La dame à la djellaba rouge
200 pages
Français

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La dame à la djellaba rouge , livre ebook

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Description

La dame à la djellaba rouge est l'histoire de vies brisées, celle de la vieille Hadda, témoin impassible d'événements malencontreux dont elle ne peut modifier le cours inexorable, celle de ses enfants, Mohamed et Drissiya, jeunes, issus d'un bidonville qu'ils tentent de fuir. Mohamed quitte Salé, ville qui le tient en otage et écume les rues de Rabat. Il fait la rencontre de la dame à la djellaba rouge et sa vie s'en trouve bouleversée. Drissiya répond au même appel et, comme pour prendre sa revanche sur la misère, se livre aux plaisirs défendus. Harcelée, elle commet l'irréparable et en assume les conséquences dans un sursaut qui en dit long sur sa sensibilité, L'auteur a conçu la trame comme un film tendrement irrévérencieux. C'est bien le Maroc contemporain qui est disséqué à travers le destin de ces personnages atypiques. Avec ce premier roman, Ahmed Massaia nous livre un portrait d'un pays aux prises avec ses propres contradictions.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2016
Nombre de lectures 7
EAN13 9789954214565
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La dame à La djeLLaba rouge
Roman© Editions Marsam - 2016
15, avenue des Nations Unies - Rabat
Tél : 05 37 67 40 28 - Fax : 05 37 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Compogravure flashage
Quadrichromie
Impression
Imprimerie Bouregreg - 2016

Dépôt légal : 2016MO2439
I.S.B.N. : 978-9954-21-456-5Ahmed Massaia
La dame à La djeLLaba rouge
RomanA celle qui m’a inspiré
des passages de ce roman :
ma flle Leïla

Couverture
Le cri
Toile de Farida Bouazzaoui
Acrylique, 60 x 50«Parfois, le destin ressemble à une tempête de sable qui
se déplace sans cesse... cette tempête, elle est toi-même
et rien d’autre. Elle vient de l’intérieur de toi. Tu vas
réellement devoir traverser cette violente tempête… elle
tranchera dans ta chair comme mille lames de rasoirs
affûtées. Une fois passée, tu te demanderas comment
tu as fait pour la traverser, comment tu as fait pour
survivre... sois certain d’une chose : tu ne seras plus le
même».
«Kafka sur le rivage» de Haruki MurakamiDu même auteur :
• Répertoire du Théâtre Marocain, version arabe et française
(Ed. Al Manahil - Ministère de la Culture, 2012)
• Un désir de culture, essai sur l’action culturelle au Maroc,
(Ed. La croisée des chemins, 2013)
• Une humanité à partager, migration, mondialisation et question palestinienne,
(Ed. La Croisée des chemins, coll. Royaume des idées, Casablanca, 2015).
• La dame à la djellaba rouge,
(Ed. Marsam, Rabat, 2016).La dame à la djellaba rouge 7
Il était neuf heures quinze minutes du matin. La fourgonnette grise de la
prison centrale s’arrêta devant une porte dérobée du tribunal de première
instance, aux abords du quartier Assalam à Salé. Elle ft aussitôt marche
arrière et se colla presque au grand portail en fer dont les deux battants
s’ouvrirent aussitôt, comme une bouche monstrueuse prête à engloutir son
appât quotidien.
De nombreuses personnes, éparpillées çà et là en petits groupes sur
l’esplanade du tribunal, accoururent aussitôt qu’elles aperçurent au loin la
fourgonnette et s’agglutinèrent des deux côtés du véhicule. Deux policiers
en tenue, blasés, mais alertes et aux aguets, en descendirent. Ils arrangèrent
leur ceinturon à la manière de vieux cow-boys et ouvrirent les portières
arrière en enlevant le lourd cadenas qui les retenait, libérant ainsi leur
cargaison humaine.
Une bousculade se ft aussitôt autour de la fourgonnette. Certaines
personnes, parents, amis ou simples connaissances des prévenus, tentaient
de se frayer un passage au milieu de la cohue en jouant des coudes ;
d’autres, les moins hardis, se hissaient sur la pointe des pieds en agitant
une main ou en hélant désespérément le nom d’un proche. Et quand ils
n’y arrivaient pas, ils se baissaient presque à terre et n’avaient alors droit
qu’à des chaussures ou des bas de pantalons qui déflaient sur une bande
étroite au ras du sol. Dépités, ils rebroussaient chemin. De temps à autre,
on entendait une voix empreinte de soulagement : « Je l’ai vu ! je l’ai vu !
ils l’ont amené ! » Et aussitôt, celui qui proférait ces paroles se détachait
du groupe, et s’en allait en courant prendre place sur les bancs du prétoire.
Ce jour-là, une jeune femme d’une trentaine d’années se trouvait parmi
les prévenus. Elle était habillée d’une djellaba gris bleu, coiffée d’un
foulard noué sous le menton, couvrant à peine une chevelure abondante
d’un noir anthracite qui tombait sur ses épaules. Une large bande bleuâtre La dame à la djellaba rouge 8
cernait ses grands yeux noirs qui, seuls, brillaient encore à la vie. Les
chaussures à talons qu’elle portait la rehaussaient et lui donnaient une
cambrure laissant deviner sous la djellaba un corps gracieux. Quand ce
fut son tour de descendre de la fourgonnette, elle se laissa presque tomber
entre les mains des deux policiers, qui la poussèrent aussitôt vers le long
couloir sombre et crasseux menant directement à la petite cellule attenante
à la salle d’audience.
La jeune femme ne s’était rendu compte ni des deux agents, qui l’avaient
prise chacun par un bras et poussée derrière le portail à demi ouvert, ni des
nombreuses voix qui l’interpellaient désespérément, ni non plus du couloir
qu’elle avait traversé, et encore moins du temps qu’elle avait passé dans la
petite cellule au relent de bauge, avant que le policier ne vienne la conduire
vers le prétoire. Il arrive en effet qu’un esprit tourmenté se trouve tellement
absorbé par ce qui le ronge que tout s’anéantit autour de lui comme par
enchantement, le plongeant ainsi dans une sorte de vacillement de l’âme,
dû sans doute à quelque atroce peur de l’inconnu. Il se sent alors coupé de
tout lien avec l’extérieur, s’abandonnant à des pensées arachnéennes qui
ne s’estomperont qu’avec la fn de cette incertitude.
Toute attente de jugement est ambiguë. Elle est à la fois angoissante
et salutaire, libératrice en même temps, puisqu’elle affranchit des regards
parfois furtifs et condescendants, parfois accusateurs et vindicatifs, mais
qui, dans tous les cas, causent ce lancinant sentiment de culpabilité dont
personne ne peut se dépêtrer dans une pareille situation. Pour le moment, il
n’y avait que l’attente inexorable dans cette zone d’ombre où baignaient le
doute et les conjectures les plus absurdes. Drissiya tentait d’y échapper…
En effet, la jeune femme se sentait plongée dans un trou béant qu’aucune
lumière du dehors ne pénétrait. Peu lui importait la cellule qu’elle venait
de quitter et qu’elle devrait sans doute réintégrer un peu plus tard, quand
la sentence serait prononcée au milieu de ce salmigondis assourdissant
qui emplissait la salle et qui était à lui seul un jugement impitoyable. Car,
au bout du compte, dans cette cavité ténébreuse où le sort l’avait jetée,
elle ne rencontrait qu’elle-même, coquille vide abandonnée à son sort, où
résonnaient la solitude et le désespoir.
La salle d’audience était pleine à craquer. Les commentaires allaient La dame à la djellaba rouge 9
bon train. L’attente de la cour fut longue. Un chaouch veillait jalousement
sur la pile des dossiers fripés de couleur rose qui renfermaient l’histoire
de chacun des prévenus. En attendant l’entrée des juges et des assesseurs,
il tentait tant bien que mal de ramener un peu de calme dans la salle et
quand il n’y parvenait pas, il se rabattait sur ses protégés. Ils étaient là,
inertes et dociles, et il en était le maître. Alors de temps à autre il pouvait
se retourner et aller s’entretenir avec quelque avocat parmi les dizaines qui
avaient occupé les trois premières rangées.
Dans la petite cellule, Drissiya attendait son tour pour être conduite
devant les juges. Elles étaient deux femmes au milieu de plusieurs hommes
dont la plupart étaient jeunes. Ainsi réunis, ces parias d’une société
anthropophage aurait fait peur à une armée de soldats…. L’autre femme
n’avait que la quarantaine mais paraissait déjà vieille. On disait que dans
un accès de folie, elle avait trucidé son mari, sa belle-mère et deux de ses
enfants. Elle promenait un regard vide sur ses codétenus et souriait de
temps à autre, on ne sait à quel ange de la mort qui l’avait aidée dans son
entreprise folle. Quant aux hommes, la plupart d’entre eux portaient sur le
visage les stigmates d’une violence assumée qu’ils ne cherchaient guère
à dissimuler. Pas de tourments ni de peur dans leur regard à la lumière
éteinte, ils étaient indifférents au jugement de leurs semblables. Parmi eux
se trouvait un vieil homme que l’on surnommait le professeur. Lui seul
avait un visage serein qui souriait d’un air absent dans sa barbe blanche.
Il se contentait de laisser ses yeux courir d’un visage à l’autre comme s’il
essayait de deviner le mystère de chacun, tout en s’en amusant. Il croisa
le regard de Drissiya et son léger sourire disparut. Il resta longtemps à la
fxer, et ne put s’empêcher de se rappeler Strange fruit de Billie Holliday.
Le professeur aimait beaucoup cette mélodie bouleversante. Quand il
avait ce vague à l’âme qui le saisissait souvent dans ses combats avortés
de militant des droits de l’homme, il écoutait Strange fruit et il comprenait
mieux ce qui pouvait advenir des damnés de la terre. Il ferma un moment
les yeux et chantonna intérieurement la chanson de Billie Holliday tout en
gardant devant les yeux l’image de Drissiya : Voilà un fruit étrange / Du
sang sur les feuilles / Et du sang aux racines / Un corps noir oscillant /
Fruit étrange pendu / Yeux exorbités / Parfum de magnolia / Doux et frais La dame à la djellaba rouge 10
/ Et une odeur soudain / De chair brûlée / Ce fruit sera cueilli par les
corbeaux / Ramassé par la pluie / Aspiré par le vent / Pourri par le soleil
/ Lâché par un arbre.
Il rouvrit les yeux sur un monde de grisaille, jeta un regard autour
de lui, puis vers les menottes qui entravaient encore ses mains, hocha
la tête et se dit qu’on n’était jamais sorti de l’auberge de l’injustice et
des contradictions d’une société qui dit une chose et en fait une autre. Et
le sourire revint, éclairant ce visage étrange dont la perspicacité n’avait
d’égale que sa foi en la justice humaine. Voilà un fruit étrange / Du sang
sur les feuilles / Et du sang aux racines…
Depuis qu’elle s’était assise sur le banc face au professeur, Drissiya
avait posé ses mains sur les genoux et les fxait piteusement, comme si
des menottes lui brûlaient les poignets. Elle semblait absorbée par une
pensée mystérieuse dont elle ignorait elle-même l’origine. Elle savait
sans doute qu’il fallait assister à la cérémonie à laquelle devait participer
tout ce monde qui accourait au spectacle. Elle savait encore qu’il faudrait
supporter l’évocation douloureuse des faits que ce juge au regard lubrique
tenterait de lui imposer, le réquisitoire du procureur général, les plaidoiries
inutiles de l’avocat commis d’offce, et surtout l’impertinence des regards
qui allaient être pointés dans son dos comme des fèches empoisonnées
pour l’envoyer défnitivement au royaume

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