L Île aux salamandres
220 pages
Français

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L'Île aux salamandres , livre ebook

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Description

« Je m'appelle Paul, Paul Sinclère, j'ai dix-sept ans, je suis bachelier depuis trois jours et au lieu de partir en vacances avec des amis de mon âge dont l'obsession majeure, que je partage entièrement, est de coucher avec un maximum de filles, je suis enfermé dans ce manoir sous la contrainte de parents indignes qui ont trouvé en la personne du fou furieux qu'est le père Coconnas un écho de leur propre folie qu'ils rêvent de me voir adopter. Je suis le plus malheureux des hommes et ne pense qu'à m'enfuir de cet endroit diabolique. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 octobre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342013016
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Île aux salamandres
Thierry Blaché
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Île aux salamandres
 
 
 
 
 
 
 
Dans un état d’angoisse épouvantable, je trouvai mon nom assez vite ; j’étais sur la liste des reçus avec une moyenne générale de 10,1.
Les filles autour de moi pleuraient de joie ou de désespoir selon leur réussite ou leur échec, dans cet état de légère hystérie qui s’accompagne souvent chez elles d’expulsion d’eau salée et de cris suraigus. Les garçons se tapaient dans la main ou bien s’étreignaient, attentifs à se conformer à la gestuelle des joueurs de foot qui ont marqué un but.
Passé l’immédiat soulagement de la réussite, je sentais revenir lentement en moi cet état d’indifférence qui est ma condition habituelle, ce retrait par rapport à la vie ordinaire qui pousse ma mère à me qualifier d’adolescent virtuel et mon père de bâton merdeux signifiant avec cette douteuse métaphore qu’on ne sait jamais par quel bout me prendre.
Les copains reçus déduisaient de mon calme que j’étais collé, ils me donnaient d’amicales bourrades alors que les recalés se félicitaient qu’un élève de plus vînt grossir leurs rangs.
— T’es collé, Paul ? me demanda la délicieuse Pauline Duboulet, moi j’ai mention très bien, c’est cool non ?
Je répondis qu’en effet c’était cool mais non je n’étais pas collé, j’avais pile la moyenne et puis voilà, quoi.
Je traînassai un peu dans la cour du lycée en tentant de convaincre mes potes largement reçus que c’était carrément plus cool d’avoir pile la moyenne que de frôler la mention assez bien avec un médiocre onze et demi. Je me lassai vite et rentrai à la maison en me demandant, comme à chaque fois, pourquoi je n’avais pas le courage de ne pas rentrer.
Ma mère m’attendait, inquiète de savoir et déjà exaltée par la perspective du résultat qui, quel qu’il fût, ne la satisferait pas. J’envisageai un instant d’annoncer que j’étais collé, histoire de créer un choc à l’aller et une bonne surprise au retour mais le cœur n’y était pas.
— Reçu, dis-je simplement.
— Avec mention ?
— Non.
— Combien de moyenne, soupira ma mère ?
— La moyenne…
— Évidemment ! Le pire cas de figure, le zénith de la médiocrité, l’exact objectif de la nullité, ni plus ni moins que le néant, la fascination du rien ! La moyenne ! Dix sur vingt ! Dix, le nombre qui symbolise le mieux la fin d’un cycle, le retour au centre, le repli sur soi-même, l’authentification du signe astral de la vierge, le tien, le pire de tous, celui des faiblesses, des compromissions et des échecs ! Quand je pense qu’à un jour près tu naissais sous le signe de la balance qui fait triompher les arts créatifs chez les vainqueurs et tout ça à cause de ton imbécile de père que les exhalaisons océanes finistériennes mirent en verve génitale entre Noël et le Jour de l’An, après un abus manifeste d’huîtres de pleine mer et qui tint absolument à me faire subir une fois de plus ce que j’ai toujours considéré comme un répugnant esclavage conjugal. J’eus l’espoir, quand vint septembre, que je pourrais retarder d’un jour l’échéance que cet imbécile de Mindas fixait au 22, non pas que j’eusse souhaité garder au chaud mon fruit, selon l’expression idiote de ces mères qui ne se sentent jamais plus femmes que pendant leur grossesse mais pour te faire naître, mon pauvre Paul, sous le signe de la balance, gouverné par Vénus et placé au centre de cette conscience de la dualité humaine qui ne cesse d’osciller harmonieusement entre le monde spirituel et le matérialisme.
« Ton entêtement à voir le jour, donna raison à ce crétin de Mindas et tu étais bien promis à la médiocrité en venant au monde le 22 septembre avec comme seule perspective un destin analogue à ceux des Stephen King et autres Michael Jackson, sinistres velléitaires natifs de la vierge. Tout se retrouve, tout se paie, tout s’expose et la totale disharmonie de tes flux circulatoires trouve une éclatante démonstration dans ton échec au bac…
— Maman, je te rappelle que je suis reçu !
— Ne dis jamais ça malheureux ! La stricte moyenne est l’illustration cinglante de ton insuccès ! J’eusse cent fois préféré que tu fusses collé afin qu’un redoublement porteur de honte et de stimulation, te propulse l’an prochain vers une éclatante mention, les félicitations d’un jury sidéré et la publication de tes notes dans la presse locale ; ainsi, muni d’un dossier stupéfiant, tu aurais, le front haut, brigué l’accès aux plus prestigieuses écoles, Polytechnique, Normal sup, l’ena, que sais-je encore, Centrale… Mais ne spéculons pas, affrontons la désastreuse évidence, après cette tragédie qu’allons-nous faire de toi ?
— Eh bien, je pensais…
— Garde-toi de penser, je suis là pour penser à ta place, tu le sais bien et tu en as fait le constat amer lorsque seul devant ta copie blanche tu récoltas les fruits secs de ton incapacité à penser par toi-même.
— Pour les vacances…
— Pour les vacances j’ai pris certaines décisions !
— Je suis invité chez un copain dans le Vercors…
— Il n’en est pas question !
— Mais pourquoi, maman ?
— Pour trois raisons, la première parce que tu ne le mérites pas, la seconde parce que le Vercors est un calamiteux plateau calcaire parsemé de failles, de grottes, de rivières souterraines, où il est impensable de séjourner durablement entre deux lézardes du maillage cosmo-tellurique, la troisième parce que j’ai arrêté avec ton père un choix de villégiature dans une île dont les sols schisteux détiennent d’importantes quantités d’un radium faiblement radioactif ; leur pouvoir bénéfique sera des plus salutaires aux tourments cardio-vasculaires de ton pauvre père.
— Maman !
— Tais-toi Paul, ce n’est pas tout. L’inexistence de ton schéma intérieur qui nous préoccupe depuis ta naissance, ton père et moi, lorsque celui-ci consent à sortir de son rêve intérieur et de son atelier, nous a amenés à nous interroger sur les raisons de ton manque de spiritualité et de ton absence totale de savoir-faire méditatif. Sans réponse, hélas, une solution se dessine ; on nous a parlé d’une île qui abrite une, comment dirais-je… Une congrégation spirituelle sous l’égide d’un grand initié, d’un disciple de la reconnection reliée au principe divin et à la réalité transcendantale ; c’est là que nous allons passer les vacances ; je t’ai inscrit dans cette communauté, l’affaire est entendue, nous partons dans deux jours, le Père Coconnas t’y attend dans trois.
— Le Père Coconnas ?
— Le Père Coconnas est l’immense autorité spirituelle qui guide les membres de cette communauté ; il sera ton mentor, l’initiateur de ton entrée dans une nouvelle vie, le maître d’heures consacrées à la méditation, à la prière, à la lecture de textes sacrés, au chant, sans oublier le travail manuel, le baiser aux lépreux…
— Des lépreux, il y aura des lépreux ?
— C’est une image, mon enfant !
— Maman, pour rien au monde je ne veux aller là-bas, je veux aller dans le Vercors avec mon pote !
— Mon petit Paul, tu feras ce qu’on te dira de faire, tu n’es pas encore majeur et je te rappelle que pour faire valoir ta volonté la moindre des choses eût été que tu réussisses à avoir ton bac.
— Mais, je l’ai mon bac, je l’ai, nom de Dieu, je suis reçu maman !
— Ne joue pas sur les mots Paul et ne sois pas grossier ; maintenant file dans ta chambre, on dîne dans 47 minutes.
* * *
Le dîner respecta le rite immuable de tous les repas familiaux.
Mon père lisait le journal, ma mère marmonnait, mon père dit « Salut » au hachis parmentier qui revenait pour la troisième fois sur la table depuis deux jours, il demanda à quel moment le repas commençait quand on arriva au fromage, puis, il dit que c’était bientôt les vacances, est-ce qu’on avait décidé quelque chose pour le lieu et à propos Paul, comment ça s’est passé ton bac ?
— Je suis largement reçu, répondis-je !
— Ah, tu as déjà les résultats ?
Ma mère leva les yeux au ciel :
— Reçu, c’est un bien grand mot, nous dirons plutôt que Paul est admis dans le collectif de la médiocrité générale avec la note infamante de 10 !
— Lorsque Napoléon Bonaparte se présenta au concours d’entrée de l’École Militaire, dis-je avec véhémence, il fit au tableau la démonstration de la trisection de l’angle et de la duplication du cube, en quelques minutes, armé simplement d’une règle et d’un compas ; le jury médusé lui demanda quelle note lui semblait justifier une telle prouesse, il répondit alors que la note importait peu puisque l’Histoire se contenterait de se rappeler la performance sans qu’il fût nécessaire de la quantifier. Eh bien, c’est pareil pour moi, Papa, je suis reçu, la note on s’en fout, ce qui compte c’est le résultat, tu es d’accord, non ?
— Bien sûr, mon garçon ! Alors qu’est-ce que tu veux faire maintenant que tu as ton bac ?
— C’est parfaitement clair dans mon esprit, je veux aller électrifier les pylônes dans le Grand Nord canadien, on y cherche de la main-d’œuvre non qualifiée grassement payée.
— Très bien, mon petit Paul, je suis ravi que tu te prennes en main. Qu’est-ce qu’il y a comme dessert Marguerite ?
La conversation s’orienta alors vers le lieu où nous irions passer les vacances.
Ma mère fut péremptoire : tout était arrêté, parce que dans cette maison il fallait bien que quelqu’un prît les décisions importantes, alors voilà, on irait dans l’île de Chaix, un îlot charmant au large, dans l’Atlantique, il y avait un bateau tous les jours, c’était un endroit de très forte harmonie géobiologique où depuis la nuit des temps les

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