L Enfant du canal
168 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Enfant du canal , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
168 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« — Que fais-tu là ! Pourquoi n'es-tu pas parti lorsque la mort est venue au début du siècle ? Réponds, toi le curé ! Ses yeux bleu-gris remplis du noir de son visage enflent. — Va au bout de son histoire car l'enfant est de ton sang et de ton lien. Car rien ne meurt, il vit en toi. — Ce n'est pas mon père ! Ni mon frère ! Ni mon grand-père ! Il n'est pas de mon sang ! — Il est de ton sang ! Marche car il t'attend. Tout être a dans son cœur celui qui est parti, celui qui est. Ou celui qui viendra comme un espoir... Il disparaît sous sa cape tranchée dans la nuit des cathédrales de pierre. » Ils étaient des enfants et des hommes. Ceux voulus par ce troisième souffle que ne possède que la femme. Mais leurs destins ont basculé. Alors il est venu Tito et il a changé l'essence de la vie. Peut-être changera-t-il un peu la vôtre. Le roman de Daniel Quiterio nous plonge à travers les strates de la terre et au fond de nous-mêmes. Explorant la mémoire et le temps. L'Enfant du canal étonne par son écriture sensible, épidermique et vive.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 mai 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342023237
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Enfant du canal
{:name=>Daniel
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Enfant du canal
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://canenf.societedesecrivains.com
 
 
 

«  Chaque jour ajoutait un peu de terre.  »
Extrait de Désert , de J.M.G Le Clézio.
 
 
 
 
Le moulin de mon père
 
 
 
Portugal, Quinta do Loureiro, été 1978.
Elles sont apparues d’un buisson ardent sur la crête de la colline comme un prophète en colère. Elles sont arrivées ces flammes comme des courbes de femmes. Au commencement, on ne vit qu’une petite fumée sur cette butte. Quelque chose apparut pour une raison inconnue dans l’air chaud d’un soleil jaune. Et puis il s’est mis à courir cet être étrange, le Feu. Il a envahi les forêts de pins et d’eucalyptus odorants libérant la vie. Des ribeiras jusqu’à Viegas, courant vers Gançaria, épousant Alqueidao. Alors on vit des cris de femmes car tout disparaissait sous les flammes. Les oliviers, les arbres, les champs et le foin des animaux pour l’hiver. Il est venu le Feu et tous tentaient de l’éteindre avec les moyens du bord : des seaux d’eau, des pelles, de la terre. Pour ce peuple, c’était un désastre. Pour nous les enfants, c’était une fête car il fallait jouer à éteindre le Feu. Ils sont arrivés de partout les pompiers vêtus du bleu du ciel et du rouge des flammes. Alors ils se battaient et tout brûlait. Tout ? Non. Car les flammes ont épargné la propriété infranchissable du moulin. Elles n’ont pas osé pénétrer ce lieu et le détruire. Comme si un être supérieur au Feu habitait ici. J’ai voulu voir depuis la vigne sur la colline pourquoi et comment le Feu dansait autour du moulin sans l’approcher. Il est étrange le Feu. Il écrit des choses profondes dans la chair de la terre. Je suis monté lentement et j’ai regardé. Alors voila : il ravageait tout et près de ces demeures de pierres anciennes, il mourait. Et puis je n’ai pas fait attention et le Feu est venu à moi. J’étais encerclé. Les coques des eucalyptus se consumaient et c’était un brasier qui déjà enflammait mon corps. J’étais pris au piège…
— Aidez-moi ! Aidez-moi… Au secours…
Je criais mais les flammes criaient plus fort que moi. Les bois explosaient en feux d’artifice. J’étais perdu mais cette fin qui nettoie tout ne me faisait pas peur. C’était juste ma peau qui brûlait de sueurs bouillonnantes maintenant. J’ai hurlé encore et encore.
— Au secours ! Aidez-moi !
Rien à faire, j’étais perdu. Je me suis assis. Puis mis en boule comme un fœtus qui ne naîtra pas. J’allais avorter d’une autre chose bizarre et déjà je voyais le monde bizarre des morts.
Il est arrivé comme un Dieu puissant Tito et il a franchi les flammes diaboliques. Son corps est passé entre le Feu et il est arrivé près de moi. Il m’a pris violemment l’avant-bras et je l’ai suivi sur les braises touchant les flammes. C’est lui Tito, ce garçon de Alqueidao qui m’a sauvé. Lui qui tous les ans vient ici ramasser les tomates pour gagner un peu d’argent. Son tee-shirt et le mien aussi étaient un peu brûlés et en le défiant, il l’a jeté dans les flammes. J’ai fait comme lui. Et puis nous nous sommes éloignés du brasier vers le filet d’eau pour nous laver, au bord de la route. Celle qui monte comme une torture vers le mur de terre effondré. Après cette toilette sommaire, nous nous sommes assis pour contempler la beauté des flammes en cette fin de journée. C’est étrange la paix qui se dégageait du corps de Tito. Moi, je tremblais et nous sommes restés là longtemps, sans compter le temps. Et puis il m’a parlé.
— T’as failli y passer Dan.
— Oui… oui Tito. J’ai pas envie d’ te dire merci. Ça suffit pas. Pourquoi t’as risqué ta vie pour moi ?
— Parce que je connais le Feu.
— Pourquoi ?
— Parce que plus tard je serai Forcado. Et rien ne doit me faire peur.
— Forcado ? Tu vas affronter le taureau dans l’arène à mains nues avec les autre Forcados ?
— Oui. Il m’appelle le taureau. Depuis longtemps.
— T’as pas peur de la mort ?
— Pas plus que de la vie.
C’est lui Tito qui m’a sauvé des flammes. Simplement. Il a mon âge Tito, quatorze ans presque je crois. Maintenant j’ai un frère ici. C’est étrange les mots des hommes. J’ai un frère et il est plus que de mon sang. Maintenant j’ai peur pour lui car tant de jeunes laissent leurs vies dans les arènes de cette région, le Ribatejo. En fait, je crois que c’est bien d’avoir peur pour ceux qu’on aime. Car on les aime encore plus.
— Mais Tito, t’as ta copine ? Et ta grand-mère !
— Oui et je les aime.
— Pense à elles et va pas dans l’arène !
— C’est lui qui m’a choisi le taureau, et j’irais. J’irais aussi pour elles et je leur dédierais mes « Pegas ».
— Le taureau va t’ foncer dessus, tu devras le prendre de ton torse et de tes bras !
— Oui, lui au moins ne risque rien.
Le Silence est venu s’installer entre nous au milieu du Feu. Il envahissait l’air et il y avait de plus en plus de fumée, et de moins en moins de flammes. Les pompiers entouraient déjà le Feu.
