L Hippopotame de Manjura
296 pages
Français

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L'Hippopotame de Manjura , livre ebook

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Description

« L’allegro de sonate du premier mouvement venait de le transporter à des milliers de kilomètres. Son cœur s’était brusquement emballé à la vue de flots bleus et d’une terre brûlée qu’il ne pourrait jamais oublier. Dimitri reconnaissait maintenant parfaitement ce qui tout à l’heure lui était apparu d’une façon grossière. Les rivages de Manjura et les décors de son enfance défilaient devant ses yeux à un rythme effréné. Les cabanes multicolores des pêcheurs, les frondaisons du massif de l’Isalna, il distinguait les moindres détails de paysages enfouis au plus profond de lui pour toujours. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748393781
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Hippopotame de Manjura
Laurent Massias
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Hippopotame de Manjura
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie

 
 
Ankizy lasa sakaiza ka milalao vovoka irery
Des enfants qui ont perdu leurs amis jouent tout seul dans la poussière
(Proverbe malgache)
 
 
 
 
1
 
 
 
La lumière déclinante de cette fin de journée de septembre signifiait le moment du départ. Dans quelques minutes, toute la petite troupe se remettrait en marche pour Manjura. Il en était ainsi chaque jeudi, jour de promenade hebdomadaire pour les enfants.
Tout le monde connaissait déjà parfaitement les instructions de mamie Bakoly. Elle les répétait avec application à chaque excursion. Mais comme les enfants étaient ce qu’elle avait de plus précieux, elle ne se serait jamais pardonné qu’il leur arrive quelque chose, faute d’avoir énoncé une fois encore l’ensemble de ses recommandations. Tout bien ranger, ne rien laisser derrière eux, choisir leur compagnon de route et former la colonne qui allait bruyamment parcourir le chemin du retour. Voilà les consignes que mamie Bakoly rappelait inlassablement aux enfants tous les jeudis après-midi au moment du départ.
 
Aujourd’hui, la promenade les avait conduits en direction du grand plateau de Tuleara, tout près de champs de coton qu’exploitaient encore les paysans de la région. Ils avaient parcouru un peu plus de quatre kilomètres, s’étaient arrêtés dans une grande clairière tapissée d’une herbe plutôt rare dans ce secteur et avaient passé l’après-midi à jouer tranquillement. Comme tous les jeudis, rien n’était venu perturber ce moment de quiétude qui leur permettait d’échapper à leur quotidien.
 
En cet endroit, la piste qui surplombait le canal du Mozambique et son eau turquoise serpentait entre les flamboyants et les plantations de vanille et de café. C’est vers la fin de l’ascension, en arrivant sur les premiers contreforts du plateau, qu’on commençait à percevoir toutes ces senteurs si caractéristiques de la région.
Dès le départ, les enfants avaient formé une colonne compacte. Ils regagnaient la plaine en progressant sur un rythme nonchalant et empruntaient des sentiers par endroit bordés d’ylangs-ylangs dont les corolles aux reflets d’or et de safran frémissaient au rythme du vent du sud.
Alors que les hautes terres en latérite vermillon qu’ils apercevaient sur le flanc des montagnes projetaient maintenant une ombre menaçante, toute la petite troupe pressa le pas.
 
Mahaleo avait choisi Faralahy comme compagnon pour effectuer le trajet du retour. Il ne l’avait pas choisi par hasard. Il lui avait proposé de marcher à ses côtés car c’était le garçon le plus discret et le moins bavard de tout le groupe. Et Mahaleo n’avait vraiment pas envie de discuter en cette fin d’après-midi. Bien qu’étant d’un naturel très enjoué, il avait perdu un peu de sa gaieté depuis quelques jours. Et surtout, il ne souhaitait pas en expliquer les raisons. Il savait qu’en marchant à côté de Faralahy, il n’aurait pas besoin de se justifier.
Au bout d’une dizaine de minutes de marche et alors que les deux garçons n’avaient pas échangé la moindre parole, Faralahy se tourna vers son camarade.
— Dis-moi Mahaleo, pourquoi Sariaka ne marche pas à tes côtés aujourd’hui ?
Sans le savoir, il venait de prononcer exactement ce que son compagnon ne souhaitait pas entendre.
— Qu’est ce que ça peut te faire qu’elle marche à côté de moi ou pas ?
— Rien du tout, mais c’est simplement que d’habitude…
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase.
— Quoi d’habitude ? Occupe-toi de ce qui te regarde et tais-toi !
Mahaleo venait de couper court à la discussion de manière un peu brutale. C’était la première fois qu’il s’adressait à Faralahy de la sorte et à l’instant même où sa réponse avait fusé, il avait regretté le ton sur lequel il lui avait parlé. Faralahy était un des enfants les plus jeunes. S’il n’était pas très bavard, c’était en revanche un des plus gentils et il ne méritait certainement pas que l’on s’adresse à lui de cette façon. Mais sans le savoir, le jeune garçon venait de toucher un point sensible. Sariaka avait en effet ignoré Mahaleo durant toute la journée.
C’était la première fois depuis son arrivée, il y a maintenant deux ans, qu’elle ne marchait pas à côté de Mahaleo pendant la promenade. Elle avait choisi de donner la main à Tiava, sa meilleure amie, et elles n’avaient cessé de chuchoter depuis le départ et de partager des secrets qui en disaient long sur leur connivence.
À chacun de leurs pas, les enfants soulevaient un nuage de poussière jaunâtre qui accompagnait leur progression. Ainsi enveloppé dans un halo de fines particules, le groupe faisait penser aux troupes de nomades qui parcouraient encore le pays au siècle dernier, fuyant devant les nombreux envahisseurs qui s’étaient succédé. En empruntant ces chemins, ils n’avaient dû leur salut qu’aux territoires montagneux et aux nombreuses grottes dans lesquelles ils avaient pu trouver refuge.
Depuis que les enfants s’étaient mis en route, Sariaka et Tiava étaient restées toutes deux en fin de colonne. Légèrement à la traîne, elles pouvaient ainsi discuter tranquillement, sans qu’aucune oreille indiscrète ne puisse capter leurs conversations.
 
Le sentier escarpé sur lequel s’étaient engagés les enfants zigzaguait maintenant entre de gros blocs de roche de couleur sombre. À chaque virage, Mahaleo ne pouvait s’empêcher de s’arrêter un court instant et se retournait pour tenter de l’apercevoir.
Sariaka était vraiment une enfant d’une rare beauté. Elle avait des traits d’une extrême finesse et avait hérité des grands yeux en amande des peuplades qui bordaient l’Océan Indien dans cette région d’Afrique. Son sourire mutin et les perles de couleur qu’elle fixait au bout de courtes tresses relevaient l’air espiègle qu’elle affichait en toute circonstance.
À cet instant, une question taraudait l’esprit de Mahaleo : qu’avait-il bien pu faire pour que Sariaka soit à ce point en colère contre lui ?
Les deux enfants ne s’étaient encore jamais fâchés. Bien au contraire, dès son arrivée Sariaka était devenue sa meilleure amie. Ils s’étaient trouvés naturellement, étaient allés l’un vers l’autre et avaient noué une complicité sans faille. Pas un jour ne passait sans qu’ils se retrouvent pour jouer dans la cour de l’école. Ils ne se quittaient jamais et les sentiments qu’ils ressentaient désormais l’un pour l’autre dépassaient le cadre d’une simple amitié.
Ndranto et Beloha, les deux meilleurs copains de Mahaleo, ne manquaient pas une occasion de lui chanter : « Sariaka et Mahaleo sont amoureux, Sariaka et Mahaleo sont amoureux… »
Ils le raillaient ainsi gentiment car les trois garçons étaient en fait les meilleurs amis du monde. Lorsqu’il n’était pas avec Sariaka, il ne fallait pas chercher bien loin pour trouver Mahaleo. Il était forcément en compagnie de ses deux acolytes. Avec Ndranto et Beloha, ils étaient arrivés tous trois quasiment ensemble à Marie-Louise et formaient un trio inséparable.
De tous les garçons de Marie-Louise, Ndranto était celui qui apprenait le mieux à l’école et sœur Cécile le félicitait souvent pour ses bons résultats. Mais s’il aidait régulièrement ses camarades à faire leurs devoirs, c’était en revanche un piètre joueur de football. Beloha et Mahaleo le charriaient souvent pour ses malheureuses tentatives de dribbles ou pour les tirs dont il avait le secret et surtout dont il maîtrisait rarement la direction. Un jour, d’un tir malheureux, il avait ainsi renversé la bassine de linge de mamie Bakoly alors qu’elle traversait la cour sans prendre garde.
Beloha était bien différent. Il était nettement moins doué à l’école, mais n’avait pas son pareil pour courir dans les chemins et attraper les mandihy. Ces petits lémuriens parfaitement inoffensifs avaient un corps de couleur blanche surmonté d’une petite tête brune et se déplaçaient au sol en sautant de travers. Lorsque Beloha en repérait durant la promenade, il se glissait vers eux sans bruit et se postait à l’affût derrière un buisson. Il n’avait alors plus qu’à attendre qu’un mandihy s’approche et le saisissait à son passage. Lui seul savait les attraper ainsi, en évitant les petites dents pointues qui tentaient de mordre tout ce qui passait à leur portée. À chaque prise de Beloha, les congénères du malheureux petit singe s’éparpillaient dans tous les sens à grand renfort de piaillements, ce qui ne manquait pas d’attirer l’attention de mamie Bakoly. Le plus souvent, Beloha était alors bon pour les remontrances d’usage. Cependant, mamie Bakoly savait parfaitement qu’il ne s’adonnait à ce petit jeu que pour amuser la galerie et qu’il relâchait toujours l’animal sans lui avoir fait le moindre mal.
 
La petite troupe marchait depuis un peu plus d’une demi-heure lorsque que les faubourgs de Manjura se profilèrent en contrebas du chemin.
Au loin, longeant l’océan, les cabanes des pêcheurs formaient une longue bande multicolore sur laquelle le temps avait fait son œuvre. Sur les toits, des tôles recouvertes de palmes assuraient l’étanchéité de ces constructions sommaires tout en protégeant leurs occupants du feu du soleil. Tout autour des cabanes, de nombreux filets suspendus aux branches basses des palétuviers témoignaient de l’activité que représentait encore la pêche pour la population locale.
C’était derrière cette lignée bigarrée, en quittant les étendues de sable, que l’on trouvait les princip

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