L Attirance du vide
386 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Attirance du vide , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
386 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Marqué par l’éducation guerrière de la fin du 19ème siècle, le jeune Jules Robin s’engage sur un voilier pour échapper à l’ambiance familiale pesante. Débarqué à 14 ans pour mutinerie à San Francisco, il est contraint de regagner la France où l’attendent de nouvelles épreuves.Placé successivement par son père dans une colonie pénitentiaire, puis en apprentissage, l’étrange attirance du vide qui semble guider sa vie l’entrainera de prison en prison, jusqu’au bagne de Cayenne duquel il parviendra cependant à échapper. Et c’est finalement dans les tranchées de Verdun que Jules tentera une dernière fois d’y résister par le biais de l’écriture d’un roman à quatre mains...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 août 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414477784
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-47777-7

© Edilivre, 2020
Préface
A bien y songer, l’histoire que vous vous apprêtez à lire est inscrite depuis longtemps dans une mémoire familiale quasi reptilienne, là où même l’oubli laisse encore une trace.
Tout est parti d’un coffre rouge que j’avais trouvé dans un recoin poussiéreux du grenier de la maison de mes grands-parents, située au bord de la Loire. Un coffre rustique, solide comme le temps qui passe, dénué d’artifices, robuste et fonctionnel, sans fioriture d’aucune sorte et sans autre valeur que l’émotion que sa vue me procurait. Et alors que mon père m’aidait à le retaper, il me glissa que ce coffre de voyage devait avoir appartenu à mon arrière-grand-oncle, un dénommé Jules, qui avait, pour le peu qu’il en avait eu connaissance, traversé les océans à l’âge de 14 ans vers San Francisco et s’était retrouvé au bagne de Cayenne après avoir dilapidé sa part d’héritage.
Bien entendu, une chape de bienséance avait amené les membres de la famille à taire cet épisode peu glorieux et nul ne se montra alors en capacité de clarifier cette histoire. Ma grand-mère, ne l’ayant pas elle-même connu, ne fut guère plus prolixe. Tout juste me précisa-t-telle que la légende familiale prêtait à cet ancêtre une vie dissolue et des dépenses irréfléchies qui avaient apparemment entrainé sa chute. Elle évoqua aussi à demi-mots que le père de Jules avait couvert financièrement ses frasques, jusqu’à concurrence de la part d’héritage qui devait lui revenir, avant de cesser de lui venir en aide, entrainant dès lors sa condamnation au bagne et sa mise au ban de la famille. Ce que vint confirmer, tout au moins pour le dernier point, l’absence de la moindre photographie dudit oncle dont toute trace semblait bien avoir disparu.
Mais bien des années plus tard, alors que seule la vue du coffre rouge placé dans mon salon me rappelait l’existence secrète de cet aïeul, ma grand-mère étant décédée à son tour, je mis la main sur quelques documents sans valeur qu’elle avait abandonnés au fond d’un tiroir. Essentiellement des reconnaissances de dettes et des factures. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que toutes évoquaient, derrière les chiffres, le parcours de vie enterré de cet oncle. Leur lecture et déchiffrage minutieux me donnèrent d’ailleurs bien vite l’occasion de m’en faire une idée plus précise. Plus que tout, elles me permirent aussi de découvrir que les « dépenses somptuaires » évoquées dans la fable familiale n’avaient en réalité guère de fondement. Car si le père de Jules avait bien dépensé pour son fils des sommes importantes, elles correspondaient toutes, peu ou prou, au règlement de factures liées à des activités consenties ou imposées : voyages et « formation ». Quand les reconnaissances de dettes, signées de la main du dénommé Jules, mettaient seulement en exergue la nature des liens entretenus alors, comme la froideur des relations familiales.
Grâce à des recherches entreprises en parallèle, je pus d’ailleurs m’assurer des conditions réelles de la relégation au bagne au début du 20 ème siècle qui différaient là encore de l’histoire entendue. Je découvris que l’accumulation simple de quelques condamnations pour le plus petit motif que ce soit (vol d’un pain ; vagabondage ; voyage sans titre de transport ; etc.) entrainait automatiquement une relégation au bagne qu’il ne fallait cependant pas confondre avec la condamnation elle-même, purgée dans une prison de la métropole avant le départ pour la Guyane. La relégation n’ayant d’autre but que d’extraire la mauvaise graine de la terre fertile de France et de peupler accessoirement les colonies, où ceux qui ne mourrait pas trop vite pouvait espérer y faire souche.
Aiguillé par cette découverte, je décidais alors d’approfondir mes recherches. Après quelques tâtonnements et l’aide précieuse du chargé des fonds de l’administration pénitentiaire coloniale des archives nationales d’outre-mer, je mis enfin la main sur le dossier de bagnard de mon ancêtre. Dossier qui comprenait en outre les motifs de ses incarcérations successives, ainsi que quelques repères (lieux et dates) de sa vie chaotique.
Désormais en possession de tous ces documents, familiaux et administratifs, j’étais enfin en capacité de retracer à grands traits le parcours de vie et de mort de cet arrière-grand-oncle bien mystérieux. Rien que le parcours cependant, décliné administrativement entre ses 14 et 31 ans. Hélas, en revanche, aucune information sur son enfance, ses motivations, son histoire, ni sur le contenu de son périple, les espoirs nourris ou les personnes rencontrées. Juste la vision, comme en filigrane, des marqueurs d’une courte vie aventureuse mais sombre, pimentée et violente, romanesque mais désespérée.
J’en vins cependant, à force de chercher à percer les ressorts qui avait conduit ce jeune garçon à sombrer par étapes jusqu’à se perdre, à approfondir le contexte politique et sociétal dans lequel il avait évolué. Et bien vite, je vis un parallèle entre l’appel du vide qui semblait avoir conditionné sa courte vie et celle de la France en cette fin de 19 ème siècle et ce début de 20 ème … Je tenais là mon idée.
J’ai donc fini par emprunter à cet oncle banni, effacé de la société comme de la famille, un chemin de vie que j’ai bien sûr largement romancé, lui donnant ainsi symboliquement une place qui lui avait toujours été refusée.
D’une certaine façon ce roman restaure donc, un peu tardivement cependant, sa mémoire à défaut de sa vie réelle, comme aussi je l’espère, celle de tous les parias, ses frères d’oubli, les bagnards, qui pour la plupart ont disparu sans laisser de trace. Il réveille à l’occasion celle des gamins martyrs évoqués dans ces pages : ceux des colonies pénitentiaires, jeunes forçats avant l’heure, ou ceux de la Petite Roquette, monstrueuse prison pour enfants enfermés en ses murs pendant des années, sans le moindre contact avec leurs semblables…
Ce livre leur rend hommage.
Appoline
Les débuts dans la vie et peut-être bien davantage, sont sans doute conditionnés par la qualité du lien qui unit un enfant à sa mère. Ceux de Jules Robin furent merveilleux, mais ne durèrent que quelques instants. Dans l’heure qui suivit sa naissance, sa mère mourut. Ce manque de savoir-vivre lui a hélas été transmis, si l’on en juge par cette histoire. Nous étions le 23 septembre 1884.
Sa mère, Apolline Oheix, était née 32 ans plus tôt, en octobre 1852, sous le Second Empire, alors que Napoléon III venait de proclamer à Bordeaux : « l’Empire, c’est la paix », sous les acclamations de la foule.
Très éloignée de ces préoccupations, sa grand-mère maternelle, Anna, avait mis au monde l’enfant dans la joie autant que dans la douleur, assistée d’un médecin et entourée de son mari, Henri Oheix, dans sa belle maison d’angle de la rue du Pot de Fer du V ème arrondissement de Paris.
Propriétaire d’un magasin florissant du quartier qui bénéficiait du nouvel essor de la capitale, la famille vivait confortablement et envisageait l’avenir avec confiance. Anna et Henri s’étaient accordés sur le choix du prénom « Appoline », chacun y ayant trouvé une référence conforme à ses aspirations. Pour Anna, ce prénom évoquait avant tout la mythologie grecque et romaine, comme versant féminin des qualités prêtées au dieu Appolon, quand Henri y voyait d’abord une célébration de sainte Appoline, martyre chrétienne dont on avait brisé les dents et la mâchoire, avant qu’elle ne se jette volontairement dans un bûcher pour avoir refusé d’insulter le Christ et de renier sa foi… Modèle vertueux s’il en est, bien qu’effrayant, dont Henri voulait avant tout retenir l’exemplarité.
 
