La chaise
103 pages
Français

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Description

Paris. Palais-Royal. Olivier patiente, un livre à la main, une chaise vide à côté de lui. Il dit qu'il attend quelqu'un, qui ne vient pas. Pourtant, un jour, le destin d'Olivier bascule. Il a rendez-vous avec son passé.


Vingt-quatre ans auparavant, son amour de 18 ans, Claire a disparu sans le prévenir.


Qu'est-il arrivé à Claire ? Pourquoi n'a-t-elle jamais répondu aux lettres d'Olivier ? Qui est-elle vraiment ? Et qui est le père de Claire, cet homme inquiétant qui interdit l'accès de sa maison ?


La chaise est un roman profond et sensible. Il dévoile progressivement les secrets de famille et révèle les fêlures. Un roman dont on ne sort pas indemne.



"Une plume virevoltante qui lie avec talent passé, présent, souvenirs et observations". Jack Lang, Ancien ministre, Président de l'Institut du Monde Arabe.


"Enlevé et marrant, ça se lit comme un vrai polar !" Florence Beaugé, Grand reporter au Monde Diplomatique




Jean-François Galletout est romancier, éditeur et dramaturge. Il a écrit avec Mohammed Zanaty la pièce Elle et Lui et des nouvelles pour le photographe Arnaud du Boitesselin, L’Esprit de l’escalier (Images plurielles, 2021)

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 juillet 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384390663
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La chaise
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
Jean-François Galletout
La chaise
roman
 
— Qu’est-ce qu’il leur a pris de nous convoquer toutes les semaines ?
Ces longues réunions chronophages sur lesquelles s’interrogeait ma collègue de La Mer du silence à Vannes, et qui nous accaparaient, sans échappatoire, bien plus longtemps que je ne l’aurais souhaité, parfois jusqu’à la nuit, annihilant toute possibilité de visites à mes librairies préférées ou de flâner sur les quais, se tenaient les mardis après-midi autour d’une grande table oblongue en lave polie bleu lapis-lazuli, dans l’immense pièce de réception d’un appartement bourgeois du quai de l’Horloge aménagé en bureaux, et propriété d’une maison d’édition centenaire qui s’assurait, par cette mise à disposition gracieuse, une certaine influence sur notre congrégation.
Je partais le matin et rentrais le mercredi soir.
Maria gardait la boutique. Les clients l’apprécient. Elle est aimable, souriante et connaît son sujet ; je lui fais confiance depuis le début.
Je n’étais pas persuadé non plus que nous retrouver si souvent fût nécessaire. Nos interminables séances tournaient régulièrement à vide. Les Parisiens d’entre nous pensaient-ils vraiment indispensable de nous mander ainsi ? Eux, les cerveaux de cette « France d’en haut » qui n’en n’imposait ni « en bas », ni ailleurs, tout en s’imaginant le contraire, habitaient sur place et n’avaient aucune idée de notre charge quotidienne de travail. Sans doute leur étions-nous juste utiles comme petites mains. Ainsi, dès que nous commençâmes à donner des avis, émettre des propositions ou interférer dans la programmation, voulurent-ils sans doute, par l’accroissement absurde de la cadence de ces assemblées superflues auparavant bimensuelles, nous dégoûter, nous, les quatre provinciaux, afin de défendre, avec leur suffisance de pseudos intellectuels de la capitale, ce qu’ils considéraient leur légitime pré carré. Cependant — ils auraient pu faire leurs calculs —, aussitôt qu’un administrateur vigilant, qui mit quand même six mois à s’en apercevoir, se rendit compte des coûts induits (billets d’avion ou de train, repas du soir, nuits d’hôtel), les convocations s’espacèrent aussi brutalement qu’elles s’étaient rapprochées.
Quoiqu’il en fût, à m’ennuyer ferme dans leur cénacle — dont je démissionnerai —, je ne me doutais pas qu’un jour ces astreignants déplacements hebdomadaires me renverraient à mon prétendu passé.
 
