L Autre Homme
356 pages
Français

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L'Autre Homme , livre ebook

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Description

L’affaire sortait de l’ordinaire du collaborateur d’enquête financière qu’il était. Un peu seulement. Différente, parce qu’elle avait un meurtre comme point de départ. Effectivement pas courant, dans le monde discret et feutré de la recherche d’informations économiques exclusives à forte valeur ajoutée pour investisseurs en mal de rendements. Mais son commanditaire et lui-même allaient se limiter à l’examen d’éventuelles ramifications dans le monde bancaire. Alors, pas de quoi le tirer de son spleen profond, de sa dépression larvée. Pourtant, rien ne l’avait préparé à ce qu’il allait vivre. Un voyage éprouvant au bout de lui-même. Une remise en cause des fondements mêmes de l’histoire de l’humanité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414033249
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-03322-5

© Edilivre, 2017
1
La Moselle, sombre, translucide, luisante sous la lumière diaphane d’un croissant de lune, semblait couler plus lentement qu’à l’accoutumée, comme ralentie par le froid glacial qui s’était soudainement abattu sur la région il y a quelques jours, au début du mois de janvier.
L’écoulement traînant et régulier du fleuve qui, sur cette partie de son cours, séparait l’Allemagne du Luxembourg, agissait comme un calmant sur l’esprit de Johann Mader. L’effet apaisant d’un onguent gras sur une brûlure. Encore plus aujourd’hui, dans l’obscurité immobile de cette soirée d’hiver, le cours d’eau semblait serein. Comme par osmose, cette sérénité pénétrait Johann petit à petit.
Depuis qu’il s’était installé avec Caroline à Remich, une bourgade paresseuse au bord du fleuve, côté luxembourgeois, il aimait à se promener de temps en temps en méditant sur les berges isolées situées plus ou moins à mi-chemin entre les villages de Stadtbredimus et Wormeldange. Debout, emmitouflé dans une veste en mouton retourné, un pull à col roulé, un bonnet de laine et des gants, il savait pourtant qu’il ne resterait pas longtemps là ce soir. Le froid tranchant le renverrait bientôt dans sa voiture, garée à cent mètres, au sommet du talus, en bordure de la route du vin, un lacet d’asphalte serpentant entre la Moselle à l’est et les collines basses couvertes de vignobles à l’ouest. Dans l’air hivernal clair conférant à toute chose un aspect cristallin et cassant, Johann distinguait avec netteté les détails de maisons éparses de l’autre côté du fleuve, des bâtisses aux couleurs gaies, jaunes, rouges, blanches, contrastant avec l’habituelle grisaille mélancolique baignant ici en cette saison villes et campagnes.
Johann avait décidé il y a trois semaines, quelques jours avant Noël, de rompre avec son passé. Complètement. La séparation avait été traumatisante, déchirante, un cordon ombilical que l’on coupe, la rupture du lien avec la mère nourricière, avec ce corps qui avait construit toute sa substance.
Mais cette rupture, elle avait été nécessaire. Pour Caroline. Caroline, parfois insouciante et rieuse, Caroline, vive et intelligente, ressemblait tellement à Isabelle, son premier et seul véritable amour. C’était vraiment cette similarité des traits et la morgue parfois à la limite de la suffisance partagée par les deux femmes qui l’avaient confondu. Avec Isabelle, il avait été si heureux. Puis, le déchirement, le terrible accident de la route, la mort instantanée d’Isabelle dans un choc frontal avec un minibus effectuant un dépassement dans un virage.
Perdant la sérénité qu’il avait brièvement trouvée en ces lieux, Johann se remémorait le corps horriblement déformé d’Isabelle dans la petite Renault Twingo. Sa gorge se noua. Il essaya d’évacuer au plus vite cette image hors de son esprit en se concentrant sur le flot paisible du fleuve, y projetant en filigrane le doux visage de Caroline. Mais le lent remous de l’eau déformait les traits fins, lui renvoyant la face torturée d’Isabelle juste après l’accident, le visage aplati comme une crêpe, la mâchoire inférieure écrasée contre la supérieure, le nez écrabouillé et tordu à angle droit.
A peut-être cinquante mètres sur sa gauche, dans un buisson, Johann perçut, plus qu’il ne vit réellement, un bref éclair orangé. Il s’écroula sans un cri, son esprit encore imprégné de l’illusion du visage d’Isabelle née de distorsions dans l’onde tranquille de la Moselle, fleuve intemporel et indifférent.
2
Zanna caressait distraitement la chevelure fine et encore éparse de son fils Hidal, qui dormait paisiblement dans ses bras. Depuis l’enfantement, il y avait trois lunes, elle se surprenait de plus en plus souvent à penser sérieusement à l’avenir de sa famille. Au fond, elle avait toujours nourri beaucoup d’ambition pour elle-même et ses proches. Cette ambition avait été décolorée par l’insouciance de sa jeunesse, jusqu’à la naissance d’Hidal. Aujourd’hui, elle reprenait vie. Tespan, le mari de Zanna, avait lui aussi soudainement senti le poids d’une responsabilité nouvelle sur ses épaules. Il s’était résolument affranchi de son clan, comme le requérait à la naissance d’un premier enfant la tradition de Tarmi, la région côtière où il vivait avec les siens.
Peu de temps avant l’accouchement, Zanna et Tespan s’étaient installés dans leur propre maison aux murs de pierre et de boue, construite des mains même de Tespan. Dans cette pièce unique, Zanna avait défriché et battu elle-même le sol en terre pour le rendre égal. Elle y avait ensuite aménagé sa couche et celle de Tespan avec des herbes sèches, puis celle de l’enfant à naître, un petit amas de foin complètement caché sous deux fourrures de lièvre des forêts.
Il y avait quatre jours, Tespan était parti pour la deuxième fois dans la vallée de Zot, au bas de l’autre versant des monts Azor, derrière lesquels le soleil tous les soirs se couchait. Il allait vendre les poissons que Zanna et lui avaient achetés frais au bord de la grande eau, puis salés sur une planche de bois au centre de leur habitation.
Zanna se remémora sa vive surprise lorsque Tespan était revenu de son premier déplacement à Zot, ramenant alors comme fruits de l’échange du poisson de simples piécettes en fer. Elle avait bien sûr entendu parler de l’utilisation de ce moyen de paiement, mais cela lui semblait si bizarre. D’accord, le fer, un matériau créé très récemment par les artisans de Gunduan, pouvait être transformé en des objets solides et fort pratiques. Mais que faire de telles piécettes lorsque, comme Tespan et elle, on ne savait les travailler pour leur donner forme utile ? Qui d’autres que des artisans du fer voudraient échanger des marchandises contre cette ferraille ?
Zanna et son mari avaient obtenu le poisson vendu au cours du premier voyage de Tespan en donnant à Aguti le pêcheur une dizaine de lances taillées par Tespan à la sueur de son front dans les branches solides d’un arbre du bonheur. Des lances de très bonne qualité et prêtes à l’emploi contre des pièces en fer. Cet échange ressemblait à une mauvaise affaire. Quelques jours plus tard cependant, Tespan et Zanna purent troquer, sur la côte, les piécettes contre une grande quantité de poissons fraîchement pêchés, plus qu’ils n’en avaient obtenus la première fois en échange des lances. Zanna fut alors tellement soulagée. Ces piécettes avaient donc réellement un pouvoir. Oui, Tespan et elle allaient continuer à préparer et vendre du poisson. Cela leur amènera prospérité.
Et Zanna, après son expérience positive, de s’émerveiller du système de troc par le biais de piécettes, de cette nouvelle innovation sur cette terre de Gunduan. En y réfléchissant, elle voyait bien les immenses avantages de ce mode d’échange. Si celui-ci était vraiment accepté de tous, il ne serait plus nécessaire de s’enquérir auprès des personnes possédant la marchandise convoitée des termes de la transaction, ni de suer pour obtenir l’article désiré par le vendeur.
Elle se souvenait de ce jour pendant sa grossesse où elle avait voulu, pour combler une demande pressante de son corps, obtenir du miel d’un des éleveurs d’abeilles de la côte de Tarmi. A cette époque, ce dernier acceptait en échange de son miel soit une jarre de baies rouges de la forêt, soit une lance en bois d’arbre de lune. Zanna n’avait alors sous la main ni l’un ni l’autre. Tespan n’était pas là et elle ne voulait pas aller cueillir des baies rouges dans la forêt. Elle se rappela qu’un de ses voisins possédaient de nombreuses lances en bois d’arbre de lune. Celui-ci demandait un lot de racines de fleurs de vent en échange d’une de ses lances. Ces fleurs se trouvaient en abondance dans les clairières au-delà de la forêt de Ranga. Loin d’ici. Zanna n’abandonna pas pourtant. Elle rendit visite à une cousine qui gardait souvent en réserve de telles racines. Elle ne se présenta pas les mains vides. Elle savait que sa parente avait un faible pour les pommes de buisson épineux. Cela tombait bien, elle avait justement un tel arbuste devant sa maison. Elle obtint ainsi les racines désirées, qu’elle échangea contre une lance auprès de son voisin. Finalement, elle acquit une jarre de miel en cédant la lance à l’homme qui parlait aux abeilles. Si les piécettes en fer avaient existé alors, elle se serait épargné bien de la peine.
Zanna aimait Gunduan, cette terre au milieu de la grande eau gouvernée sagement par Tani le Grand depuis douze saisons, depuis la fin de la guerre des nécors. Cette guerre générale avait divisé les cinq peuples de Gunduan en deux camps, les Tarmiens et les Azoriens d’un côté, les Zotiens, les Massaniens et les Palésiens de l’autre. L’enjeu en fut le contrôle des grands troupeaux de nécors autour de la montagne fumante. Ces animaux massifs que les Azoriens avaient les premiers réussi à domestiquer fournissaient du lait, de la viande, de la laine et des peaux. Les Tarmiens et les Azoriens emportèrent finalement la partie. Ils soumirent les Massaniens, les Zotiens et les Palésiens. Le chef des armées victorieuses, Tani, un stratège accompli qu’on surnommait déjà le Grand, prit alors les rênes du pouvoir.
Au commencement de son règne, Tani fit construire une grande bâtisse sur un terrain jouxtant sa demeure. Il enjoignit les meilleurs artisans et les esprits les plus créatifs de l’île à s’y installer avec leur famille. Il chargea le comité d’intendance de son armée de subvenir à tous les besoins de cette élite qui put ainsi se consacrer entièrement au progrès. S’en suivit notamment la découverte du fer, de la roue et la mise en place du mode d’échange basé sur les piécettes

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