La jeunesse d’Appoline, pour autant qu’on puisse en juger, fut aussi insipide qu’agréable. Fille unique de parents occupés mais attentionnés, elle bénéficia d’une bonne éducation, religieuse il va sans dire, que son tempérament souple à l’humeur accommodante intégra sans difficulté.
Même si l’on peut s’étonner que cette jeune fille ait traversé son enfance et son adolescence avec autant d’insouciance. Car durant ces années, Napoléon III sembla totalement avoir oublié la teneur du discours de Bordeaux et s’impliqua dans une série quasi ininterrompue de conflits et de guerres. Alors qu’Appoline commençait à peine à marcher, le nouvel empereur engagea la France contre la Russie. Elle avait 6 ans lorsque son armée entra à Saïgon en Cochinchine, et elle n’avait pas eu le temps de fêter un nouvel anniversaire qu’il déclara la guerre à l’Autriche. Non rassasié, l’homme qui se voulait empereur combattit aussi les Chinois l’année suivante, avant de porter le fer au Mexique en 1862.
 
Or, pendant ce temps, bien à l’abri des murs de la maison d’angle, c’est à peine si Appoline en entendit parler. Ignorante de ces conflits, elle continuait à se rendre sagement à l’école pour y travailler sous la vigilance des religieuses, ou jouer à la commerçante dans le magasin animé de ses parents. Ses journées s’écoulaient ainsi sans imprévus, rythmées par le travail, les prières, la messe hebdomadaire, avec la visite le dimanche à une vieille tante, à la mémoire incertaine et à l’ouïe défaillante, qui la faisait pouffer de rire quand son prénom donnait lieu à un quiproquo récurrent :
— Viens m’embrasser ma petite Pauline !
—  A ppoline, la reprenait Henri avec humeur. Je vous l’ai déjà dit mille fois !
— Ah ! Pauline ! concédait la tante en soufflant…
Elle passait aussi de longues heures à lire les livres qui garnissaient sa petite bibliothèque. Rien que de très convenable bien entendu. Parmi tous ces ouvrages, la comtesse de Ségur figurait en bonne place où elle côtoyait

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents