas de voiture pour se déplacer et on ne l’avait jamais vue dans le car qui assurait la liaison avec la ville voisine. Certains prétendaient avoir aperçu de temps en temps une camionnette de livraison
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arrêtée devant chez elle mais on n’en savait pas plus. Elle était la dame en noir ! Le mystère était total ! Profitant de ma liberté de jeune retraitée et curieuse d’en savoir plus, je menai ma propre enquête auprès de la mairie et des archives départementales. J’appris ainsi que la maison construite en 1880 était depuis cette date entre les mains de la famille Terras et que par succession elle passait d’une génération à la suivante. C’était une maison en pierres de taille dont la façade gardait encore la trace d’impacts de balle datant de la dernière guerre. Elle avait fière allure cette maison avec ses fenêtres en ogive dessinées par un architecte de talent. Sous le toit étaient aménagés des abris pour les oiseaux de passage. Les volets d’une couleur bleu un peu délavé donnaient un charme désuet supplémentaire à cette bâtisse. Côté jardin, une haie de bonne hauteur protégeait des regards indiscrets. Le propriétaire actuel était Philippe Sahel mais je n’en savais pas plus. Ce nom de Sahel évoquait pour moi un comédien de grand talent Lucien Sahel dont me parlait mon père quand j’étais enfant. Sociétaire de la Comédie Française il faisait la une des journaux à scandale pour sa vie privée plus qu’agitée. Une recherche sur internet me permit de mettre la main sur une mine d’informations. Ce Lucien Sahel, marié et père de trois enfants, collectionnait, semble-t-il, des petites amies parmi les jeunes comédiennes qui aspiraient à une carrière théâtrale. Le « Quotidien de Paris » du 15 juin 1970 faisait état d’une certaine Anne B., maîtresse de longue date de Lucien Sahel, qui en pleine représentation d’Hamlet à la Comédie Française, après avoir pointé son arme sur le comédien l’avait ensuite retournée sur elle se blessant très sérieusement. Elle resta plusieurs semaines entre la vie et la
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mort mais s’en tira tout de même en restant partiellement handicapée. Quel lien entre Philippe Sahel et la dame en noir ? Par internet j’appris que le comédien était décédé il y a dix ans à l’âge de quatre-vingt-huit ans et qu’il avait un fils prénommé Philippe. Pour résoudre une énigme il faut un peu de chance et je n’en ai pas eu ! Entrer en contact avec la dame en noir était mission impossible, d’autres que moi s’y étaient cassé le nez. J’ai donc inventé une histoire dont je ferai peut-être un livre un jour ? Lucien approchait la cinquantaine quand il rencontra Anne de 20 ans sa cadette, auteure de pièces pour le café-théâtre. Entre eux la passion fut immédiate et une longue liaison s’établit en marge de la vie conjugale de Lucien qui partageait ainsi son temps entre son épouse et sa maîtresse. Anne, qui avait accepté cette vie partagée, se sentit trahie quand elle découvrit que Lucien avait une jeune amie d’où cette scène violente relatée dans la presse qui la laissa partiellement handicapée, elle allait avoir cinquante ans. Lucien ne l’abandonna jamais. S’inquiétant du devenir d’Anne quand il ne serait plus là, il remit pour elle en état la maison à côté de la mienne, qu’il avait héritée de sa mère et prit des dispositions chez son notaire. Son fils Philippe hériterait de cette maison et de son entretien et une rente serait versée à Anne jusqu’à sa mort. C’est ainsi que Anne s’installa dans le village à la mort de Lucien, il y a dix ans, en recherchant un anonymat total. Quelques mois après ma venue dans le village quelle ne fut pas ma surprise, en trainant dans une librairie de la ville voisine, de tomber par hasard sur un livre intitulé « Lucien Sahel l’amour de ma vie ». L’auteure écrit sous le pseudo de Marie et raconte sa vie passionnée avec le comédien jusqu’à sa tentative de suicide lors de la représentation d’Hamlet et
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sa longue reconstruction. Le livre s’arrête là. Pour moi le mystère de la dame en noir reste entier ! Philippe Sahel est-il le fils du comédien célèbre ou un homonyme ? La dame en noir est-elle vraiment la Marie du roman ? Ces questions restées sans réponse ne m’empêchent pas d’être heureuse. Je regarde mon petit chat jouer avec les herbes du jardin, bientôt la nuit tombera et comme chaque soir j’entendrai le martèlement de la canne de la dame en noir et je lui inventerai peut-être une nouvelle histoire.
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