L Objet de mon affection
198 pages
Français

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L'Objet de mon affection , livre ebook

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Description

La vie est un parcours semé d’embûches, un chemin de croix qu’il est préférable d’emprunter à deux. Certains attendent l’amour pour se lancer, d’autres ne le font pas, par peur de la solitude, par résignation ou parfois parce que le destin en a décidé autrement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 avril 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414031382
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-03136-8
 
© Edilivre, 2020
Dédicace
 
A C. et L.
Ceci est une fiction, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait pure coïncidence.
I
Le quai était désert. Léo jeta un œil à la pendule standardisée qui équipait chacune des gares SNCF. La fatigue aidant, le cheminement de la trotteuse lui apparaissait de moins en moins évident mais il parvint à déchiffrer l’heure : huit heures. Il soupira et posa son regard sur les passagers du Rouen Rive Droite-Paris Saint-Lazare de huit heures douze. Après un rapide coup d’œil, il évalua le nombre de ses congénères à une dizaine de personnes tout au plus : deux adolescents lourdement chargés dont l’impatience d’arpenter les rues parisiennes était palpable, un couple d’une trentaine d’années obnubilé par le confort de leur jeune enfant et quelques vieux routards aux intentions indécelables. La voix pré-enregistrée de la gare le fit sortir de ses rêveries et lui rappela qu’il devait s’éloigner de la bordure du quai afin que le train puisse entrer sans risquer de le harponner au passage. Les yeux tournés vers l’ouest, il attendit patiemment que le véhicule se soit complètement arrêté. Dès que celui-ci ouvrit ses portes, il pénétra dans le wagon, installa son sac à dos à la place définie, saisit sa valise dans la main gauche et un sac dans la droite. Cette disposition peu pratique rendait mal aisée ses déambulations mais il parvint tout de même jusqu’à la place qui lui était réservée.
Sitôt assis, il inspecta le wagon, l’inquiétude galopante, jusqu’à ce que son regard s’arrête sur l’objet de son intérêt, le voyant qui stipulait la proximité des lieux de commodités. Depuis sa plus tendre enfance, Léo avait toujours eu le mal des transports. Le train était l’un des moyens de locomotion qu’il supportait le mieux mais il préférait ne prendre aucun risque. Il s’était renseigné afin de savoir comment lutter contre cet handicap et ses recherches l’avaient amené sur plusieurs pistes. L’une d’entre elles avait trait à la neurologie, le mal des transports serait, selon les spécialistes, l’un des symptômes de la migraine au même titre que le somnambulisme ou la somniloquie. Léo possédait sans doute un terrain migraineux mais n’avait jamais eu jusqu’ici de céphalées. Rassuré, il rangea ses valises et posa délicatement le sac sur le siège voisin.
II
Le couple et l’enfant qu’il avait remarqués sur le quai prirent place non loin de lui, à portée de vue et d’ouïe. Leur conversation, si pesante soit-elle, agirait sur lui comme un calmant, un placebo inconscient qui trouverait son origine dans la banalité du quotidien de cette jeune famille. Les rapports qui régissaient leurs relations, les sentiments affichés et leurs échanges verbaux ne suffiraient sans doute pas à endiguer le flot incontrôlé de ses pensées mais cela entraînerait probablement quelques périodes d’accalmie salvatrice. A l’exception d’eux quatre, le wagon était à moitié vide. La faune qui le composait comptait approximativement un tiers de somnolents, un tiers de mélomanes et un tiers de lecteurs. La première vague n’avait que peu d’intérêt si ce n’est celui de montrer ces inconnus dans des postures peu flatteuses qui trahissaient souvent une façade bien différente. Les mélomanes étaient quant à eux plus mystérieux. La musique qui circulait dans leurs écouteurs avant de se perdre quelque part entre leurs deux oreilles n’agissait en rien sur leur comportement. Quels étaient les goûts musicaux du quadragénaire assis à la place cinquante-deux ou les compositeurs préférés du distingué sexagénaire du quarante-et-un ? La question resterait en suspens tandis que les lecteurs prenaient progressivement le pas sur l’intérêt de Léo.
Les transports publics ont ceci de merveilleux qu’ils créent des liens invisibles entre les passagers, un sentiment de partage pourtant rarement conclu par un échange verbal. La vision d’un inconnu plongé dans une œuvre à peine achevée ou simplement calée entre les mains suffit à susciter une vive sympathie sans que l’idée d’aller échanger un point de vue ne se fasse jour. De manière proportionnelle, le sentiment de rejet agit de même. L’auteur vilipendé, mis aux bancs des accusés pour indigestion littéraire ou superficialité stylistique réveillera les idées préconçues, les interprétations les moins solides chez le curieux qui observe ses pairs.
Le cru de ce samedi cinq juin était assez caractéristique de ce que l’on peut trouver dans un train qui démarre à huit heures douze. Quelques éperdues de chic-lit assouvissaient le sourire aux lèvres et l’émotion à peine contenue leur soif de romance tandis qu’un amoureux du verbe faisait de la résistance en lisant un classique indémodable. Il y avait également quelques amoureux des phylactères, franco-belges, américains ou japonais qui se distinguaient de la masse par des choix audacieux. Léo déchiffrait l’un après l’autre les titres de tous ces romans, de toutes ces bandes-dessinées et s’évertuait à les mémoriser en prévision des prochaines razzias à la librairie ou à la médiathèque municipale. Cette analyse était l’un de ses moments préférés. Non seulement, elle lui permettait de calmer les palpitations ardentes de son cœur mais elle éveillait chez lui un besoin d’évasion, la sensation rassurante de plonger tête baissée dans une histoire, de développer une empathie bienveillante pour des personnages fictifs. Depuis sa tendre enfance, Léo s’était abreuvé aux mamelles narratives, l’une donnait un breuvage cinématographique, l’autre nourrissait par les mots. Ce goût de la fuite revendiqué dès le plus jeune âge était un rempart à la solitude qu’il s’imposait plus qu’il ne subissait.
III
Léo secoua la tête. Il ne se sentait ni l’envie ni le courage de plonger dans des souvenirs ou de continuer cette séance d’auto-psychanalyse qui avait lieu à des heures et en des dispositions d’esprit mal venues. Il fallait qu’il pense à autre chose. Aussi, il se leva, entrouvrit la valise et farfouilla à l’aveugle jusqu’à sentir la tranche du livre qui trônait en haut de sa Pile à Lire, cette fameuse PàL qui s’était octroyée depuis quelques années une rubrique à part entière sur chaque blog littéraire. Léo avait un temps fréquenté ces sites Internet avant de déchanter. C’était un loisir bien trop chronophage à son goût !
Son approche de la lecture s’apparentait à une succession d’accidents, un parcours aléatoire qui ne devait son salut qu’aux circonstances et non à ce qu’il jugeait être un formatage de l’esprit encensé par des vagues éphémères successives et des ventes astronomiques. Il n’avait pas fait ses humanités, ne savait dire si une œuvre était considérée ou non par l’intelligentsia universitaire comme étant de la Littérature mais l’amour des mots, de cette langue française réputée difficile lui suffisait amplement à déambuler sans effroi dans une bibliothèque. L’objet littéraire qui avait ses faveurs en ce moment avait été un succès autant critique que publique et n’était en soi pas un choix très audacieux mais plutôt un impératif qui devenait au fil des pages hautement addictif. La lecture des pérégrinations olfactives de Jean-Baptiste Grenouille avait fait naître chez Léo bien des questions. Elles ne portaient ni sur ses prédispositions meurtrières ni sur le Paris de l’époque mais étaient beaucoup plus sensitives. Comme il était d’usage avec son esprit, Léo s’interrogea sur ses aptitudes à être Nez. Pouvait-on avoir ce don sans en être conscient ? Quelles études fallait-il faire pour exercer un tel métier ? Lorsque Léo arriva au stade de l’histoire où Grenouille prend la direction de Grasse, il ne put s’empêcher de poser son livre et de tester, le plus discrètement possible, son odorat. Il commença par son corps, sentit ses doigts, ses longs cheveux avant de se rendre compte du ridicule de la situation. Il tendit les narines et tenta en vain de déterminer les attributs de la fragrance choisie par la jeune femme assise devant lui. Un vague parfum lui parvenait mais il était bien incapable de parceller les différentes essences qui le constituaient.
Une odeur familière vint mettre un frein à ses tentatives infructueuses, un mélange de sucre et de fruit dont il se rappela aussitôt l’origine. Léo se tourna légèrement, saisit le sac qui était toujours posé sur le siège voisin et l’entrouvrit. A l’intérieur se trouvait un gâteau qu’il avait préparé la veille, un clafoutis aux pommes qui dégageait une odeur légère qui ne s’était heureusement pas propagée dans le wagon. Ce mets lui procurait un sentiment de fierté dû à une cuisson idéale et à l’aspect général que la pâtisserie présentait. Léo n’était pas un cordon bleu, n’avait aucune affinité avec la cuisine et ne devait ce clafoutis qu’à un souvenir d’enfance matérialisé par un vieux cahier retrouvé par hasard qui contenait des recettes de cuisine collectées quatre années durant. Cette période n’avait en soi rien qui ne mérite une quelconque nostalgie issue d’une carrière culinaire avortée de façon précoce mais constituait une part de sa vie importante au cours de laquelle l’insouciance cédait progressivement la place à une sensation diffuse, celle de ne pas comprendre le monde dans lequel il vivait.
Ingrédients renversés, cuisson mal gérée, choix de recette improbable, ces quatre années n’avaient aucunement révélé un don mais plutôt une maladresse perpétuelle dont il n’avait jamais su se départir. La seule raison qui l’incitait à persévérer était une fille de sa classe dont l’unique centre d’intérêt était la cuisine. Trop obnubilée sans doute par la meilleure façon de réussir le tiramisu, elle ne lui a

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