1ère partie
 
 
 
 
 
 
 
 
« Une fois que tu auras fait ma connaissance, le plus difficile sera pour toi de m’oublier. »
Friedrich Nietzsche
 
Rive gauche
J’avais mes habitudes à l’hôtel La Louisiane , rue de Seine, à deux pas de l’Odéon.
J’y dormais quand je venais à Paris pour ces réunions du mardi. Je m’y trouvais bien.
C’est un de ces établissements, comme Le Chelsea à New York, son cousin d’Amérique, où le passé et l’esprit des artistes continuent d’exister et de nous inspirer. À La Louisiane on a toujours une pensée pour ce colonel des cuirassiers de l’Empereur qui le fonda en 1823 à son retour de la Nouvelle-Orléans, où, exilé volontaire après ses dernières charges à Waterloo, il avait fait fortune. Il rôderait encore, en grand uniforme, paraît-il — je ne l’ai jamais croisé —, dans le dédale des étroits et tortueux couloirs que Tarantino qualifia de psychédéliques.
En tendant l’oreille, j’entendais les notes de Miles, John et Chet, les accords ou désaccords nocturnes des Doors, habitués des lieux à l’époque où les vedettes ne descendaient pas dans des palaces sans âmes ultra sécurisés. Gréco bénéficiait de la seule chambre avec salle de bains. Hemingway, Miller, Saint-Exupéry, Simone de Beauvoir et bien d’autres marquèrent l’endroit du sceau de la littérature.
L’écrivain égyptien francophone Albert Cossery, dont j’occupais souvent la chambre, la 22, habita l’hôtel pendant six décennies. Il y écrivit au début des années cinquante le fameux Mendiants et orgueilleux 1 .
Les personnages de ses ouvrages croisent dans les rues du Caire populaire ceux de Tawfi q El-Hakim, Naguib Mahfouz, Khairy Shalabi ou Alaa El Aswani qui évoquent tous Les hommes oubliés de Dieu.
 
J’aime les livres. Tous les livres.
Certains me plaisent plus que d’autres mais jamais ils ne me déçoivent. J’aime en parler et qu’on m’en parle. J’aime leur existence, leur présence, les regarder, les sentir, les toucher, les aligner, les empiler, les classer, les ranger, les épousseter, les déranger pour les feuilleter, connaître leur histoire et celle de leurs auteurs, les lire bien sûr, les relire, les annoter, les commenter, les recommander, les offrir et même... les vendre.
 
Cossery donc, habita La Louisiane de 1945 à 2008, période durant laquelle il publia au total six opus, un livre par décennie. « Une phrase par jour c’est déjà beaucoup » disait-il ; six titres sans changer de chambre en soixante-trois ans !
Il me regardait peut-être m’endormir dans le lit qui fut le sien et méritait bien cet hommage à la mesure de sa discrétion.
 
Je sortais vers huit heures.
Je m’arrêtais un instant sur le pas de la porte de l’hôtel, levais les yeux au ciel pour appréhender le temps du matin, partais à gauche et marchais quelques dizaines de mètres avant d’embouquer la rue Jacob que je laissais filer sur toute sa longueur.
Je me rendais au jardin du Palais Royal après deux tartines beurre confiture et un pot de café noir au Comptoir des Saints Pères, sur mon chemin, en face de l’école de médecine que j’avais beaucoup fréquentée autrefois.
 
Dans les grandes villes, je préfère prendre mon petit-déjeuner à l’extérieur des hôtels. J’étouffe e toujours un peu dans leurs salles de restaurant mal ventilées.
Je m’installais en terrasse à regarder le monde, sinon sur les banquettes à droite de la porte, à la recherche d’une conversation intéressante.
 
Attablés là au hasard de mes mercredis parisiens, je reconnaissais Bridget James, la totémique muse australienne de Klaus Ramka, ou François Thierry, l’auteur du remarqué Sade avant Sade 2 , incroyable récit de l’escapade italienne du « divin marquis » en compagnie d’Anne-Prospère de Launay, sa belle-sœur et maîtresse de dix-neuf ans qui lui avait juré fidélité dans une lettre signée de son sang.
À l’occasion j’offrais un café à mon vieux copain Jean-Louis Papelier, alias Zoreilles, éternel marchand de tableaux itinérant à plus de soixante-quinze ans. Georges Olivier me rejoignait souvent après m’avoir téléphoné ; haut fonctionnaire dans un ministère voisin, sans affectation depuis sept ans pour avoir vu ce qu’il n’aurait pas dû voir lors d’une visite officielle du premier ministre de la République, ce collectionneur reconnu de photographies de Gustave Le Gray me racontait, gourmand, les «  love hôtels  » de Tokyo.
Parfois, avec le regretté Cabu assis à la table du fond, nous reprenions une discussion géopolitique engagée des mois auparavant.
 
S’attarder sans réel but au hasard des bistros, luxe inouï des promenades dans Paris.
 
Je me remettais en route vers le pont du Carrousel aux jolis réverbères télescopiques.
Dire qu’ils ne fonctionnèrent qu’une fois ! Le jour de leur installation où, la nuit tombée, ils grimpèrent comme prévu de douze à dix-neuf mètres ; depuis jamais plus.
Voilà la Seine.
J’arrivais au Palais-Royal un peu avant dix heures trente.
J’adressais un salut amical aux gardiens du jardin qui m’étaient devenus familiers derrière la vitre de leur réduit, avant de m’engager dans le passage de la rue Montpensier et de me diriger, sous les quatre rangées d’arbres, vers le jet d’eau.
Ces mercredis d’avril à octobre toujours le même manège ; trouver une chaise, puis une autre que je plaçais à côté de la première sur laquelle je m’asseyais. À m’observer ainsi avec mes deux chaises on pouvait penser que j’attendais de la compagnie.
Qu’imaginaient les gens ? Qu’une femme, une maîtresse ? me retrouverait ? Qu’un fils, une fille ? viendrait me rejoindre à la sortie de l’école ? À moins qu’un ami ?
 
Dans les jardins publics, certains gardent deux chaises pour eux seuls ; l’une pour s’asseoir, l’autre pour étendre les jambes ou y poser leurs affaires : journal, livre, imperméable, sac à main, cartable, auxquels on veut éviter la poussière. Je n’avais rien à poser.
 
Je ne me charge jamais pour les promenades, je préfère marcher les mains libres.
 
La deuxième chaise restait inutile jusqu’à mon départ. Oui, probablement, devaient-ils penser, j’attendais une femme. « Sûrement une femme », devaient-ils se dire. Une femme qui ne viendrait pas, supposaient-ils peut-être.
Détendu, dans un jardin public, l’esprit divague à inventer une vie aux inconnus qui sont là.
 
Sempiternelle répétition des mercredis ; la chaise à côté de la mienne, celle où j’étais assis, restait inoccupée bien plus longtemps qu’il n’eût fallu pour ne pas susciter la convoitise. Moi-même, de quel droit confisquais-je une chaise supplémentaire ?
 
Une chaise vide ne peut résister longtemps au ballet des quémandeurs de chaises, tous plus insistants les uns que les autres, qui s’avancent gauchement comme pour inviter une ingénue à danser la prochaine valse au bal des débutantes.
J’entendis le gravier crisser. Je levais la tête vers un petit bonhomme gras mal habillé.
— Je peux prendre la chaise ?
— Désolé mais j’attends quelqu’un.
— Enfin… Si tout le monde réserve une chaise, alors plus personne ne peut s’asseoir, c’est invraisemblable !
— Écoutez monsieur il ne s’agit pas de tout le monde. Je suis seul mais je conserve cette chaise pour une personne qui doit me rejoindre.
— Ben alors, faut pas se gêner ! réplique le type, manifestement excédé, avant de s’en aller chercher ailleurs.
Je tenais bon et, mercredi après mercredi, éconduisais les prétendants, hommes ou femmes, les uns après les autres.
Au Palais-Royal
Il m’arrivait de déambuler un moment sous les arcades

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