L’Envers du décor
162 pages
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Description

Romuald est comédien et, s’il enchaîne les rôles en triomphant, il multiplie également les conquêtes. Lorsqu’il rencontre Carla, ce n’est pas un coup de foudre mais le début d’un lien très fort, chaste et exempt de mensonges. Elle a un cancer et ne peut pas avoir d’enfants, lui est sollicité au cinéma comme au théâtre et ne peut s’empêcher de séduire. Pourtant un accident de voiture viendra compromettre ses projets et sa conception de la vie. Brisé, c’est grâce à cette amitié qu’il retrouvera la force de se battre. Voilà, le décor est planté, désormais il ne reste plus qu’à découvrir son « envers » aussi enthousiasmant qu’inattendu. Un roman prometteur sur les virages que peut prendre l’existence, profondément optimiste. Mieux qu’un traitement, l’amitié, voilà ce que cette histoire nous communique. Savoir s’entourer quand tout va mal, parce que le destin est ce qu’il est. Sans comique ni tragique, quand deux êtres puisent en eux pour donner le meilleur, cela donne un récit touchant sur la fragilité de la vie et la reconversion. Parce que changer de personnage, quitte à être spectateur, peut réserver de bonnes surprises.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mars 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748380293
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Envers du décor
Jean Lheureux
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L’Envers du décor
 
 
 
À ceux que l’on dit atteints d’une longue maladie.
 
 
 
 
« Tant que tu seras heureux, tu compteras beaucoup d’amis. »
 
(Ovide)
 
 
 
 
Chapitre I. La gloire
 
 
 
« Ils demandent le chef : je me nomme, ils se rendent. Je vous les envoyai tous deux en même temps ; et le combat cessa faute de combattants. C’est de cette façon que, pour votre service… »
Bien que la scène de l’acte IV ne fût terminée, le public ne put retenir ses applaudissements.
Romuald avait mis une telle fougue, tant d’assurance, dans son interprétation du récit de la bataille contre les Maures, au point que don Rodrigue et Romuald ne faisaient plus qu’un seul et même personnage du Cid .
De grands comédiens avaient joué ce rôle, mais sa jeunesse et son talent ne cessaient d’impressionner son auditoire. Si Corneille eut été de ce monde, il aurait pu dire que le texte avait été écrit pour lui.
Rachel, dans le rôle de Chimène, n’avait d’yeux que pour lui. Elle avait déjà joué cette pièce, mais aucun de ses partenaires n’avait été aussi brillant que Romuald.
Ils avaient répété pendant plusieurs semaines, ils étaient en représentations depuis quinze jours mais, tellement pris par leur propre jeu, ils ne s’étaient appesantis l’un sur l’autre.
Ils s’étaient donné la réplique en faisant plus attention à leur propre texte qu’à la présence de l’autre. Ce soir, au cours d’une dizaine de rappels demandés par le public, ils se regardent, sourient, partagent leur émotion.
Elle est resplendissante par sa beauté, sa présence, son charme, sa diction. Elle n’est pensionnaire à La Comédie-Française que depuis six mois.
Romuald a trente-deux ans, mais il est déjà célèbre. Il a obtenu le premier prix d’interprétation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Sociétaire depuis dix ans, il est en fin de contrat et déjà les propositions affluent : théâtre, cinéma, festivals.
S’il est un acteur sérieux, analysant le moindre mot dans le contexte d’une phrase, insistant sur telle réplique, la répétant jusqu’à ce qu’il trouve la bonne intonation, dans la vie courante il sait rester simple et se moque de l’argent et des biens matériels. Il ne veut s’occuper de gestion, les mots « revenus » ou « propriété » lui hérissent les cheveux. Il veut profiter, jouer, croquer la vie à pleines dents. Il se veut libre et sans contrainte. Il se contente de son quatre pièces en location, rue Lepic. Il savoure la vue qu’il a sur Paris. Il aime son quartier plein de charme et de vie. Il peut y flâner au milieu des touristes pendant des heures. Il y a ses habitudes et y rencontre ses amis.
En saluant pour la énième fois, Romuald sent la main de Rachel serrer la sienne, la lâcher, puis la reprendre de manière possessive.
Seuls sur la scène ils saluent de nouveau, se courbent, se relèvent, se sourient et s’embrassent. Les applaudissements crépitent de plus belle. Ils créent cette idylle naissante, ils la souhaitent et la suggèrent. Le rideau tombe définitivement. Ils se retrouvent en coulisses. Ils vont remonter dans leur loge, donner des autographes, recevoir des compliments, puis, enfin dans le calme, pourront se changer et reprendre la tenue de n’importe quel quidam.
Avant de monter dans sa loge, Romuald a pris Rachel par les épaules et, en la fixant de ses yeux bleu clair, lui a dit :
— Veux-tu que nous fêtions cela ? Je t’invite à souper.
En lui souriant, elle a acquiescé.
— Je frappe à ta porte dans une demi-heure.
À l’heure dite, elle était prête.
Ils descendirent le petit escalier de bois et se retrouvèrent place Colette. En cette fin septembre, l’air était doux et les premiers jours d’automne laissaient l’été s’attarder.
— Si nous marchions un peu jusqu’à l’Opéra ? Je t’invite au « Grand café ». À cette heure-ci, c’est un lieu où nous trouverons encore quelques serveurs aimables.
 
Avenue de l’Opéra, ils avaient parlé de banalités. Elle lui avait appris qu’elle habitait un deux pièces rue Bonaparte et qu’avant la représentation, lorsqu’il faisait beau temps, il lui arrivait souvent de venir à pied en passant devant le Louvre.
Ils entrèrent dans la brasserie et Romuald choisit un coin tranquille, loin des regards indiscrets.
D’emblée, il commanda au garçon une bouteille de dom pérignon et demanda la carte. Après concertation, ils choisirent des coquilles Saint-Jacques, les premières de la saison, et une charlotte aux poires.
— À ta santé et à ta réussite, Rachel. Ce nom est dur à porter, mais je crois que tu ne le desserviras pas. La preuve est déjà faite. Nous nous rencontrons en interprétant Corneille et la tragédienne qui porta ton nom débuta dans le rôle de Camille dans Horace .
 
— Merci pour le compliment, répondit-elle.
 
Elle l’écoutait avec attention. Il était brillant, simple, chaleureux, assuré, tout en étant doté d’un flegme très britannique. Elle connaissait le comédien et découvrait l’homme.
Elle lui dit qu’elle aussi avait suivi les cours du Conservatoire, quatre ans après lui. Il le savait mais n’en dit rien. Ils appréciaient bien sûr le théâtre, la littérature, mais aussi la musique, l’architecture et la peinture.
Tous deux étaient des épicuriens et savaient goûter les plaisirs de la vie.
La bouteille de champagne était presque vide et les joues de Rachel s’empourpraient alors que ses yeux brillaient comme de précieuses pierres. Elle était détendue. Elle apprenait à connaître un homme dont elle n’avait pas décelé les qualités.
Tout en parlant, Romuald avait pris sa main et elle l’avait laissé faire.
— Maintenant auréolé de gloire et connu de tous, ne crains-tu pas les paparazzi et autres journalistes besogneux ? dit-elle.
 
La réponse de Romuald fut directe et sans équivoque.
— Ne se laissent prendre que ceux qui le veulent. La presse people, à scandale et aux reportages de trous de serrures, lue en majorité par les inactifs, les coiffeurs et les soubrettes, ne m’intéresse pas. Elle sert les vedettes qui ont peur de l’oubli, les sportifs flattés d’exhiber leur gonflette et les politiques plus fiers de leurs compagnes que de leur manque d’idées novatrices.
Si tu n’as pas peur que je t’ennuie, je vais te raconter une bonne blague que nous avons réservée à un journaliste un peu trop entreprenant.
Chaque année, nous nous réunissons à dîner avec quelques camarades du Conservatoire. La plupart d’entre eux sont connus.
L’année dernière nous étions huit. Nous avions bien mangé et peut-être un peu trop bu. Mais conscients, lucides et clairvoyants. À la sortie du restaurant, après avoir fait quelques pas, nous nous sommes aperçus qu’un photographe nous suivait. Nous l’avons entraîné en bas du boulevard Saint-Michel et sommes descendus sur le quai en dessous du pont. Il était derrière nous. Brutalement, nous nous sommes retournés, l’avons encerclé et, à cette heure tardive, l’avons poussé dans la Seine. Aussitôt après, nous l’avons aidé à sortir de l’eau et l’avons assis contre le mur. L’un de nous est allé chercher une bouteille de whisky chez un épicier arabe et nous avons forcé notre homme à ingurgiter toute la bouteille. Une fois sa dose prise et son aspect ne laissant aucun doute sur son état éthylique, nous l’avons laissé après avoir jeté son pantalon et son slip dans l’eau.
Nous avons appelé la police en signalant cette atteinte à la pudeur.
Du haut du pont, nous avons eu le plaisir de le voir embarquer par les flics. Mais le mieux est que nous n’avons plus jamais entendu parler de lui ni de son journal. C’est sans doute une plaisanterie de potaches, mais nous avons réglé son compte à ce journaleux de feuille de chou.
Rachel rit de bon cœur de l’aventure racontée et de la leçon donnée.
Pour ne pas parler trop fort pendant son récit, Romuald était venu s’asseoir près d’elle.
Alors qu’elle riait encore, il la prit par l’épaule. Ils se regardèrent longuement et, lentement, leurs visages se rapprochèrent.
— Je te raccompagne en taxi. J’aime bien la rue Bonaparte, ses lumières, sa pharmacie, ses bijoutiers…
 
Sous le charme, elle ne pouvait que laisser faire, d’ailleurs elle était consentante.
Arrivés en bas de l’immeuble, Romuald questionna :
— Dois-je laisser ce pauvre homme face à son destin ou doit-il me raccompagner tout de suite à Montmartre ?
 
— Laisse sa destinée le conduire. Laissons-le aller.
 
La course réglée, ils sortirent de la voiture et Rachel ouvrit la porte cochère.
Dans l’ascenseur, ils n’attendirent pas le quatrième étage pour s’enlacer et s’embrasser longuement. La porte palière refermée derrière eux, leurs étreintes furent douces et brutales en même temps. Mutuellement, ils se déshabillèrent afin de découvrir leurs peaux, leurs sexes et leurs désirs. Le fait d’être restés distants l’un de l’autre pendant plusieurs semaines les rendait encore plus impatients, comme s’ils avaient à rattraper le temps perdu.
À petits pas ils atteignirent la chambre, puis le lit. Ensemble ils y tombèrent pour se prendre l’un l’autre.
Après de longs moments de plaisir, Rachel sourit. Elle était détendue, offerte sans retenue, heureuse. Romuald la regardait. Il n’osait parler afin de ne pas rompre cet instant. Puis il se leva et visita l’appartement. La chambre et un grand salon-salle à manger. Une bibliothèque remplie de livres qui, on le sentait tout de suite, n’étaient pas là pour la décoration, mais avaient été lus, compulsés,

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