L’Antagonisme des sociétés
102 pages
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Description

Le village de Lanala s’étire nonchalamment, bercé par les effluves de la terre africaine dans le bruissement de la faune et de la flore luxuriante. Deux épiciers se partagent les affaires du village où il fait bon vivre. Mais le quotidien de Fabrik, l’un des deux, est un enfer car son seul concurrent Ngnaou-Ngnaou a décidé de ruiner son commerce par des méthodes fallacieuses. Ses tourments sont augmentés par l’annonce surprise qui lui a été faite par une voix indiscrète des futures épousailles de son fils Gamapaf, le médecin, avec une européenne. C’en est trop et Gamapaf, le médecin du village, doit intervenir... Cloche-Merle dans un village africain narré avec beaucoup d’humour et de talent, ce conte réchauffe le lecteur par sa bonhommie et une naïveté fraîche et plaisante. N’Guié Alanvo sait faire partager le lien sensuel qui le lie à sa terre natale et nous apprend beaucoup sur le quotidien des autochtones à travers une histoire universelle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 mai 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748376043
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Antagonisme des sociétés
Jean N'Guié Alanvo
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L’Antagonisme des sociétés
 
 
 
 
I
 
 
 
Dans le poulailler à ciel ouvert d’une basse-cour, une mère poule et ses poussins picorent en écartant herbes, feuilles et ordures. La mère dit à ses petits de prendre garde et de ne pas se fier aux apparences trompeuses de l’épervier qui prétend appartenir à la famille des volailles. Elle n’avait pas encore fini d’avertir ses petits, que tout à coup, par un violent et effrayant coup d’ailes, l’épervier emporte un poussin dans ses longues griffes. La famille est sous le choc. Tous les petits se cachent sous les ailes de leur mère, le souffle coupé.
Un coup de vent glacial de saison sèche, trop tôt levé, lèche les moustaches de Fabrik. Les papillons volent de fleur en fleur à la recherche de la pitance du matin. Les uns s’ébattent en se disputant le suc déposé par les abeilles. D’autres déploient avec orgueil leurs magnifiques ailes. La tourterelle fait entendre sa chanson, dans un roucoulement à peine perceptible. On dirait que sa voix est enrouée. Le chien du voisin de Fabrik demeure encore enroulé, comme un serpent. Il ne veut pas quitter la chaleur du feu de la veille, son museau trop tendu dans la cendre rend compte de sa paresse.
— Celui-là, dit le voisin, depuis que je l’ai, il n’a jamais rien attrapé, même pas une perdrix. Quand cela lui prend, il se met à courir après les poules d’autrui, pour m’attirer des ennuis.
— Il ressemble pourtant à un bon chien de chasse, déclare Fabrik.
— Hum ! Si tu savais ! Tu sais combien de poulets dévorés il m’a déjà fait payer ? C’est un grand fainéant. Cette nuit, ce paresseux a hurlé et s’est mis à se tordre les côtes au point d’en vomir la bile.
Une ménagère, tôt levée, salue les deux hommes. Le panier de pain de manioc sur la tête, elle fait signe à Fabrik qu’il a du monde devant sa boutique ; bien qu’il ne s’agisse en réalité que d’une échoppe de campagne, bien fournie et qui satisfait sa clientèle grâce à une marchandise recherchée et à bas prix. À l’autre bout du village, un autre habitant surnommé Ngnaou-Ngnaou le chat, à cause de ses vilains coups de griffes, par les villageois railleurs, dispose aussi d’une épicerie qui effraie la clientèle par la cherté de ses prix. Sa marchandise ne semble pas répondre aux goûts des habitants de la campagne.
Tout le monde préfère « Fabrik boutik ». Fabrik a un certain sens des affaires. Il a vu comment font les gens de la ville. Il a installé un comptoir fait de planches et de lianes, où il peut poser ses bras cornus et ses mains d’acier. Sa barbe cache une bouche qui n’avale pas de couleuvres. Mais grâce à la sympathie de cet homme, la véranda de sa boutique s’est transformée en un lieu où les gens se retrouvent, s’attroupent, causent de tout, échangent des ragots. L’un des plus distingués d’entre eux, est Radelin. Noyé dans une veste aux larges coutures qui dépasse de ses épaules et descend à la hauteur de ses genoux, celui-ci aime en général qu’on l’entende parler. Arborant un pantalon que l’on dirait sorti de la bouffonnerie du cirque, il s’en vante. D’ailleurs, il aime à demander, qui d’autres dans le village en possède un, excepté peut-être Fabrik et le chef du village. C’est un don venu d’un pays lointain.
Depuis ce matin, jour de repos, les habitants de Lanala se sont levés tôt. On les voit se diriger comme affairés, en direction de « Fabrik boutik ». Ils donnent l’impression d’avoir rendez-vous. Les premiers arrivés commencent à parler de la saison et de ses caprices. Un autre ramène la discussion autour de la boutique de Fabrik.
— Si on ne fait pas attention, notre ami Fabrik risque de fermer sa boutique, prédit-il.
— Pourquoi ? s’interroge un autre.
— Tu feins de l’ignorer ou quoi ? réplique un troisième.
— À dire vrai, je ne suis au courant de rien.
— Si tu ne le sais pas, reprend le premier, Fabrik vit un calvaire. Mankour, le chef du village Lanala, également chef du grand conseil de la contrée, a même été saisi par Fabrik qui se plaint de ce que Ngnaou-Ngnaou est jaloux de son petit commerce. Ce dernier estime que Fabrik lui a ravi toute sa clientèle. Il a alors monté une stratégie, celle de vider la boutique de Fabrik de toute sa marchandise.
— Comment ? Sûrement paie-t-il avec des espèces sonnantes et trébuchantes ?
— Qui t’a dit qu’il payait ? Il ne débourse aucun centime. Il achète à crédit et dit qu’il paiera plus tard. Chaque jour, il envoie son magasinier avec un gros sac. Ce dernier ramasse la marchandise et prétend prendre note.
— Fabrik ne sait-il pas que Ngnaou-Ngnaou est un malin personnage ? Qui ignore tous ces méfaits dans ce village et dans la contrée ? Il est en train de le conduire à la faillite, comme on dit là-bas en ville. Ne peut-il pas refuser ?
— Tu parles comme quelqu’un qui vient à peine d’atterrir dans ce village !
L’arrivée avec un air goguenard du magasinier de Ngnaou-Ngnaou au magasin de Fabrik, interrompit la discussion.
 