— Tito, pourquoi il y a des gens qui boivent ici et ailleurs ?
— Parce qu’il y a chez eux un petit feu au départ qui grandit, puis il devient un grand Feu dans leur corps.
— Ils peuvent pas l’éteindre ?
— Il faut un être fort de la terre pour le maîtriser. Comme celui qui habite le moulin. Ou un être puissant comme l’eau du ciel pour l’éteindre.
J’ai regardé Tito mon frère. Car tous les autres ici me font chier. Saufs mes autres frères les animaux. Il n’y a que Tito qui comprend les choses. Pourtant il ne lit rien des pages des hommes. Il fait comme moi ici. Il lit la pierre, l’eau, les oiseaux et les formes du ciel. Mais Tito est très fort car les êtres pénètrent en lui des choses fortes comme le Feu.
— Tito, tu vas rire mais le mois dernier, je me suis brûlé un peu…
— T’as fait quoi ?
— J’ai posé ma main sur le cœur de ma copine et elle m’a foutu une grande claque, ça m’brûle encore parfois.
— T’es vraiment con. Mais si ça te brûle encore, c’est qu’y a un truc fort entre vous deux.
Tito a posé la main sur mon cœur et il a écouté sa main. Il m’a dit que mon cœur ne bat pas normalement. Et que le sien non plus.
— Pourquoi on a des cœurs qui battent pas comme les autres Tito ?
— C’est parce que notre cœur n’est pas là, il est ailleurs Dan.
— Il est où ?
— Moi, il est dans l’arène.
— Et bah moi je sais pas où il est Tito…
— Ça viendra.
Et puis on s’est quitté et je suis rentré à la maison. Je suis au lit maintenant car je sais que les flammes ne rentreront pas ici. Je fais le vide dans mon lit et j’essaie de dormir. Impossible. Mon corps brûle d’un feu étrange. Et mon cœur est peuplé de ces battements irréguliers depuis toujours. C’est la nuit qui me fait entendre la vérité de mon corps. Maintenant je te remercie Tito. Toi qui ne connais pas ton père. Ta maman est morte et c’est ta grand-mère qui prend soin de toi. Mes parents sont trop occupés avec ma sœur. Ils n’ont pas vu mes cheveux brûlés.
Voilà trois jours, nous sommes arrivés ici et sur le chemin qui nous menait au moulin, la lumière jaune priait dans le deuil de la nuit. Et j’ai demandé à maman :
— Maman, c’est encore loin le moulin ?
— Tu vois la lumière qui brille là-bas   ? Eh bien c’est le moulin.
Ce jour-là, j’avance dans l’encre de la nuit avec mon frère, ma sœur, mon père et ma mère. La lune déshabille le ciel d’une chaux vive. La lumière que je cherche à toucher en pensant à mon lit s’approche, telle l’étoile du berger qui descend sur le peuplier noir. Nous venons de France passer les vacances dans la maison qui fut le lieu de naissance de ma sœur aînée, aujourd’hui partie faire sa vie. Mes parents ont quitté cette terre de misère deux décennies auparavant. Nous, les trois derniers de la fratrie sommes nés en France. Sur cette terre où l’air est transparent. Mon frère a dix-sept ans. Ma sœur autour de dix ans je crois. Et moi presque quatorze je crois. Je ne sais plus. Mon corps est brûlant et je suis allongé au lit dans la tourmente de cette journée de feu. La plante de mes pieds brûlés m’empêche de dormir.
Nous venons ici tous les deux ou trois ans, en bus, et nous traversons les Pyrénées. Les autoroutes n’existent pas. Ni en Espagne, ni au Portugal. Comme le trajet est long, cette année j’ai observé une femme dont la barbe poussait à vue d’œil. Alors je me suis dit que c’était un homme avec une robe. Un genre de gay poilu. C’est marrant tout ce qu’on voit quand on a le temps. Et puis il y a ce pont romain que le bus doit traverser. Toujours la même histoire. Tout le monde doit descendre et il va passer en espérant que le pont tienne. En Espagne les toilettes sont immondes et chacun vient chier sa misère. L’Espagne est toujours un choc pour moi. Ce plateau filant de Valladolid vers Salamanca est un désert. C’est étrange, un soleil ivre de rage tourne encore et toujours et engloutit le paysage. Qui a tué ce plateau continental alors qu’à quelques encablures, côté français, des crinières de forêts rugissent de vie. Jean Ferrat a dit  : « C’est que l’Espagne a trop d’enfants pour les nourrir .  » Le soleil d’un peintre fou s’acharne sur cette terre. Et les couleurs de Van Gogh m’agressent sur trois cents kilomètres. C’est fou comme la vie est présente pourtant. Les pierres vibrent et il y a tant de guêpes. Je t’imagine sur cette terre plus tard Tito. Car il faudra ce vide de la terre pour figer l’instant qui va te lier au taureau. Il est face à toi couvert de son deuil. Il va foncer sur ta vie et tu dois l’attraper sous la tête de tes mains nues. Six de tes frères For

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents