L’INDISCRETE
49 pages
Français

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Description

C’était comme une gifle du vent du nord, là-bas au bord des plages où la mer hurle. Une idée, une idée m’a chavirée.J’ai compris que je voulais être l’écrivaine des autres.J’ai mis une petite annonce, j’ai ajouté : « Je m’appelle Émilie », j’ai donné mon téléphone. Une bouteille à la mer où j’aurais bien enroulé un message doux : « Faîtes-moi confiance ».Si j’avais su…

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2022
Nombre de lectures 5
EAN13 9782383530077
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’indiscrete


Du même auteur :
Aux franges de l’éveil. Pierre Chave, Vence, 1987
(Avec des lithographies de Théo Tobiasse)
Mort derrière le mur. Albin Michel, Paris, 1993
Songe noir. Laure Matarasso, Paris, 1994
(Avec des eaux fortes et des aquarelles de Gérard Morot-Sire)
Ciel cassé. Éditions Tipaza, Cannes, 1997
(Avec des lithographies de Gérard Eppelé)
L’Envers du monde. La pointe Badine, Nice, 1998
(Aves des eaux fortes de Michel Joyard)
Et si vous étiez Musset… Les Éditions Varia Montréal, 2000
Visages nus, Éditions Mélis, Nice, 2000 (Préface d’André Verdet)
Sept heures d’absence. Les Éditions Varia Montréal, 2002
L’Homme de Berlin. Éditions du Losange, Nice, ٢٠٠٦ Pour l’Amour de Chair. Éditions du Losange, Nice, ٢٠٠٦ La femme clandestine. Éditions du Losange, Nice, ٢٠٠٩ La mère de Pierre. Éditions du Losange, Nice, ٢٠١٠
Le Syndrome de Stockholm. Éditions du Losange, Nice, 2011
Dance for love. Éditions Sudarène, 2015
L’Homme de Berlin (réédition). Éditions La Gauloise, Nice, 2016
Le Voilier Bleu. Éditions La Gauloise, Nice, 2017
Mort derrière le mur (réédition). Éditions La Gauloise, Nice, 2017
Devoirs de vacances. Éditions La Gauloise. Nice2017
L’enfant sous un saule pleureur. Éditions La Gauloise. Nice 2018
N’importe où. Éditions La Gauloise. Nice 2018
Et en plus, elle s’appelle Garance. Éditions la Gauloise,
St-Laurent du Var, 2019
Silences et doubles croches. Éditions la Gauloise,
St-Laurent du Var, 2019
La nuit d’Apollonie. Éditions la Gauloise,
St-Laurent du Var, 2020
Juliette à sa fenêtre. Editions la Gauloise 2020
Encre violette et livre blanc, Editions la Gauloise, 2021


Marie-Agnès COUROUBLE
L’indiscrete
Roman
Les Editions La Gauloise


Maquette de couverture INNOVISION
Crédit photos – Adobe Stock
Tous droits réservés pour tous pays
Copyright 2022 – Les éditions La Gauloise
2474 avenue Emile Hugues, 06140 Vence
ISBN : 978-2-38353-008-4
L’Indiscrète


1
C’était comme une gifle du vent du nord, là-bas au bord des plages où la mer hurle.
Une idée, une idée m’a chavirée.
Puis une sorte de vague gigantesque m’a assaillie. Je ne pouvais pas la refuser, la nier, m’en détourner. L’idée faisait son chemin comme avec la force des océans.
Mon refus des mots devenait inutile, l’idée faisait son chemin, se transformait en noyau dur, en mince lueur comme la lune quand elle commence à s’étirer dans un ciel de nuit.
Je n’écrirai plus mes mots à moi mais ceux des autres. Ils pouvaient m’arriver en plein cœur, bouger le mouvement perpétuel de la vie. Punie pour mes désaveux, mes craintes des lourdeurs, des lenteurs, des chutes, des poésies survitaminées, des langueurs insolentes ou imprudentes, ou tout simplement agaçantes, j’ai reconnu cette vague comme un arc-en-ciel entre le monde et moi, ce moi qui domine, exagère, amplifie, où je crois tout dire et je ne dis rien.
Je me suis assise, j’ai ressenti cette vague, longuement et j’ai songé.
J’ai compris que je voulais être l’écrivaine des autres.
À chacun sa parole, même étrange, ou privée de sens mais peut-être importante. J’aiderai la parole à petits mots ou à mots graves, celle qu’on n’ose pas prononcer, ou qu’on ne sait pas écrire. Il faut une autre plume. Je serai cette plume.
J’ai essayé de suivre un stage. D’apprendre. Chaque seconde d’instruction m’ennuyait à périr. Je baillais. Je quittais le cours malgré le bruit de ma chaise, je m’enfuyais et conduisais entre les arbres qui semblaient m’approuver.
Il me suffisait sans doute d’écouter, de comprendre, de traduire parfois l’intraduisible. De saisir l’indicible. La solitude et la réflexion m’apprenaient plus que tous les cours du monde.
J’ai mis une petite annonce, j’ai ajouté : « Je m’appelle Émilie », j’ai donné mon téléphone.
Une bouteille à la mer où j’aurais bien enroulé un message doux : « Faîtes-moi confiance ».
Puis j’ai attendu.
J’ai cultivé mon jardin. Il fallait bien que les fleurs poussent, particulièrement des tulipes jaunes plantées au pied d’un arbre.
Entre un coup de rouge à l’ombre, les courses en ville, le petit café au bistrot (pourquoi petit…) des heures exquises, la semaine passait. Quand le téléphone sonnait bien sûr j’étais fébrile.
Ma conversation avec celui ou celle qui m’appellerait avait pris la gravité d’un contact avec le monde. Du fond de mon égoïsme j’attendais ardemment, mon émoi n’était pas celui d’une auteure alléchée par un sujet, plutôt d’un cœur attiré par le trouble, le chagrin, l’émoi. L’idée d’être une passerelle peut-être.
Il faut du courage pour accepter de n’être qu’une passerelle, je pense à Cyrano de Bergerac, son amour blessé, masqué derrière des mots si beaux que l’amour en devient une glissade éperdue.
Quand je pensais à Cyrano j’avais du courage, de la patience. Je trouvais le ciel moins trompeur avec son bleu inlassable qui pouvait se transformer en cataclysme et faucher mes tulipes.
La semaine s’écoulait, le monde allait tourner différemment, plus offert sans doute, moins englué dans un quotidien sans risques.
En même temps, une crainte s’insinuait. L’idée d’écrire des lettres administratives m’ennuyait profondément. Mais celle de pénétrer dans les familles, dans les cœurs, ou de connaître des situations intimes me faisait encore reculer.
Il me faudrait de la prudence.
En étais-je capable ?
Comment rester imperturbable, ne pas partager une joie, une douleur. Mon quotidien allait changer mais non sans un danger encore diffus. Ce qui ne m’empêche d’attendre passionnément un coup de fil.


2
Le premier appel fut inattendu. J’étais surprise par la voix très jeune et tremblante.
- Vous êtes bien Madame Émilie de l’annonce ?
Elle devait avoir onze ou douze ans.
Et tout de suite.
- Vous demandez des sous ?
- Non, j’écris pour vous, c’est tout.
- Et si le sujet est horrible ou idiot ?
- Peu importe, c’est vous qui comptez. Vous me dîtes votre désir.
- Je voudrai écrire au curé. Mes parents ne savent rien.
- Tant pis - dis-je allégrement - on écrira comme on pourra.
- Si vous ne demandez pas de sous… On se voit où alors ?
- Chez moi, tout simplement. J’ai un petit bureau et deux chaises côte à côte.
- Ah non ! Pas comme à l’école. Et après ?
- On parlera.
- C’est très secret. Je suis décidée mais je n’ai pas les mots, j’écris mal, à l’école je suis la dernière.
- Demain ça vous va ?
C’était un samedi. Sa voix ne tremblait plus, j’ai cru la voir sauter de joie.
Je lui ai donné mon lieu, un peu en dehors du centre, ma voix devenait plus tendre.
- Demain quinze heures.
- À demain, dit-elle dans un souffle rapide et heureux, j’apporterai mon cahier, j’achèterai une enveloppe et un timbre, recopier ça je sais faire. Elle riait presque.
Demain était déjà enchanté par ma curiosité et une tendresse dissimulée.
À quinze heures pile elle était là. Toute chiffonnée dans sa robe de Prix Unique à deux sous, mais tout de même des baskets à la mode.
Il y avait des fleurs sur mon bureau. Elle s’est assise, tout de suite à l’aise, peut-être mauvaise élève mais fringante.
- Voilà je veux écrire au curé pour lui dire que je ne veux pas faire ma communion.
Je ne disais rien, je l’écoutais.
- Depuis des années je mange une grosse tartine de confiture juste avant la messe. Je ne suis pas digne de ce Jésus, j’ai trop faim.
Je ne ris pas.
- Et ma confirmation non plus. J’aime pas les mots renoncer à Satan, à ses pompes… Satan, lui, il sait, moi pas et puis les pompes…
- On va écrire.
Elle m’a jeté les mots comme s’ils lui brûlaient le ventre.
« Monsieur le curé, je suis une escommuniée (vous comprenez je ne sais pas écrire ce mot). Je mange tous les dimanches, juste avant la messe, c’est pas exprès, Jésus ne doit pas aimer les tartines, et mon estomac vide vide, c’est la torture.
Ah oui ! Satan, vous dîtes que c’est le diable et moi j’aime bien les diables, c’est comme ça, ils m’attirent. Alors je ne veux plus vous tromper même si je suis une mauvaise, après tout je préfère être mauvaise parce que les bons ne sont pas toujours bons, les mauvais ça se voit, les vrais bons se cachent tellement qu’on ne les voit plus du tout. »
Elle parlait, parlait dans une tornade.
Et moi la simple écrivaine, je la comprenais. J’avais douze ans.
- Tu recopieras très proprement. Tu as une enveloppe et un timbre, as-tu l’adresse du curé ?
- Vous me faîtes rire, qui n’a pas l’adresse de la curaille ! Mais vous êtes gentille.
- Pars vite.
- Surtout Madame Émilie, top secret ! Le jour de ma communion, je me cacherai, je sais où.
Pas de parents dans l’histoire, je n’en parle pas.
Elle s’en va le cahier sous le bras, sage comme une bonne écolière, toute petite dans sa robe de mauvaise percale.


3
J’ai passé deux ou trois jours dans une douce euphorie. Les courses, le chien, le ciel menaçant, tout était bien, l’attente devenait un chant plein d’optimisme, je savais que d’autres difficultés me prendraient à la plume, tant pis.
Le téléphone a sonné. C’était rapide. Cette fois une voix plus mûre, une voix de jeune femme timide, elle craignait de m’ennuyer.
- J’ai lu votre annonce, c’est un cas particulier, j’écris très mal ou plutôt j’ai peur de ne pas trouver les mots.
- On cherchera. Parfois c’est simple. Vous voulez venir chez moi ?
- Je préfère ma chambre, quand il n’y aura personne.
J’ai pris le nom de la rue, c’était dans un immeuble neuf à l’entrée du centre. On a fixé l’heure.
Le lendemain. Cela semblait urgent. Elle m’a remerciée avec une sorte d’émotion. J’ai essayé d’être cordiale, facile à rencontrer. Pénétrer dans les secrets, ce n’est pas une petite affaire. Et trouver les mots qu’il faut,

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