 
 
 
II
 
 
 
La forêt a cessé de déverser son parfum de saison des pluies sur le village Lanala. L’eau des feuilles a disparu. Dans la plaine, on entend la cigale chanter en frottant ses ailes. Au zénith, le soleil qui, au matin joue à cache-cache, fait tomber ses effluves sur la terre. Tout donne l’impression d’être en pleine saison des pluies.
Ngnaou-Ngnaou, qui se fait passer pour le plus grand propriétaire terrien de Lanala, rôde autour des cases de ses nombreuses épouses, comme pour chercher un abri. De loin, il peut entendre les pleurs des enfants de Maniko le chasseur, dans une case qui respire la tristesse. Ces enfants pleurent de faim. Les plus jeunes essuient leurs larmes sur le pan de la robe de leur mère. Pourtant, la veille, Maniko avait réussi à terrasser un sanglier.
Mais personne n’ose raconter ce qui s’est passé. Tous les habitants sont comme terrorisés. L’affaire, raconte-t-on dans certaines cases, remonte à environ une nuit, au cours de laquelle Maniko est rentré avec une queue de sanglier, sous forme de trophée de chasse. La viande est dépecée. Une cuisse est envoyée au chef Mankour, pour la dîme. Mais, quelle ne fut pas la surprise des uns et des autres ! Sans la moindre explication, Ngnaou-Ngnaou et les siens sont descendus chez Maniko et ont emporté tout ce qu’on appelle chair de sanglier, sous prétexte que la bête avait été abattue sur la terre de leurs ancêtres.
Restés les mains vides, les enfants se sont effondrés en larmes. Ils ont vu la viande fraîche, dans toute sa senteur, passer sous leurs yeux. Comme pour se consoler, ils frottent leurs morceaux de pain de manioc au sang collé à la lance avec laquelle leur père a tué le sanglier. Les plus astucieux vont jusqu’à brûler la lance au feu, dans l’espoir de mieux dégager l’odeur du sanglier emporté.
 
 
 
III
 
 
 
De retour de la rivière, un jour, un enfant interroge sa mère :
— Maman, pourquoi le roitelet chante-t-il en disant : la terre est desséchée ! La terre est desséchée ?
— Mon fils, regarde le chien du riche, a-t-il la même grosseur que celui du pauvre ? Mon père, ton grand-père donc, me disait : « Ma fille, ce n’est pas la terre qui est mauvaise ni desséchée, mais plutôt les hommes, les femmes et les enfants compris ». Et il me racontait cette histoire :
« Un jour, me disait-il, les arbres avaient décidé de construire une case. Les conditions pour faire partie des pieux ; il fallait être fort, beau, élégant, droit.
Le jour, la date et le mois convenus, chaque arbre se présente, fait le tour de la cour, vante ses capacités, et les autres sont là, assis. Ils apprécient. De manière générale, ils expriment un vote défavorable. Arrive le tour de E’ngôon, de son nom scientifique hymenocardia acida euphorbiaceae , en congolais nzete makayabu (poisson salé, sec). Sa nature fait de lui un bel arbre. Il vante ses atouts : “Beau, dit-il, je le suis, aucun arbre n’est aussi brun que moi ; fort, aucun autre arbre ne peut se mesurer à moi”. E’ngôon fait son petit numéro et se pavane fièrement au milieu de la foule, à la manière d’un modèle et va s’asseoir.
Les autres arbres se retirent pour délibérer. Ils reviennent. Bois de fer, le porte-parole, racle sa gorge et dit au nom du jury : “Cousin E’ngoon, l’assemblée vient de délibérer. Elle a apprécié toutes tes qualités. Tu es beau, élégant, personne n’en disconvient, tu es fort, tu réponds bien aux critères, mais, l’assemblée estime que tu n’es pas droit, ton tronc est courbé, ainsi que toutes tes branches. Désolé, tu ne peux faire partie des pieux dont nous avons besoin pour la construction de notre case”.
Les arbres avaient tiré leçon de ce qui s’était passé entre les vers et la cigogne. En quête d’un leader, les vers ont organisé un scrutin. La cigogne a été élue. Sur le trône, l’oiseau au long cou, promène son bec dans toutes les directions. Un insecte qui passe, il l’avale. De cette façon, « il a failli anéantir toute la société des vers, proie dont il raffole. »
Dans l’assistance, quelqu’un a failli parler des enfants de Fabrik. Ce dernier l’a fixé avec des yeux réprobateurs, comme pour lui dire qu’il n’aime pas qu’on parle de sa progéniture partie étudier à l’étranger, à ses propres frais. Il y a déjà plusieurs années que ses deux enfants Gamapaf et Fabricienne, étudient à l’étranger. Gamapaf, est le nom que Fabrik avait donné à son fils, en souvenir de son grand-père, homme de parole, très respecté dans la contrée p

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